Tahiti, le 11 avril 2023 – Une étude de la Maison des sciences de l'homme du Pacifique s'est attachée à recenser quantitativement les violences intrafamiliales -physiques, sexuelles ou morales- en Polynésie française pour mieux les caractériser, les expliquer et les comprendre. Des résultats qui montrent une réalité complexe, des formes de violence "à distinguer" et certains lieux-commun "à relativiser".
C'est dans le cadre d'un programme de recherche mené depuis 2018 au sein de la Maison des sciences de l'homme du Pacifique qu'une étude sociologique "quantitative" sur les violences intrafamiliales en Polynésie française vient d'être rendue publique. Réalisée à partir d'enquêtes de terrain menées par les chercheurs du campus de Outumaoro, l'étude a porté sur un échantillon de 1 198 personnes. Pas de quota, ni de redressement des résultats. L'échantillon -non représentatif de la société polynésienne- n'a pas servi à mesurer la fréquence des violences intrafamiliales au fenua. "Notre enquête quantitative a moins été mise en œuvre pour contribuer à la mesure de la prévalence des violences sur le territoire, que pour les caractériser, pour expliquer ces dernières et pour comprendre comment les violences physiques, sexuelles ou morales s’articulent entre elles", précise le rapport.
La famille comme "espace à risque"
Toutes précautions méthodologiques étant prises, l'étude pointe tout de même le "fort taux de victimes de violences physiques, sexuelles et morales" dans les réponses recueillies par son échantillon. "La famille au sens large apparaît donc comme un espace particulièrement à risque." Chiffres à l'appui, l'étude montre effectivement que "les violences sexuelles et physiques sont plus souvent perpétrées dans le contexte familial qu'extrafamilial". 40% des personnes interrogées avaient déjà été victimes de violences physiques au sein du cadre familiale, contre 20% hors de ce cadre. Idem pour les auteurs de violences : 14% déclarent avoir été violents hors cadre familial et 22% au sein de la famille.
Autre information ressortant de l'étude, les cas "isolées" de violences intrafamiliales sont rares. Seules 14% des personnes ayant déclaré des violences physiques ne mentionnent qu'une seule situation de ce type. À l'inverse, ces violences s’installent parfois dans des "routines interactionnelles", tant pour les violences physiques que sexuelles. Pas moins de 67% des victimes ont affirmé subir des violences physiques récurrentes. Un triste constat qui s’applique également aux violences sexuelles : 26% des victimes ont subi une agression, 50% plusieurs et 24% déclarent avoir subi des agressions récurrentes.
Différentes violences, différents auteurs
Qui sont les auteurs de ces violences intrafamiliales ? Sans surprise, majoritairement des hommes. Mais dans le détail, on peut relever une distinction entre d'un côté les violences physiques et morales et de l'autre les violences sexuelles. Les premières sont surtout intergénérationnelles : 86% des violences physiques sont commises par les parents, oncles ou tantes et 76% des violences morales par les parents. "Les violences physiques et morales s’exercent quasi-exclusivement dans le cadre du lien de filiation, dans lequel la conception de la violence comme moyen éducatif semble vivace", explique l'étude.
Les violences sexuelles apparaissent "spécifiques". Elles sont à l'inverse exercées en majorité par des "collatéraux" (53%). Mais elles le sont moins au sein de la fratrie (frères et sœurs, demi-frères et sœurs, fa'a'amu…) que par les cousins germains : 15% pour les premiers et 38% pour les seconds. L'étude relève que pour les violences sexuelles "l'axe intergénérationnel demeure important" puisqu'il concerne encore 46% des violences subies. Cependant, ces violences sexuelles s'inscrivent dans une configuration relationnelle différente des violences physiques. Les grands-pères (10%) et pères (8%) sont bien moins représentés, ou encore "la figure de l’oncle, quasi-absente des violences physiques, apparaît très nettement, puisqu’elle concerne 38% des agresseurs".
