Une décision qui ravit les patentés et gêne le Pays


Le montant des centimes additionnels versés à la CCISM chaque année est de l'ordre de 400 millions de Fcfp. Le maximum avait été atteint en 2012 avec 448 millions de Fcfp.
PAPEETE, le 22 juillet 2016. La cour administrative d’appel de Paris a jugé illégal le versement des "centimes additionnels" des patentés au bénéfice de la Chambre de Commerce, d'Industrie, des Services et des Métiers (CCISM) le 8 juillet. Cette décision est exécutoire. Les patentés peuvent donc demander le remboursement de cette somme. Le Pays travaille sur une loi de validation pour assurer la rétroactivité de ce système "le plus tôt possible".

Les patentés versent chaque année une contribution directe, c'est le versement des centimes additionnels. La majeure partie de la patente revient aux communes. Le reste est versé à la Chambre de Commerce, d'Industrie, des Services et des Métiers.
Il y a 33 ans, la commission permanente de l'assemblée fixait le maximum des centimes additionnels aux patentes perçus au profit de la CCISM.
La société DB Tahiti, qui organise notamment des salons et foires à Aorai Tini Hau, a décidé en 2012 de se tourner vers la justice administrative pour être déchargée du paiement des centimes additionnels de 2009 à 2014. En 2014, le tribunal administratif avait rejeté cette demande mais le 8 juillet dernier, la cour administrative d'appel est allée dans le sens de la société ont révélé nos confrères de Radio 1 jeudi.

Une décision exécutoire
"J'ai remarqué que le fondement de cette délibération de 1983 comportait un vice. La commission permanente ne peut décider de l'instauration d'un impôt", explique Me Arcus Usang, avocat de la société DB Tahiti. "N'importe quel patenté peut donc demander le remboursement des centimes additionnels". La décision de la cour administrative d'appel est, en effet, exécutoire.
En effet, la loi organique de 1996 prévoit que le Parlement a délégué à l'assemblée de la Polynésie française, et à elle seule, le pouvoir de fixer le taux et l'assiette des impositions de toute nature.

Le montant des centimes additionnels versés à la CCISM est estimé à environ 400 millions de Fcfp chaque année.
Mais le gouvernement ne compte pas rester les bras croisés. Le Pays va se tourner vers le Conseil d'Etat pour contester cette décision expliquait vendredi Edouard Fritch. Mais cette démarche n'a pas d'effet suspensif. Autrement dit, cela n'empêchera pas les patentés de pouvoir réclamer le remboursement des sommes versées.

Selon nos informations, le gouvernement travaille sur une loi de validation. En effet, les lois du Pays et les délibérations en Polynésie sont soumises aux principes de non-rétroactivité. Si le Pays souhaite appliquer la rétroactivité à une délibération ou à une loi du Pays, cela doit se faire par une loi adoptée au Parlement.

La fiscalité étant une compétence des institutions propres de la Polynésie française, la validation doit s'effectuer par une loi organique.

Ensuite, si cette loi organique est adoptée par le Parlement, elle sera soumise, avant sa promulgation, au Conseil constitutionnel. Pour Me Usang, les patentés s'ils souhaitent demander un remboursement doivent donc le faire "rapidement".

PRESCRIPTION QUADRIENNALE OU NON ?

Mais dans ce dossier, il y a quand même des incertitudes : sur quelle période, les patentés pourront-ils faire une demande de remboursement ? Les avis divergent. La prescription quadriennale s'impose-t-elle ? Une ordonnance de 1998 prévoit en effet : "Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue."
A noter que cette décision fait suite à une démarche de DB Tahiti, la société de Virginie Bruant. En 2012, celle-ci n'était pas encore élue à Tarahoi. Aujourd'hui, elle est représentante au sein du groupe Rassemblement pour une majorité autonomiste et présidente de la commission des finances. Actuellement, hors de Tahiti, nous n'avons pu la joindre. "Je dois l'avoir au téléphone", soulignait ce vendredi le président du Pays.


Edouard Fritch, président du Pays : "Nous remédierons rapidement à cette difficulté"

Comment le Pays va-t-il réagir suite à cette décision de la cour administrative d'appel ?
Nous sommes en train d'analyser la motivation de la cour administrative d'appel. Ce qui transparait c'est qu'il est reproché un défaut de compétence dans cette affaire.
Nous remédierons rapidement à cette difficulté puisqu'il nous est reproché d'avoir adopté ce texte en commission permanente. On fera le nécessaire.

Je pense qu'on va aller jusqu'au Conseil d'Etat pour utiliser tous les moyens qui sont à notre disposition. Ce sera le plus tôt possible.

Cette décision fait suite à une démarche de Virginie Bruant. Cela la place dans une situation inconfortable par rapport à vous, non ?
Ce sont des choses qui arrivent. Elle a voulu se défendre en tant que contribuable effectivement quand elle a fait ce recours. Manque de pot pour elle, effectivement. Aujourd'hui elle a gagné dans cette affaire. Je dois l'avoir au téléphone, elle n'est pas là.

Un précédent avec l'impôt foncier

En 2002, une loi de validation avait déjà dû être prise pour régulariser l'impôt foncier. Une proposition de loi organique avait été déposée par Gaston Flosse, alors président du gouvernement. Elle avait pour but de valider les impôts fonciers perçus en Polynésie française et qui avait été contestée parce que la détermination des valeurs locatives par évaluation directe s'était opérée d'abord sans aucune base légale de 1992 à 1999, puis sur la base d'un arrêté pris par le conseil des ministres en septembre 1999, alors que ce dernier n'était pas compétent.

Rédigé par Mélanie Thomas le Vendredi 22 Juillet 2016 à 16:00 | Lu 12060 fois