Un policier impliqué dans l'affaire des procurations de Arue demande l'annulation de sa suspension


Tahiti, le 30 janvier 2024 - L'affaire des procurations litigieuses de Arue lors des dernières élections municipales fait son retour devant le tribunal administratif. L’un des brigadiers impliqués et temporairement suspendu a demandé l'annulation de la décision rendue l'année dernière. Bien que la rapporteure publique ait conclu au rejet de la requête, Me Thibaud Millet, l'avocat du policier, a soulevé la question de la partialité de l'enquêteur, qui se trouvait être, Mario Banner, officiellement toujours directeur de la DTPN jusqu'au 4 juillet.
 
“Cette affaire soulève des problèmes complexes de procédure, en particulier en ce qui concerne la question de la partialité de l'enquêteur, qui était alors le directeur de la police et directement impliqué dans les faits sous enquête. En effet, c'est lui-même qui avait mis en place ce système illégal de collecte de procurations au sein de la DTPN", a souligné Me Thibaud Millet lors de sa plaidoirie devant le tribunal administratif, ce mardi matin. L'avocat a plaidé en faveur de l'annulation de la décision du 24 janvier 2023, ordonnant la suspension temporaire de fonction (douze mois, dont deux avec sursis) de son client, l'un des cinq brigadiers de la Direction territoriale de la police nationale impliqués dans l'affaire des procurations litigieuses de Arue lors des élections municipales de 2020.
 
Le policier en question avait été suspendu pour avoir enfreint le code électoral, “qu'il ne pouvait ignorer” compte tenu de sa fonction d'officier de police judiciaire. En effet, il avait accepté et contresigné des procurations sans avoir formellement identifié et vérifié le dépositaire, comme le requiert la loi. Il s'agissait de 48 procurations de vote datées du 16 juin 2020, rédigées qui plus est par sa propre mère, candidate aux élections sur une liste. La rapporteure publique, concluant au rejet de la requête du brigadier, a estimé que même “si aucun élément du dossier ne permet d'établir que la volonté des mandants a été altérée”, la nature des fonctions du policier et l'ampleur des procurations concernées avaient porté atteinte à l'image de la police nationale, et que “la sanction litigieuse n'apparaît pas disproportionnée”.
 
L’enquêteur lui-même “impliqué”
 
Au tribunal administratif, devant lequel il a plaidé maintes fois dans ce dossier, Me Millet n'a pas abordé les questions de culpabilité et de procédures, mais s'est concentré sur la question de la partialité de l'enquêteur, le directeur de la DTPN, en poste jusqu'au 4 juillet, Mario Banner, également impliqué dans l'affaire.
 
Bien que les conclusions de la rapporteure publique indiquent “l'absence d'un parti pris du directeur de la sécurité publique” et que “la procédure interne d'établissement des procurations de la DSP (Direction de la sécurité publique, ancien nom de la DTPN, NDLR) ne laisse pas penser qu'il aurait manqué d'impartialité à l'égard du brigadier”, Me Millet estime qu'un problème de partialité persiste dans ce dossier alors que ces enquêtes étaient demandées par le haut-commissaire de l'époque, Dominique Sorain, ainsi que l'IGPN. Une question que le tribunal n'a pas encore tranchée, selon l'avocat.
 
“Il y a une partialité particulière, qui n'est pas due au fait qu'il soit son supérieur hiérarchique mais au fait que l'ancien directeur de la DTPN, qui a mené l'enquête, soit impliqué au premier chef dans cette affaire. Est-ce que cette personne peut diriger cette enquête ? Moi, il me semble que non. C'est du jamais-vu. C'est toujours choquant en tant que juriste de voir la police enquêter sur la police. Il me semble a minima que c'est la gendarmerie qui aurait dû enquêter, pour avoir un système d'enquête un minimum objectif”, a-t-il argumenté devant le tribunal.
 
“Il y a également un certain nombre de fonctionnaires qui ont reconnu les faits durant l'enquête et qui, à ce jour, n'ont toujours pas été inquiétés. Certains d'entre eux font partie du même syndicat que le directeur. C'est une affaire qui demeure très douloureuse au sein de la DTPN. Beaucoup de règlements de compte ont eu lieu”, a-t-il ajouté. “Heureusement, des éléments commencent à être récoltés, car Monsieur Banner n'est plus en fonction actuellement (il liquide ses congés avant de passer la main le 4 juillet prochain, NDLR) et les langues se délient.” Le tribunal administratif rendra sa décision sur cette affaire le 13 février prochain.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Mardi 30 Janvier 2024 à 15:24 | Lu 3715 fois