Un terminal de gaz à 4 milliards à Hitia'a


Tahiti, le 16 mars 2023 – La première pierre du projet de terminal gazier Mana Ito d'une capacité de 3 000 tonnes de stockage a été posée jeudi matin à Hitia'a. L'entrepreneur Albert Moux signe son retour dans le secteur du gaz 40 ans après sa première expérience.
 
3 000 tonnes de stockage dans le deuxième terminal gazier de la Polynésie française installé sur la commune de Hitia'a. C'est le projet faramineux à 4 milliards de Fcfp qui a été lancé officiellement jeudi matin dans la vallée appartenant à la famille Cowan, juste en face de la passe de Faatautia. Au terme de trois années d'études et d'autorisations administratives, l'investisseur Albert Moux (également propriétaire de Tahiti Infos, NDLR), les ministres Tearii Alpha et René Temeharo, le tāvana Henri Flohr et les propriétaires de la vallée Joinville et Vetea Cowan ont procédé jeudi matin à la pose de la première pierre du projet Mana Ito de construction d'un site sécurisé de réception maritime, de stockage et de conditionnement de gaz de pétrole liquéfié –butane et propane– en vue d'une mise en service au premier semestre 2024.
 
Un peu plus tôt, le tahu'a Raymond Graffe avait entamé la cérémonie rassemblant une petite centaine de personnes par une présentation détaillée des noms, des légendes et des délimitations exactes des terres, passes, pointes, montagnes et ruisseaux alentours. Devant un parterre de chefs d'entreprises, d'élus et de riverains de Hitia'a, Albert Moux a ensuite pris la parole pour faire lui aussi un peu d'histoire. “J'ai commencé l'aventure du gaz avant le pétrole”, a rappelé l'homme d'affaires qui s'était lancé en 1984 dans le secteur, avant d'investir dans les hydrocarbures en 1987. L'aventure du gaz avait pourtant fini par tourner court. “Nous avons finalement abandonné le 28 septembre 2006 après près de 20 ans d'exploitation à perte”, a relaté jeudi Albert Moux, insistant sur la vente de sa société de l'époque au franc symbolique. “Ce franc symbolique, je vais le mettre dans la première pierre”, a promis l'investisseur. Une heure plus tard, son fils Patrick Moux ressortait une petite boîte métallique datée de septembre 2006 et contenant le tōta. “Une promesse à ma mère”, a-t-il ajouté en insérant la boîte dans les fondations de Mana Ito.
 

“La sécurité n'est pas une option”
 
Le projet de terminal gazier est “somme toute assez classique”, commente son directeur général, Sébastien Millot. Le stockage du butane et du propane est réparti dans trois cuves sous sarcophage. Des cylindres de 8 mètres de diamètre et 37 mètres de long, invisibles depuis l'extérieur car entièrement recouverts. “Dans le gaz, la sécurité n'est pas une option. On a des systèmes automatisés de détection. On respecte entièrement les normes européennes mais aussi internationales. Le gaz est un milieu très normé et qui ne laisse pas de place à l'improvisation”, explique Sébastien Millot. La construction est isolée de plus de 300 mètres de toute habitation et les autorisations d'exploitation obtenues en 2021 ont d'ailleurs surtout nécessité de nombreuses études visant à démontrer la maîtrise des risques et le respect de l'environnement.
 
Cette sécurité offerte par un stockage de gaz hors de Papeete est d'ailleurs l'un des arguments principaux de Mana Ito, qui se félicite d'avoir pu sortir l'approvisionnement en gaz de la capitale et de la zone urbaine. De quoi ravir le ministre et président de la communauté de communes de Tereheamanu, Tearii Alpha (lire par ailleurs). Mana Ito annonce 40 emplois directs, indirects et induits avec une forte demande de main d'œuvre lors de la construction de la route d'accès au site principal, du stockage et des bâtiments du site. L'approvisionnement sera effectué par butaniers amarrés dans la baie naturelle de Faatautia, à l'aide d'un pipeline de deux kilomètres. “C'est pratique pour nous, puisque le bateau sera dans le lagon”, détaille Albert Moux. “Ce sont des amarrages que l'on a l'habitude de faire dans d'autres pays. À Fidji, c'est 8 km. En Papouasie-Nouvelle Guinée, c'est 12 km. Là c'est 2 km, donc ce n'est rien du tout.”
 

“La concurrence est bonne”
 
“Je veux investir en Polynésie, l'endroit où je suis né. Je ne suis pas un hotu painu”, a répété l'homme d'affaires présent en Polynésie dans les secteurs des hydrocarbures, de la téléphonie, des médias et bientôt de l'immobilier et de l'hôtellerie avec le Village tahitien. “J'ai diversifié au maximum mes sociétés dans douze pays du Pacifique depuis 20 ans. Et c'est grâce aux bénéfices dans ces onze autres pays que je peux investir en Polynésie.” Un investissement que n'a pas boudé le tāvana Henri Flohr. “C'est le premier pas vers le développement à l'est de Tahiti”, a déclaré l'élu, soulignant lui-aussi la configuration particulièrement favorable du secteur avec la passe de Faatautia, la marina en bord de mer appartenant également à la famille Cowan et la vallée attenante. L'édile a souligné l'apport en centimes additionnels pour sa commune, rappelé l'arrivée prochaine d'une station-service et du “cadeau” sur le prix des bouteilles de gaz à Hitia'a (voir encadré).
 
