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Un plan de prévention de la délinquance en mars en Polynésie française


Etat, Pays et communes, justice, police, gendarmerie, éducation nationale et associations étaient représentés pour cette première réunion.
Etat, Pays et communes, justice, police, gendarmerie, éducation nationale et associations étaient représentés pour cette première réunion.
PAPEETE, le 18 janvier 2016. Haut commissariat, justice, Pays, communes, police, gendarmerie, Education nationale et associations étaient réunis ce lundi après-midi pour la mise en place du Conseil de prévention de la délinquance en Polynésie française. Un plan d'actions sera déterminé en mars prochain.

D'abord il y a le constat posé par Lionel Beffre, le Haut commissaire, en préambule de cette réunion. "En Polynésie française la délinquance est maîtrisée mais on assiste à une hausse préoccupante de certains indicateurs". Et de citer quelques chiffres, ceux de 2014 : les atteintes aux personnes ont doublé en dix ans. On le remarque particulièrement dans les violences intrafamiliales où les faits sont supérieurs à ce qui s'observe nationalement. Les violences sexuelles préoccupent également. S'il n'y a eu "que" 200 faits en 2014, le taux rapporté au territoire polynésien est presque deux fois plus élevé que celui national.

Autre chiffre préoccupant, celui qui concerne la consommation des stupéfiants. Ici pas de drogue dure, mais la circulation de l'ice se confirme et surtout celle de paka est banalisée : elle est surtout trois fois supérieure à ce que constataient les forces de l'ordre il y a une dizaine d'années. En témoigne les saisies et destructions de paka : en 2014 le bilan total atteint 50 601 pieds ! Enfin, et peut-être la préoccupation majeure des autorités provient de la part des mineurs impliqués dans cette délinquance : 10% des faits mettent désormais en cause des jeunes qui n'ont pas encore atteint leur majorité pour les violences et ces mineurs sont plus d'un quart (27%) à être impliqués dans les atteintes aux biens (vols simples le plus souvent).

Bref au vu de ces chiffres en augmentation, cette idée de la création d'un Conseil de prévention de la délinquance est née naturellement. "Il y a un certain temps qu'on en parlait avec la ferme intention de viser la maîtrise de la délinquance par l'intervention et la coordination de nos efforts" commente François Badie procureur général. "Il y a déjà en Polynésie française des zones de moindres droits où pourtant des situations sont connues de tous : des violences sexuelles, de l'absentéisme scolaire… Le but est d'améliorer la prévention de la détection des faits de délinquance" en faisant travailler en coordination tous les services concernés qu'ils soient de compétence de l'Etat, du Pays, des communes ou de l'Education nationale.

UN PLAN EN QUATRE AXES


Pour cette première réunion, le tour de table avec les différents acteurs était en particulier de s'accorder sur les priorités. Quatre axes sont déterminés : la prévention des addictions, la délinquance des mineurs, la prévention des violences intrafamiliales, la tranquillité publique. Des groupes de travail sont constitués pour que chacun en fonction de ses compétences puisse agir sur l'une ou l'autre de ces priorités. On y trouve par exemple une harmonisation des règles de distribution ou de consommation d'alcool alors que les règles sont très disparates sur le territoire en fonction des communes; mais aussi la mise en place d'un outil de mesure et de réponse à l'absentéisme scolaire déjà expérimenté par les services de l'éducation du Pays à la recherche de solutions pour enrayer le décrochage scolaire. Il sera question aussi du "téléphone grand danger" pour les femmes victimes de violence (voir en encadré ci-dessous). Enfin dans les communes, une action ciblée sur les voitures boum-boum sera une réponse concrète aux situations de nuisances sonores qui alimente des conflits de voisinage avant qu'ils ne débordent en violence physique.

"L'objet du plan de prévention de la délinquance ne sera pas de se substituer au travail déjà réalisé mais de coordonner les actions afin de bénéficier de synergies et d'en décupler les effets" est-il écrit dans le projet remis aux différents acteurs présents pour cette première réunion. A suivre. La prochaine réunion est programmée pour le 2 mars, à cette occasion le plan de prévention de la délinquance sera approuvé.



Cécile Moreau, directrice de l'association Te Rama Ora (aide aux victimes)

"Des instances de concertation, il y en a eu, mais ici l'intérêt c'est que Etat et Pays se retrouvent autour de la table et qu'on va pouvoir aller plus loin dans les discussions. Il y a une vraie envie d'avancer main dans la main. Par exemple, il est question du téléphone "grave danger". Ça ne concernera que des femmes qui sont en situation très grave, concrètement je pense qu'il y en aura maximum une dizaine. C'est vraiment pour des situations de danger avéré avec des risques de blessures graves. C'est le procureur de la République qui a la possibilité d'octroyer ce téléphone à une personne en danger pendant une période limitée de trois à six mois. La victime peut appeler en urgence les services de police ou de gendarmerie et ils viendront immédiatement sur place. C'est de la prévention secondaire pour éviter que le risque ne se reproduise ou s'aggrave et qu'on en arrive à des situations terribles comme on en a vu dans les journaux ces derniers temps avec des homicides conjugaux".

EN CHIFFRES

Les violences ou atteintes volontaires à l'intégrité physique ont doublé sur les dix dernières années et représentent en moyenne plus de 2500 faits par an. Elles sont principalement commises dans le cercle familial au sens large. Il s'agit de coups et blessures volontaires (sont également compris dans ces faits les dix homicides constatés en 2014). "Chaque jour en Polynésie française, plus de trois femmes sont victimes d'un acte violent" indique le projet de plan de prévention de la délinquance.

