Une "maison de bien-être" pour faire évoluer la médecine


Le nouveau fare rapa’aura’a situé au Fare Hape à Papenoo a été inauguré samedi matin.
PAPENOO, le 1er juin 2019 - L’association Haururu a inauguré samedi son « Fare rapa’aura’a » (maison de bien-être) sur le site du Fare Hape à Papenoo. Plusieurs invités ont été conviés pour l’événement, ainsi que des professionnels de santé. Ce nouveau fare servira de lieu de rencontres et d’échanges entre les tradi-praticiens et les médecins.

La « médecine intégrative » se fait une place au fenua, elle consiste à mettre en place des échanges entre la médecine « conventionnelle » et la médecine traditionnelle. « C’est plus un lieu de formation entre les professionnels de santé et les tradi-praticiens », indique Yves Doudoute de l’association Haururu.

La mise en place de ce projet date d’il y a 18 ans, grâce aux échanges qui ont eu lieu entre des tradi-praticiens et Taote Eric Parrat, pneumologue. « Un système de confiance s’est installé entre nous et on a été porté par cet élan qui est fait pour répondre aux besoins de la population, ce que j’appellerai la rencontre des soignants », explique Docteur Eric Parrat.

Ce « fare rapa’aura’a » ne servira pas à soigner les malades. « C’est avant tout de la recherche, et de l’expérimentation. C’est une véritable école de médecine », souligne Taote Parrat.

Lors de l’inauguration de cette maison de bien-être, on pouvait ressentir tout ce respect porté à la Culture Polynésienne. « La culture, c’est qu’il reste quand on a tout oublié, et nous, professionnels de santé, nous nous devons de soigner dans la culture Polynésienne. Si on soigne dans la culture européenne, on ne peut pas répondre aux questions, ce n’est pas possible », poursuit le médecin.

La surface de ce « fare rapa’aura’a » représente 60 m², et avec l’aide des sponsors, l’association Haururu a dépensé 2,5 millions de francs pour la construction de cet espace. « C’est à chacun de s’approprier ces lieux. Il est très ouvert, à la fois dans son architecture mais aussi dans son accès. Mais au-delà de tout ça, les professionnels de santé et les tradi-praticiens vont passer un accord de règles de travail entre eux, elles vont se mettre en place petit à petit », termine Taote Parrat.

D’autres fare verront prochainement le jour sur le site du Fare Hape. Le prochain sera destiné à la recherche sur les incantations avant l’arrivée des européens. Ce fare portera le nom de « Fare ‘aira’a upu ». « Upu, ce sont les connaissances les plus anciennes. On étudiait par incantation, il y avait des séances où on apprenait comme cela. Donc, c’est ce que nous voulons mettre en place, pour faire des recherches et la mettre en application », explique Yves Doudoute. Ce fare devrait être inauguré vers « la fin du mois d’août ». Place ensuite, à la maison des ‘Arioi, « où tout ce qui concerne les arts vont être travaillés. » Enfin, le dernier fare fera honneur à la gravure.

Autant de projets que lancera l’association Haururu jusqu’au bout, avec la participation de ses généreux sponsors.


La parole à

Yves Doudoute
Membre de l’association Haururu

« On avait une conception de la médecine qui n’était pas la même »


« Tout le village va être aménagé et on réaménage la vie. Ici, c’est plus la maison du bien-être parce qu’on avait une conception de la médecine qui n’était pas la même. On aura un « Fare ‘aira’a upu » que je considère comme l’un des plus importants. Pour moi, upu, ce sont les connaissances les plus anciennes et je proposerai de partir avant les européens. ‘Aira’a upu veut dire manger la connaissance, c’est ce qui est important. Chez le Polynésien, on ne va pas dire « apprends par cœur », mais « apprends avec tes tripes », « tāmau ‘ā’au mai ». Donc, tu manges la connaissance. Il y aura aussi, un grand fare 'arioi qui fera le double de celui que nous venons d’inaugurer qui va être construit pas loin, et où tout ce qui concerne, par exemple, les arts vont être travaillés. »



Taote Eric Parrat
Pneumologue

« On est en train de fonder une école de médecine traditionnelle »


« On n’est pas là pour croire ou penser, on est là pour démontrer que ce que l’on fait, marche. Nous respectons les grandes règles internationales, cela s’appelle la stratégie pour la médecine traditionnelle. Donc, nous respectons les règles éthiques médicales aussi. Nous avons des résultats concrets et on va les présenter au mois d’octobre en France. On va donner un cours sur la médecine intégrative et on va parler de ce que l’on fait ici, parce que cela intéresse tout le monde. Les deux équipes qui travaillent vraiment dessus sont lacrymologie et les soins palliatifs. Donc, on travaille déjà entre équipes médicales, main dans la main. Les tradi-praticiens apportent des réponses humaines, là où même la technique la plus merveilleuse qui puisse exister est défaillante. Au jour d’aujourd’hui, la médecine tire vers la technologie, mais tout le monde est en attente de réponses humaines. Autant les patients et les familles que nous, professionnels de santé. La technique nous dépasse et elle n’apporte pas de réponses. Elle va vous dire, vous avez telle maladie, et après ? Donc, on a tous besoin de s’ancrer à l’humanité. Prendre en compte tout ce que cette personne a, dans son corps, dans son psychisme, dans ses problèmes sociaux… c’est à ça que la culture répond. On est en train de fonder une école de médecine traditionnelle. »


Pour cet événement, des tradi-praticiens étaient de la partie, ainsi que des professionnels de la santé.

Rédigé par Corinne Tehetia le Dimanche 2 Juin 2019 à 00:15 | Lu 4511 fois