Les prix, l'investisseur n'en a pas encore parlé jeudi matin. Mais il ne faisait aucun doute que ceux-ci animeront le marché du gaz dans les prochaines années. L'opérateur historique, Gaz de Tahiti, a lui-aussi renforcé sa capacité de stockage avec la fameuse cuve géante prévue à Motu Uta. “C'est bien. Il faut que le soleil brille pour tout le monde”, a uniquement commenté jeudi Albert Moux. Mais non sans prévenir : “La concurrence est bonne pour la population, c'est ça qui est important. Je n'aime pas tellement les monopoles, j'aime bien qu'on se batte sur le terrain de la concurrence.”

​Station-service et “cadeau” de 200 Fcfp sur le gaz

C'était une promesse annoncée lors des premières réunions publiques avec la population de Hitia'a ces dernières années, Albert Moux a rappelé son engagement de construire une station-service sur la commune en parallèle du lancement de ce projet de terminal gazier. Sur la côte Est, il n'existe aucune station-service entre Mahina et Taravao. La forte attente de la population a donc été rappelée à la fois par le propriétaire du terrain, Vetea Cowan, le maire de Hitia'a o te Ra, Henri Flohr, et le président de l'association de riverains de la commune, Émile Vernier. L'annonce a été faite jeudi, la station-service devrait ouvrir en même temps que le terminal gazier au premier semestre 2024. La commission d'attribution des stations vient d'émettre un avis favorable pour son implantation.
 
Deuxième promesse faîte aux riverains, les bouteilles de gaz vendues dans cette future station de Hitia'a le seront toujours avec un tarif de 200 Fcfp inférieur au prix du marché en Polynésie française. “Ce sera toujours 200 Fcfp moins cher ici à Hitia'a, c'est ce que j'ai promis pour la population”, a rappelé Albert Moux jeudi matin. Effet garanti sur l'assistance.
 

​Albert Moux, président de Mana Ito : “Il n'y a plus de monopole, c'est la concurrence”

Quels sont vos objectifs pour ce nouveau projet ?

“L'objectif, c'est l'ouverture l'année prochaine au premier semestre 2024. C'est bon pour la population parce qu'à partir de l'année prochaine, il n'y a plus de monopole. C'est la concurrence. Comme dans la téléphonie.”
 
C'est une revanche pour vous dans le secteur du gaz ?

“Non, pas du tout. On essaie de trouver cet emplacement depuis 35 ans. Ce n'est pas évident de trouver un emplacement avec une passe et tout ce qu'il faut. On a tenté à Taravao, on a attendu et ça ne s'est pas réalisé. On a tenté Nive'e, mais ça ne s'est pas réalisé non plus. Maintenant, grâce à la famille Cowan qui nous a proposé ce terrain bien placé, en toute sécurité, c'est bon.”
 
Ce gaz est destiné aux particuliers. Il pourrait également servir pour le projet de centrale à gaz évoqué un temps par le Pays sur la côte Est ?

“On a un stockage de gaz de 3 000 tonnes. C'est fait pour les particuliers pour des bouteilles de 13 kg, de 50 kg et plus. Bien entendu, s'il y a une centrale électrique, s'il y a des groupes qui décident de s'installer et qui doivent consomment du gaz, nous avons largement de quoi faire.”
 
Ce projet de centrale, vous comptez dessus ?

“Sur le projet du Pays de centrale à gaz, c'est vrai qu'il y a trois ans c'était faisable. Le gaz était moins cher que le carburant. Aujourd'hui, c'est le contraire et le gaz est plus cher. Donc pour moi, je pense qu'aujourd'hui c'est compromis. (…) On n'a pas besoin de ça pour fonctionner en tout cas.”
 
Votre concurrent renforce lui-aussi ses capacités de stockage dans le gaz à Papeete ?

“C'est bien. Il faut que le soleil brille pour tout le monde. La concurrence est bonne pour la population, c'est ça qui est important. Je n'aime pas tellement les monopoles, j'aime bien qu'on se batte sur le terrain de la concurrence. Et c'est très bien pour la population. Il n'y a qu'à voir la téléphonie. Sur les prix, c'est un coup pour eux, un coup pour nous. Et aujourd'hui tout le monde en profite. C'est ça l'avenir du Pays.”
 
Il y a de la place pour deux sur ce marché ?

“Il y a de la place pour deux. Il n'y a aucun problème. On n'est pas fou. S'il n'y avait pas la place pour deux, on ne le ferait pas.”
 

​Sébastien Millot, directeur général de Mana Ito : “On double la capacité de stockage en Polynésie”

Résumez-nous ce projet Mana Ito ?

“Le projet Mana Ito, c'est un projet industriel. C'est la construction du nouveau terminal gazier de la Polynésie française sur la commune de Hitia'a. C'est un stockage finalement assez classique, avec une installation de 3 000 tonnes de capacité de stockage, un centre remplisseur et puis une unité autonome de défense contre l'incendie.”
 
A quelle échéance le terminal sera-t-il terminé ?

“On vise un premier semestre 2024 pour la mise en exploitation du site. Donc le temps presse à partir de maintenant. Le chronomètre est déclenché et on essaie d'optimiser tous les jours pour être prêts le plus tôt possible.”
 
Quelle fréquence de livraison attendez-vous et que représente cette nouvelle capacité de stockage sur le marché actuel ?

“On attend deux à trois livraisons par an de gaz par navire. Pour les 3 000 mètres cubes, on vient finalement doubler la capacité de stockage. Ce qui est une très bonne chose pour la Polynésie française, puisqu'on vient développer la filière de stockage à des endroits opposés. Je rappelle que le site de Hitia'a, c'est le site qui avait été identifié comme pouvant recevoir un stockage de gaz dans le plan général d'aménagement du territoire en 2020.”
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Jeudi 16 Mars 2023 à 21:00 | Lu 6013 fois