Une reproduction victime/auteur à relativiser
L'étude se penche également sur le lien entre le fait d'avoir été victime de violences intrafamiliales et celui d'en devenir auteur à son tour. "Les personnes victimes de violence intrafamiliales ont-elles tendance à être plus souvent autrices de violences, au sein de leur famille d’origine, dans leur couple ou à l’extérieur ?", interroge d'un côté l'enquête. "Observe-t-on une surreprésentation de personnes victimes parmi les personnes autrices de violences ?", questionne-t-elle de l'autre. Et sur ce point, l'étude relativise une idée reçue bien ancrée. "Dans le cas des violences intrafamiliales, la reproduction de la violence subie apparaît comme un phénomène relativement limité", explique le rapport d'étude en conclusion.
Certes le phénomène existe, puisque dans la famille d’origine les victimes de violences physiques ont plus tendance à être autrices de violence : 28% contre 7% pour les non-victimes. Et si on inverse le raisonnement, on observe aussi la surreprésentation de personnes victimes de violence parmi les auteurs : 62% des personnes ayant commis des violences physiques dans leur famille d’origine en ont également été victimes. "Si la majorité des victimes ne deviennent pas autrices, la majorité des auteurs a donc bien été victime de violences." Pour autant, ces chiffres démontrent que cette "contamination des rôles" entre les positions de victime et d'auteur reste "modérée". "Majoritairement, les personnes victimes de violences physiques dans leur famille n’en commettent pas elles-mêmes", retient l'étude. Dans le cas des violences morales, il y a en revanche une plus forte porosité entre la position de victime et celle d’auteur, pose l'étude.
Femmes, enfants… des "facteurs de risque"
Enfin, l'étude s'est également intéressée à la situation des victimes et auteurs et aux "facteurs de risques". Ce risque de subir des violences, quel qu’en soit le type, s’accroît en effet parmi les personnes qui ont grandi dans un foyer recomposé et encore davantage parmi les personnes qui ont grandi dans un foyer fa’a’amu. L'enquête relève également qu'au sein de la famille au sens large, les femmes subissent plus fréquemment des violences que les hommes : qu’il s’agisse de violences physiques (41% contre 30%), particulièrement de violences sexuelles (27% contre 6%) et, dans une moindre mesure, des violences morales (55% contre 40%). Enfin, l'âge apparaît comme un "facteur de vulnérabilité prépondérant" face au risque de subir des violences. Les violences décrites ont le plus souvent été commises durant l’enfance. Et l'enquête relève que l'on observe une "vulnérabilité spécifique des enfants face au risque de violences sexuelles".
C'est dans le cadre d'un programme de recherche mené depuis 2018 au sein de la Maison des sciences de l'homme du Pacifique qu'une étude sociologique "quantitative" sur les violences intrafamiliales en Polynésie française vient d'être rendue publique. Réalisée à partir d'enquêtes de terrain menées par les chercheurs du campus de Outumaoro, l'étude a porté sur un échantillon de 1 198 personnes. Pas de quota, ni de redressement des résultats. L'échantillon -non représentatif de la société polynésienne- n'a pas servi à mesurer la fréquence des violences intrafamiliales au fenua. "Notre enquête quantitative a moins été mise en œuvre pour contribuer à la mesure de la prévalence des violences sur le territoire, que pour les caractériser, pour expliquer ces dernières et pour comprendre comment les violences physiques, sexuelles ou morales s’articulent entre elles", précise le rapport.
La famille comme "espace à risque"
Toutes précautions méthodologiques étant prises, l'étude pointe tout de même le "fort taux de victimes de violences physiques, sexuelles et morales" dans les réponses recueillies par son échantillon. "La famille au sens large apparaît donc comme un espace particulièrement à risque." Chiffres à l'appui, l'étude montre effectivement que "les violences sexuelles et physiques sont plus souvent perpétrées dans le contexte familial qu'extrafamilial". 40% des personnes interrogées avaient déjà été victimes de violences physiques au sein du cadre familiale, contre 20% hors de ce cadre. Idem pour les auteurs de violences : 14% déclarent avoir été violents hors cadre familial et 22% au sein de la famille.
Autre information ressortant de l'étude, les cas "isolées" de violences intrafamiliales sont rares. Seules 14% des personnes ayant déclaré des violences physiques ne mentionnent qu'une seule situation de ce type. À l'inverse, ces violences s’installent parfois dans des "routines interactionnelles", tant pour les violences physiques que sexuelles. Pas moins de 67% des victimes ont affirmé subir des violences physiques récurrentes. Un triste constat qui s’applique également aux violences sexuelles : 26% des victimes ont subi une agression, 50% plusieurs et 24% déclarent avoir subi des agressions récurrentes.
