Une “légère” faute d'inattention aux conséquences dramatiques


Tahiti, le 27 novembre 2023 – Au terme d'une audience particulièrement émouvante, un ancien militaire de 58 ans a été condamné mardi pour homicide involontaire. Le 25 décembre 2022, il avait mortellement percuté une moto sur laquelle circulait un père de famille. 
 
“Un accident de la route, aussi grave soit-il, n'est pas toujours l'œuvre d'un chauffard.” C'est par ces mots que l'avocat d'un ancien militaire de 58 ans, Me Gilles Guédikian, a contextualisé mardi en correctionnelle les faits reprochés à son client. Le quinquagénaire était poursuivi pour un homicide involontaire commis le 25 décembre dernier à Papara. Peu après 16 heures en ce jour de Noël et alors qu'il venait faire du sport dans un parc situé en face du golf d'Atimaono, le prévenu avait repris son véhicule. Après avoir vérifié à droite puis à gauche, l'homme s'était engagé sur la route sans voir la moto qui arrivait. L'engin s'était encastré dans la voiture et le motard, très grièvement blessé, était décédé quelques minutes après le choc des suites d'un isthme aortique. Il était ressorti des analyses sanguines pratiquées sur le conducteur du véhicule que ce dernier n'avait ni bu, ni fumé. 
 
À l'entame de son procès mardi, le prévenu – un primo délinquant père de quatre enfants – a douloureusement décrit l'accident en expliquant qu'il n'avait “jamais vu la moto”. “Je n'ai pas réalisé ce qui est arrivé et j'ai vu un corps par terre lorsque j'ai ouvert la portière de ma voiture. J'ai vu que c'était grave et je lui ai dit que j'étais désolé, je lui ai tenu la main”, a-t-il raconté en présence de la famille et des enfants du défunt avant d'ajouter qu'il pensait “tous les jours” au drame. 
 
Capacité de “pardonner”
 
La mère de la victime s'est ensuite avancée à la barre pour exprimer sa peine et demander au prévenu pourquoi il n'avait pas fait assez attention. Ému, ce dernier a répété à la vieille dame qu'il n'avait vraiment pas vu la moto de son fils et qu'il était désolé. La femme de la victime et mère de leurs deux adolescents, a, elle aussi, tenu à parler à l'ancien militaire. Après lui avoir expliqué qu'elle l'avait longtemps pris pour un “monstre”,elle a assuré qu'elle avait désormais compris que c'était un accident, que ce n'était “pas de sa faute” et qu'elle lui pardonnait. Alors qu'elle le prenait dans ses bras, l'émotion était palpable des deux côtés de la barre. 
 
Une capacité de pardonner empreinte d'une grande “dignité” pour le procureur de la République qui a salué lors de ses réquisitions l'attitude des proches de la victime. Concernant le prévenu, le représentant du ministère public a déploré que ce dernier n'ait pas dit à la barre qu'il n'avait pas “voulu la mort” mais qu'il en était “responsable”. “Le motard était prioritaire. Il n'a commis aucune faute et le prévenu est responsable d'une faute d'inattention légère et à ses conséquences dramatiques”, a-t-il conclu avant de requérir 18 mois de prison avec sursis et la suspension du permis de conduire pendant un an. 
 
Refus de priorité 
 
Me Gilles Guédikian, constitué pour la défense du mis en cause, a quant à lui expliqué que l'on reprochait à son client – un “ancien militaire qui a le sens des responsabilités” – un refus de priorité alors même qu'il n'avait pas vu la moto. Évoquant une “reconnaissance de faute” mais pas de responsabilité, l'avocat a ensuite rappelé que le prévenu s'était “immédiatement inquiété de la victime” : “Il s'est précipité pour lui parler, lui tenir la main et a essayé de l'accompagner jusqu'au dernier moment.”
 
À la sortie de l'audience, le prévenu a pu s'entretenir durant de longues minutes avec les enfants de la victime dans la salle des pas perdus. Le tribunal rendra sa décision le 5 décembre. 
 

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 28 Novembre 2023 à 17:08 | Lu 3332 fois