Ce nouveau texte pourrait réduire une partie des pouvoirs de l'Autorité Polynésienne de la concurrence, mais elle garde une capacité de sanction considérable. Elle a en particulier la possibilité d'infliger des amendes allant jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires consolidé, ainsi que des astreintes de 1 % du CA par jour, aux entreprises en infraction du droit de la concurrence...
PAPEETE, le 12 janvier 2017 - Le gouvernement a rédigé un projet de loi pour modifier le tout récent droit de la concurrence polynésien. Des changements qui veulent corriger les "effets indésirables" observés ces deux dernières années. En pratique, la toute jeune Autorité de la concurrence polynésienne va perdre son pouvoir le plus large et sera mieux encadrée.
Le gouvernement a envoyé son projet de loi du Pays modifiant le code de la concurrence au CESC le 10 janvier dernier. Il s'agit de la première étape législative pour ce texte, puisque après l'avis purement consultatif du Conseil économique, social et culturel, c'est l'Assemblée de la Polynésie qui aura le dernier mot sur ce projet de loi.
Le texte vise explicitement à corriger le droit de la concurrence établit il y a deux ans. Avec un peu de recul, le gouvernement aurait observé "certains effets indésirables et contre-productifs" du texte adopté, et propose donc des modifications "affinant le texte, précisant son contenu, simplifiant et clarifiant certains articles afin d’accroître leur capacité à assurer à la fois un bon fonctionnement de la concurrence et une stimulation du dynamisme économique".
Certaines modifications vont dans le sens des critiques émises par les chefs d'entreprise. L'Autorité va devoir publier un règlement intérieur et les règles applicables par une entreprise en cas de procédure. Les seuils à partir desquels un rachat d'entreprise doit être examiné par l'APC sont également largement augmentés, et tous les chiffres d'affaires sont désormais considérés hors taxes. L'Autorité ne pourra plus se prononcer sur les opérations menées par une entreprise étrangère n'ayant pas encore d'activité en Polynésie comme ce fut le cas lorsque l'homme d'affaires samoan Frederick Grey avait racheté plusieurs hôtels de la place et Tahiti Nui Travel, des rachats retardés de quelques semaines le temps d'avoir l'avis de l'APC (tout investissement étranger au fenua passe déjà par une autorisation du Conseil des ministres). Notons aussi la suppression de l'interdiction des accords d'importation exclusive, une mesure contestée par certains économistes eux-mêmes.
Les plaintes concernant l'augmentation de la paperasse demandée aux entreprises ont aussi été entendues, avec plusieurs obligations déclaratives supprimées. Cela conduit à la suppression de l'Observatoire de la concurrence. Le projet de de loi veut aussi supprimer le pouvoir de l'APC qui lui permettait, "en cas d'existence d'une position dominante détenue par une entreprise ou un groupe d'entreprises, qui soulève des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevés" d'obliger un groupe à céder des actifs à un concurrent pour rétablir un marché équilibré.
A la place, le texte ne prévoit plus que la possibilité de prononcer des amendes très sévères en cas "d'exploitation abusive d'une position dominante de la part d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises exploitant un ou des magasins de détail". Donc le texte n'encadre plus que le marché de la distribution, ne punit plus que des abus prouvés par l'APC et pas les "situations préoccupantes", et ne prévoit plus la possibilité d'obliger une entreprise à vendre des actifs pour rétablir la concurrence. Le but est ostensiblement de ne pas provoquer une "instabilité juridique" avec des sanctions prononcées contre des entreprises qui n'ont commis aucun abus. De tels précédents feraient, selon l'exposé des motifs écrit par le gouvernement, fuir les investisseurs internationaux.
Le président aura le dernier mot sur les rachats d'entreprises
Un nouvel article est aussi inséré dans le texte pour créer le "Pouvoir d'évocation du Président de la Polynésie française". Le président y gagnera la possibilité de réexaminer personnellement une décision de l'APC concernant une opération de concentration (donc un rachat d'entreprise) et de la changer selon sa volonté, avec un simple agrément de son conseil des ministres.
Le seul cas ces deux dernières années où ce pouvoir du président aurait pu être utilisé concerne une décision prise par l'APC en mars 2017. Elle avait alors empêché le groupe Martin (via son entreprise Emar) de racheter le groupe Taporo (les entreprises Compagnie française maritime de Tahiti et Vaipihaa) pour éviter le fait que "la concentration projetée est de nature à porter atteinte à la concurrence (...) aux Îles Sous-le-Vent, Gambier et Tuamotu Est". Une décision justifiée sur 81 pages (fichier pdf). Le groupe Martin se trouvait obligé de renoncer à deux bateaux dans l'opération, et a finalement annulé le rachat. Puisque son projet incluait la création d'un ferry passager vers les Raromatai, les maires se sont saisis de l'affaire pour contester la décision de l'APC. Si un tel cas devait se reproduire, le président pourrait avec cette nouvelle loi casser la décision de l'Autorité de la concurrence en quelques jours. Il pourra justifier un changement de la décision en considérant l'intérêt de l'opération pour le développement insulaire, pour l'emploi ou même pour l'investissement international, en acceptant donc qu'elle soit potentiellement néfaste à la concurrence.