Différentes violences, différents auteurs
Qui sont les auteurs de ces violences intrafamiliales ? Sans surprise, majoritairement des hommes. Mais dans le détail, on peut relever une distinction entre d'un côté les violences physiques et morales et de l'autre les violences sexuelles. Les premières sont surtout intergénérationnelles : 86% des violences physiques sont commises par les parents, oncles ou tantes et 76% des violences morales par les parents. "Les violences physiques et morales s’exercent quasi-exclusivement dans le cadre du lien de filiation, dans lequel la conception de la violence comme moyen éducatif semble vivace", explique l'étude.
Les violences sexuelles apparaissent "spécifiques". Elles sont à l'inverse exercées en majorité par des "collatéraux" (53%). Mais elles le sont moins au sein de la fratrie (frères et sœurs, demi-frères et sœurs, fa'a'amu…) que par les cousins germains : 15% pour les premiers et 38% pour les seconds. L'étude relève que pour les violences sexuelles "l'axe intergénérationnel demeure important" puisqu'il concerne encore 46% des violences subies. Cependant, ces violences sexuelles s'inscrivent dans une configuration relationnelle différente des violences physiques. Les grands-pères (10%) et pères (8%) sont bien moins représentés, ou encore "la figure de l’oncle, quasi-absente des violences physiques, apparaît très nettement, puisqu’elle concerne 38% des agresseurs".
Une reproduction victime/auteur à relativiser
L'étude se penche également sur le lien entre le fait d'avoir été victime de violences intrafamiliales et celui d'en devenir auteur à son tour. "Les personnes victimes de violence intrafamiliales ont-elles tendance à être plus souvent autrices de violences, au sein de leur famille d’origine, dans leur couple ou à l’extérieur ?", interroge d'un côté l'enquête. "Observe-t-on une surreprésentation de personnes victimes parmi les personnes autrices de violences ?", questionne-t-elle de l'autre. Et sur ce point, l'étude relativise une idée reçue bien ancrée. "Dans le cas des violences intrafamiliales, la reproduction de la violence subie apparaît comme un phénomène relativement limité", explique le rapport d'étude en conclusion.
Certes le phénomène existe, puisque dans la famille d’origine les victimes de violences physiques ont plus tendance à être autrices de violence : 28% contre 7% pour les non-victimes. Et si on inverse le raisonnement, on observe aussi la surreprésentation de personnes victimes de violence parmi les auteurs : 62% des personnes ayant commis des violences physiques dans leur famille d’origine en ont également été victimes. "Si la majorité des victimes ne deviennent pas autrices, la majorité des auteurs a donc bien été victime de violences." Pour autant, ces chiffres démontrent que cette "contamination des rôles" entre les positions de victime et d'auteur reste "modérée". "Majoritairement, les personnes victimes de violences physiques dans leur famille n’en commettent pas elles-mêmes", retient l'étude. Dans le cas des violences morales, il y a en revanche une plus forte porosité entre la position de victime et celle d’auteur, pose l'étude.
Femmes, enfants… des "facteurs de risque"
Enfin, l'étude s'est également intéressée à la situation des victimes et auteurs et aux "facteurs de risques". Ce risque de subir des violences, quel qu’en soit le type, s’accroît en effet parmi les personnes qui ont grandi dans un foyer recomposé et encore davantage parmi les personnes qui ont grandi dans un foyer fa’a’amu. L'enquête relève également qu'au sein de la famille au sens large, les femmes subissent plus fréquemment des violences que les hommes : qu’il s’agisse de violences physiques (41% contre 30%), particulièrement de violences sexuelles (27% contre 6%) et, dans une moindre mesure, des violences morales (55% contre 40%). Enfin, l'âge apparaît comme un "facteur de vulnérabilité prépondérant" face au risque de subir des violences. Les violences décrites ont le plus souvent été commises durant l’enfance. Et l'enquête relève que l'on observe une "vulnérabilité spécifique des enfants face au risque de violences sexuelles".