Les violences sexuelles représentent 193 faits et sont en baisse en 2014. "Malgré cette baisse, on constate presque deux viols par semaine en Polynésie française". Sur les 91 viols, 65 sont perpétrés sur des mineurs "majoritairement en intrafamilial".
Les atteintes aux biens restent stables : entre 5000 et 7000 faits depuis 2004.

Questions à François Badie, procureur général

Aujourd'hui, c'était la réunion du premier Conseil de prévention de la délinquance. Quatre axes ont été déterminés et d'ici la fin du mois des groupes de travail vont définir quelles actions à mettre en oeuvre et les moyens à réunir : faut-il un changement de Loi du Pays ? Faut-il un financement pour les directives d'actions par le procureur ? De façon à présenter pour la prochaine réunion, le 2 mars prochain, un plan d'actions complet qui sera validé par le conseil et mis en oeuvre dans les semaines et les mois à venir.

Concrètement est-ce qu'il nous fallait ce plan pour lutter contre la délinquance ?

En fait, ce qui est apparu c'est que beaucoup de choses sont faites ici mais de manière séparée. Donc l'intérêt de ce Conseil de prévention de la délinquance, c'est de faire une synergie, de coordonner les efforts du Pays, des administrations, des communes etc. ,de la justice de façon de décider des mesures concrètes à mettre en oeuvre. Le but ce n'est pas de mettre un plan qui sera artificiel ou une enveloppe vide, mais de définir des actions et de les mettre en oeuvre. D'où l'intérêt du suivi de ce plan d'actions à travers un comité de pilotage et d'une évaluation tous les six mois ou les trois mois. Pour voir si tel texte qui devait être voté, l'a été ; est-ce que telle instruction du procureur de la République aux gendarmes ou à la police a bien été appliquée ? C'est vraiment du concret, pas un plan poudre aux yeux.

Vous avez parlé de zones de "moindre droit" en Polynésie française, quelles sont-elles ?

La spécificité de la Polynésie c'est son éclatement dans une multitude d'îles et d'archipels. Il y a des atolls très éloignés où il n'y a pas de gendarmerie, pas de police, parfois quelques mutoi mais le signalement des situations à risques ne se fait pas bien. C'est ça qu'il faut développer l'alerte, le signalement des situations qui peuvent dégénérer. Il ne faut pas attendre sur un atoll de 90 personnes qu'un meurtre est commis alors qu'il pouvait être évité.

Et on s'y prend comment ? Qui signale : un citoyen, un mutoi, un tavana ?

Le plus simple serait un mutoi ou le maire. Mais l'alerte peut être effectuée par tout citoyen. Mon idée de ligne verte, qui existait avant mais a été enlevé, mais pourrait être remis, l'idée c'est de signaler les situations qui peuvent dégénérer. Je suis persuadé que beaucoup d'actes de violence grave pourraient être évités par une meilleure action en amont.

S'il y a un signalement, on pourra être sûr qu'il y aura une action ensuite ?

Il sera pris en considération, après il y aura une enquête. Normalement toute situation de violence avéré doit faire l'objet d'une enquête pénale et pas uniquement d'une prise en compte statistique. Une intervention sera faite.


Le besoin d'un outil fédérateur

Philippe François, chargé de mission auprès du secrétariat général du comité interministériel pour la prévention de la délinquance (SG-CIPD) est en Polynésie française depuis la semaine dernière pour participer à l'installation du Conseil de prévention de la délinquance en Polynésie française.

D'où est née la nécessité de créer un Conseil de prévention de la délinquance au niveau territorial ?

Il y a besoin sur une collectivité aussi importante que la Polynésie française d'avoir un outil fédérateur. C'est très clair : les comités locaux de prévention de la délinquance ont leur utilité mais il y a besoin au niveau stratégique d'avoir cette impulsion du Pays, de l'Etat, du parquet général.

Les comités locaux de prévention de la délinquance, dans certaines communes de Tahiti ne marchent pas vraiment, certains ont été mis en sommeil, qu'est-ce qui nous garantit qu'un plan territorial en quelque sorte de lutte contre la délinquance sera plus efficace ?

Dans mon propos j'ai beaucoup insisté sur l'animation. Si l'animation se déroule ici au niveau territorial, je pense qu'il peut faire école et donner plus d'impulsion à ce qui existe dans les communes. L'idée, c'est aussi que la même démarche soit effectuée par les maires.

Ce serait aussi un moyen de relancer ces comités locaux qui sont un peu en sommeil ?

En sommeil, à réactiver, en tout cas de s'orienter vers l'action. C'est très important qu'il y ait des initiatives, un partage sur le bilan et ensuite savoir où l'on veut aller à l'égard des jeunes, à l'égard des femmes souffrant de violence ou pour ramener un peu de tranquillité publique.

Dans le diagnostic territorial de la délinquance, qu'est-ce qui vous paraît le plus alarmant ?

Les violences intrafamiliales, ça c'est très clair et puis la cause qui est à l'origine de tout ça, la consommation d'alcool et de stupéfiants, donc là il faut que l'accent soit mis sur ces éléments, même si je ne viens pas pour demander que des actions soient calquées de la métropole sur ces sujets-là. Il faut avoir une attention particulière sur les jeunes car ils sont l'avenir et il faut leur éviter les dérives.

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 18 Janvier 2016 à 18:31 | Lu 2285 fois