Une guêpe vole au secours de nos tomates


Cette micro-guêpe de moins d'un millimètre de longueur dévore de l'intérieur les nymphes de l'aleurode du tabac. Mais n'ayez pas pitié des aleurodes : cet insecte est le responsable des pénuries de tomates qui touchent la Polynésie depuis deux ans.
PAPEETE, le 18 janvier 2017 - Un insecte et un virus dévastent les cultures maraichères polynésiennes depuis près de deux ans. Pour les combattre, les agriculteurs vont recevoir l'aide d'un allié inattendu : une micro-guêpe qui dévore les larves de la petite mouche blanche qui transmet la maladie aux plantes.

Les amoureux des tomates le savent : depuis deux ans la Polynésie subit régulièrement de graves pénuries de ce légume. En fait, toutes les cultures maraichères de Tahiti avaient été exterminées début 2015 lors de l'arrivée dans nos îles d'une terrible maladie nommée TYLCV (Tomato yellow leaf curl virus), prononcé "Tilc". Il a fallu importer des plants résistants à la maladie pour relancer la culture, mais aucune espèce n'y est totalement immunisée.

Un maraicher spécialiste de la tomate sous serre nous expliquait ainsi début 2016 que "Le TYLCV est transmis par l'aleurode du tabac, une sorte de toute petite mouche blanche qui pique les feuilles de la tomate et d'autres plantes pour se nourrir. Le moindre insecte porteur du virus contamine les plantes. Leurs feuilles changent de couleur puis se déforment en cuillère… La plante contaminée arrête de grandir et meurt sans faire de fruits. (De plus) s'il y a trop d'insectes qui attaquent les plantes, même les espèces tolérantes tomberont tout de même malades."

Car cet aleurode est aussi un ravageur par lui-même, vidant la sève des plantes dans nos cultures de tomates, de concombres, de choux, de haricots, et s'attaquant même aux plantes ornementales de nos jardins. Bref, une peste végétale contre laquelle nous n'avions aucune défense : elle n'a aucun prédateur dans nos îles et son cycle de vie très cours (une génération dure deux semaines !) lui permet de rapidement résister aux insecticides.

LA GUÊPE DÉVORE L'ALEURODE DE L'INTÉRIEUR

Sauf que l'aleurode du tabac n'a pas la vie aussi facile dans le reste du monde : un prédateur très efficace lui mène la vie dure depuis des millions d'années. La micro-guêpe Eretmocerus hayati, longue de moins d'un millimètre, utilise ainsi l'aleurode du tabac comme nurserie pour ses petits. La guêpe pond son œuf dans la larve de l'aleurode. Le bébé guêpe attend que la larve grandisse un peu et se transforme en nymphe, puis elle se réveille : la guêpe dévore la nymphe de l'intérieur, en entier, avant d'émerger adulte de la peau de sa victime comme un Alien.

Le gros avantage de cette micro-guêpe est qu'elle est totalement liée à l'aleurode du tabac depuis des millions d'années, et elle ne s'attaque à aucun autre insecte. De plus, quand l'Australie l'a introduite, elle a permis de diminuer la population d'aleurodes du tabac de 75% !

En Polynésie, il aura fallu plusieurs années pour régler les problèmes législatifs empêchant son importation. Mais c'est chose faite depuis une semaine. L'importation est donc autorisée et la micro-guêpe va bientôt être élevée dans le nouveau bâtiment du SDR consacré aux auxiliaires de culture. Des premiers lâchers devraient être faits d'ici le deuxième semestre 2017. Les scientifiques étudieront son efficacité contre les populations du ravageur avant de multiplier les lâchers.

Cet auxiliaire de culture était impatiemment attendu par les agriculteurs polynésiens, particulièrement ceux de la filière bio qui n'avaient pas beaucoup de moyens de protéger leurs plantations du ravageur et du TYLCV (on nous signale un insecticide bio qui semble efficace, la limocide, qui donnerait de bons résultats avec de l' huile minérale ou végétale). Ils pourront bientôt également se fournir en micro-guêpes auprès du SDR en cas d'attaque. Les agriculteurs conventionnels devraient également profiter de l'introduction de la guêpe, les traitements par insecticide traditionnels étant de moins en moins efficaces contre l'aleurode.


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mercredi 18 Janvier 2017 à 14:59 | Lu 2818 fois