Une enquête sur les soins et praticiens traditionnels rééditée


TAHITI, le 2 novembre 2021 - L’ouvrage de référence de Simone Grand Tahu’a, tohunga, kahuna, Le monde polynésien des soins traditionnels ressort chez Au Vent des îles. Un sujet qui, selon l’auteure est “on ne peut plus actuel”.

Les travaux de Simone Grand ont été publiés une première fois chez Au Vent des îles en 2007. Les revoici, 15 ans plus tard. Ils sont “on ne peut plus actuels”, décrit l’auteure.

Pour connaître et comprendre les tahu’a de Tahiti, les kahuna de Hawaii et les tohunga de Nouvelle-Zélande, Simone Grand est allée à leur rencontre. Elle a aussi interrogé des chercheurs du Pacifique. Son champ d’étude s’est également élargi à “ce qui a concouru à faire du Polynésien ce qu’il est aujourd’hui en interrogeant la géographie et l’histoire, la politique et la religion, l’économie et le social”.

Simone Grand rappelle notamment l’impact des contacts. “Les Européens en arrivant ont été stupéfaits par la bonne santé des Polynésiens.” Mais Samuel Wallis, débarquant avec la tuberculose et la syphilis, a irrémédiablement changé la donne. “Les bateaux suivants ont conforté les maladies.” La population selon James Cook (1728-1779) était estimée aux alentours de 204 000, elle est rapidement passée à environ 6 000. “Il ne restait plus qu’une poignée de Polynésiens vivant dans une société ébranlée.” Ébranlée par la disparition des leurs mais aussi “par le discours des missionnaires.” Les femmes et les hommes ont eu à s’exprimer, à se définir “avec des mots qui n’étaient pas les leurs”.

Or, citant Albert Camus, Simone Grand rappelle que “mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde”. L’histoire et ces événements ont eu un impact sur la pensée, la réflexion, l’âme des Polynésiens. Avec ses travaux, l’auteure invite les lecteurs à “penser à nouveau”, à “s’interroger sur le récit que l’on fait de soi”. “Il faut que chacun retrouve sa propre parole”, ce que les soins traditionnels encouragent eux aussi. Ils ne se limitent pas à une liste de recettes et de posologies, en une seule décoction de plantes, ils traitent le corps autant que l’esprit, en considérant le passé en relation avec les ancêtres. “Car aujourd’hui s’explique par hier.”

Contexte, témoignages et problématiques

Tahu’a, tohunga, kahuna, Le monde polynésien des soins traditionnels démarre par une indispensable mise en contexte. Elle détaille le sujet et l’objet, aborde la question du biais apporté par l’identité du chercheur, elle décrit son matériel et ses méthodes, les sources et modalités de réalisation de l’enquête. Ensuite viennent les témoignages, les parcours de vie, les histoires qui donnent toute la force de cet ouvrage de référence.

Dans une deuxième partie, après avoir posé le cadre, Simone Grand traite des maux à Tahiti, elle y détaille les types de soignants et rapporte les traitements. Elle s’intéresse aux problématiques liées à l’exercice des soins traditionnels avec l’importance de la spiritualité mais aussi la rémunération des soins. Enfin, elle termine avec une troisième et dernière partie intitulée Quand soigner conduit au tribunal.

Sollicités puis boudés

Ces travaux ont été initiés suite à “une demande de politiques”, raconte Simone Grand. “Puis mes études ont été boudées”, précise-t-elle. Elle a tout de même tenu à aller au bout et même à mener une thèse sur le sujet. Elle n’avait alors pas “de doctorat en plus” mais les résultats l’avaient tant perturbés qu’elle avait besoin de les formaliser. En 2021, en pleine période de crise sanitaire, ils résonnent plus que jamais.

Une personnalité bien connue

Simone Grand, d’origine polynésienne, amérindienne et européenne, est une personnalité bien connue de la Polynésie française.
Docteur en biologie, elle a œuvré dans les secteurs de la mer, l’environnement, l’agriculture, la politique, les sciences humaines, le social, l’ethnopsychiatrie… et a soutenu une thèse en anthropologie.
Anthropologue, femme politique, elle s’est impliquée dans la recherche universitaire ethnologique, puis en ethnopsychiatrie.

Rédigé par Delphine Barrais le Mardi 2 Novembre 2021 à 20:35 | Lu 1369 fois