Une double mission pour le navire océanographique L'Atalante


Le navire océanographique L'Atalante dispose à bord de sondeurs multifaisceaux, de bathythermographes, de célérimètres, de gravimètres, de sondes de sédiments, de température etc… et de tout un équipement informatique pour mener ses recherches
PAPEETE, le 6 avril 2015. Jusqu'au début du mois de mai, le navire océanographique français est en campagne de mesures dans les eaux territoriales polynésiennes. Plusieurs missions seront effectuées, l'une pour avancer dans la modélisation du risque tsunami autour de Moruroa, l'autre pour renforcer le dossier d'extension du domaine maritime local.


Avoir un navire de recherche océanographique français dans les eaux territoriales de la Polynésie ce n'est pas si fréquent. Le dernier passage de l'Atalante date de 2012 pour une précédente mission liée au programme d'extension de la plaque continentale de la Polynésie française (Polyplac). Ce navire de recherche pluridisciplinaire destiné aux géosciences marines, à l'océanographie physique et à la biologie marine ne passe pas inaperçu. Avec ses 85 mètres de long, son portique de levage et ses équipements de sondeurs, l'Atalante est à Papeete, au quai des paquebots, de la place Vaiete depuis quelques jours. Sa première mission, du 9 au 19 avril, au profit du service hydrographique et océanographique de la marine (Shom) va le conduire près des atolls de Moruroa et Tureia dans le cadre de "travaux menés au profit de la modélisation du risque tsunami, très présent dans le Pacifique" peut-on lire dans un résumé de mission diffusé par le service hydrographique de la marine sur Internet.

Le risque de tsunami dans le secteur de Moruroa et Tureai n'a rien de naturel : il est clairement lié aux mouvements géologiques provoqués par les essais nucléaires souterrains réalisés sur place au temps du Centre d'expérimentation du Pacifique. Dès le début des années 1980, des failles sont apparues sur l'atoll de Moruroa qui sont régulièrement surveillées depuis par tout un système de capteurs, le système Telsite qui va justement être entièrement modernisé à partir du mois de juin prochain. Et, avec près de 250 personnes qui vont travailler sur place pendant au moins les trois prochaines années, la modélisation du risque de tsunami dans ce secteur devient urgente. Sur place, même si le risque a toujours été présenté comme très faible par les forces armées et les autorités françaises, on craint un glissement de blocs de falaise corallienne. Or, il en va de la sécurité non seulement des personnes qui vivent à Moruroa et prochainement ils seront quelques centaines de civils à travailler sur place, mais aussi de la sécurité des 300 habitants de l'atoll de Tureia, à 100 km de là. Il est plus que temps de corroborer ces certitudes affichées d'un risque faible de tsunami en raison d'un effondrement corallien, avec des mesures scientifiques précises.



Un dragage effectué depuis le navire océanographique durant la campagne Polyplac de 2012. Il y a trois ans, la campagne de mesures avait été effectuée autour des Marquises (Photo Ifremer/L. Loubersac).
Cartographie du fond des mers

La seconde mission que mènera l'Atalante, du 19 avril au 6 mai, conduira des scientifiques de l'Ifremer à l'extrémité orientale des Tuamotu (au nord-Est des Gambier). Il s'agira cette fois de compléter de données cartographiques sous-marines précises, le dossier de demande d'extension du plateau continental de la Polynésie française, dossier Polyplac déposé depuis 2009 auprès de la commission ad hoc à l'ONU. La ZEE (zone économique exclusive) territoriale polynésienne déjà la plus importante de France avec ces 5 millions de km2 pourrait facilement s'agrandir de 300 000 km2. "Il faut pour cela démontrer un prolongement naturel des îles sous l'eau avant d'arriver dans les grands fonds" explique Benoît Loubrieu, ingénieur cartographe à l'Ifremer et chargé de mission du programme Polyplac.

Plus facile à dire qu'à faire : le navire Atalante et ses équipements scientifiques va permettre de "faire des relevés acoustiques" et d'établir très précisément les reliefs sous-marins méconnus. "Ce sont des zones que l'on connait assez mal. On a des vues approximatives à partir de données satellitaires qui mesurent la déformation des océans qui permet de déduire la présence d'un relief sous-marin. Les mesures que nous allons faire vont permettre de dessiner des cartes précises avec des détails et un niveau du relief à la bonne échelle. Il y a souvent des surprises dans le Pacifique car nous allons dans des zones très peu fréquentées".

Cette campagne dans le cadre du programme d'extension du plateau continental en Polynésie sera probablement la dernière. En dix ans, l'Ifremer a mené une quinzaine de campagnes de mesures dans tous les outremer pour appuyer une demande d'extension du domaine maritime. "La Polynésie présente une géologie particulière, ce sont des îles volcaniques et il faut chercher ce prolongement naturel des îles sous l'eau, ce qui n'est pas si évident" détaille Benoît Loubrieu, sans compter que les îles polynésiennes sont éloignées les unes des autres rallongeant les missions des temps de transit d'un point à un autre. L'Atalante devra ainsi naviguer trois jours cette semaine avant d'arriver sur sa zone de mesure.





Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 6 Avril 2015 à 16:41 | Lu 1820 fois