Dernière mesure intéressante à noter, une entreprise qui dénoncera ses partenaires dans une entente pourra désormais échapper aux sanctions. Une incitation à la délation qui a donné de très bons résultats en Europe et aux États-Unis, et conduit à des milliards d'euros d'amende...
Le gouvernement a envoyé son projet de loi du Pays modifiant le code de la concurrence au CESC le 10 janvier dernier. Il s'agit de la première étape législative pour ce texte, puisque après l'avis purement consultatif du Conseil économique, social et culturel, c'est l'Assemblée de la Polynésie qui aura le dernier mot sur ce projet de loi.
Le texte vise explicitement à corriger le droit de la concurrence établit il y a deux ans. Avec un peu de recul, le gouvernement aurait observé "certains effets indésirables et contre-productifs" du texte adopté, et propose donc des modifications "affinant le texte, précisant son contenu, simplifiant et clarifiant certains articles afin d’accroître leur capacité à assurer à la fois un bon fonctionnement de la concurrence et une stimulation du dynamisme économique".
Certaines modifications vont dans le sens des critiques émises par les chefs d'entreprise. L'Autorité va devoir publier un règlement intérieur et les règles applicables par une entreprise en cas de procédure. Les seuils à partir desquels un rachat d'entreprise doit être examiné par l'APC sont également largement augmentés, et tous les chiffres d'affaires sont désormais considérés hors taxes. L'Autorité ne pourra plus se prononcer sur les opérations menées par une entreprise étrangère n'ayant pas encore d'activité en Polynésie comme ce fut le cas lorsque l'homme d'affaires samoan Frederick Grey avait racheté plusieurs hôtels de la place et Tahiti Nui Travel, des rachats retardés de quelques semaines le temps d'avoir l'avis de l'APC (tout investissement étranger au fenua passe déjà par une autorisation du Conseil des ministres). Notons aussi la suppression de l'interdiction des accords d'importation exclusive, une mesure contestée par certains économistes eux-mêmes.
Les plaintes concernant l'augmentation de la paperasse demandée aux entreprises ont aussi été entendues, avec plusieurs obligations déclaratives supprimées. Cela conduit à la suppression de l'Observatoire de la concurrence. Le projet de de loi veut aussi supprimer le pouvoir de l'APC qui lui permettait, "en cas d'existence d'une position dominante détenue par une entreprise ou un groupe d'entreprises, qui soulève des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevés" d'obliger un groupe à céder des actifs à un concurrent pour rétablir un marché équilibré.
A la place, le texte ne prévoit plus que la possibilité de prononcer des amendes très sévères en cas "d'exploitation abusive d'une position dominante de la part d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises exploitant un ou des magasins de détail". Donc le texte n'encadre plus que le marché de la distribution, ne punit plus que des abus prouvés par l'APC et pas les "situations préoccupantes", et ne prévoit plus la possibilité d'obliger une entreprise à vendre des actifs pour rétablir la concurrence. Le but est ostensiblement de ne pas provoquer une "instabilité juridique" avec des sanctions prononcées contre des entreprises qui n'ont commis aucun abus. De tels précédents feraient, selon l'exposé des motifs écrit par le gouvernement, fuir les investisseurs internationaux.
Le président aura le dernier mot sur les rachats d'entreprises
Un nouvel article est aussi inséré dans le texte pour créer le "Pouvoir d'évocation du Président de la Polynésie française". Le président y gagnera la possibilité de réexaminer personnellement une décision de l'APC concernant une opération de concentration (donc un rachat d'entreprise) et de la changer selon sa volonté, avec un simple agrément de son conseil des ministres.
Le seul cas ces deux dernières années où ce pouvoir du président aurait pu être utilisé concerne une décision prise par l'APC en mars 2017. Elle avait alors empêché le groupe Martin (via son entreprise Emar) de racheter le groupe Taporo (les entreprises Compagnie française maritime de Tahiti et Vaipihaa) pour éviter le fait que "la concentration projetée est de nature à porter atteinte à la concurrence (...) aux Îles Sous-le-Vent, Gambier et Tuamotu Est". Une décision justifiée sur 81 pages (fichier pdf). Le groupe Martin se trouvait obligé de renoncer à deux bateaux dans l'opération, et a finalement annulé le rachat. Puisque son projet incluait la création d'un ferry passager vers les Raromatai, les maires se sont saisis de l'affaire pour contester la décision de l'APC. Si un tel cas devait se reproduire, le président pourrait avec cette nouvelle loi casser la décision de l'Autorité de la concurrence en quelques jours. Il pourra justifier un changement de la décision en considérant l'intérêt de l'opération pour le développement insulaire, pour l'emploi ou même pour l'investissement international, en acceptant donc qu'elle soit potentiellement néfaste à la concurrence.
Dernière mesure intéressante à noter, une entreprise qui dénoncera ses partenaires dans une entente pourra désormais échapper aux sanctions. Une incitation à la délation qui a donné de très bons résultats en Europe et aux États-Unis, et conduit à des milliards d'euros d'amende...