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Un labo ambulant sur l'eau à Bora Bora


“Les scientifiques vont au récif, ce n’est pas le récif qui vient aux scientifiques.” La barge est surélevée au-dessus de l’eau par quatre piliers sur vérin (uniquement posés sur des fonds de sédiment).
“Les scientifiques vont au récif, ce n’est pas le récif qui vient aux scientifiques.” La barge est surélevée au-dessus de l’eau par quatre piliers sur vérin (uniquement posés sur des fonds de sédiment).
Bora Bora, le 17 mai 2022 - Une étrange barge expérimentale, baptisée Nohu Criobe, est venue s’installer dans le lagon de Bora Bora pendant un mois. Au-delà de la mission scientifique qui fait l’objet de sa venue, ce véritable laboratoire ambulant a accueilli les scolaires pour les sensibiliser à l’intérêt d’un tel outil.
 
Dans le cadre du projet Bora-Biodiv, mené depuis 2019 dans le lagon de Bora Bora, la barge scientifique du Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement (Criobe) a élu domicile dans le lagon de la Perle du Pacifique. Pensée par Serge Planes, ancien directeur du Criobe, et achevée en novembre 2021, cette barge de 5,7 mètres de large sur 14,25 mètres de long a pour objectif d’étudier la vie sous-marine. Véritable laboratoire ambulant, elle est dotée de quatre piliers montés sur vérins (uniquement posés sur des fonds de sédiment), permettant de surélever la barge et ainsi travailler au-dessus de l’eau sans être impacté par la houle. Trois scientifiques y cohabitent. Alexandre, capitaine et coordinateur de l’expédition, Camille, ingénieur et chercheur, assistant de Thomas, lui aussi chercheur et étudiant en thèse d’écologie marine. David, membre du Criobe, complète l’effectif.
 
Les scientifiques ont pour mission d’effectuer des recherches dans l’archipel des Raromatai pendant trois mois : mai à Bora Bora, juin à Raiatea et Taha’a, puis juillet à Huahine. Ils doivent notamment réaliser des relevés bathymétriques. La bathymétrie est la science de la mesure des profondeurs et du relief de l'océan pour déterminer la topographie du sol de la mer. Ces relevés viennent compléter ceux accomplis pendant une précédente campagne de cartographie en trois dimensions appelée Lidar. À Bora Bora, les nouveaux relevés effectués dans l’unique passe et dans le lagon permettront de savoir où positionner les bouées et les ancres ; une demande de la commune auprès du Criobe.
 
"Au lieu d’emmener les poissons et les coraux dans un laboratoire sur la terre ferme, c’est le laboratoire qui vient à eux, limitant ainsi le stress de ces animaux."

Limiter l'impact sur les animaux
 
Ce projet a été subventionné sous contrat État/Pays et réalisé par la société NSI de Tahiti (Nautisport Industries). Son coût est de 120 millions de francs : 70% pour le bateau, 30% pour le matériel. La technologie et les matériels utilisés sont novateurs. Un sonar, une mini station météo, une minigrue pouvant soulever 850 kilogrammes et des panneaux solaires (pour l’autonomie) sont, entre autres, les équipements de cette barge expérimentale modulable en fonction des missions. Un réseau de caméras et de capteurs in situ permet d’observer en temps réel les comportements particuliers, rares, imprévisibles, mais également nocturnes de la faune et de la flore aquatiques, sans perturber l’environnement. L’impact sur les animaux est effectivement limité. Comme le précise David : “Au lieu d’emmener les poissons et les coraux dans un laboratoire sur la terre ferme, c’est le laboratoire qui vient à eux, limitant ainsi le stress de ces animaux. Les scientifiques vont au récif, ce n’est pas le récif qui vient aux scientifiques.” Alexandre donne un exemple d’étude : “Pour étudier la reproduction des coraux, la barge se positionne au-dessus d’une zone corallienne, une toile vient se placer au dessus d’une patate, le corail pond, les scientifiques récupèrent les œufs, effectuent des fécondations dans les aquariums sur le bateau et relâchent les œufs sur la patate.”
 
400 élèves en visite

Pendant ce mois passé au cœur de la Perle du Pacifique, les scientifiques ont libéré quelques créneaux horaires pour permettre aux élèves de Bora Bora de découvrir et comprendre cette barge. Du 9 au 12 mai, les écoles de Namaha 3, Anau et Faanui, puis le collège-lycée, ont dépêché leurs élèves par groupes de 20 à 30. Au total ils ont été pas moins de 400 jeunes à la visiter. Les questions pour les scientifiques n’ont pas manqué pendant ces quatre jours. Alexandre précise que “les élèves, très respectueux, ont été divisés en deux groupes, l’un étant sensibilisé sur le futur rāhui de Bora Bora, l’autre à l’écoute de la présentation de la barge, de son intérêt." La barge expérimentale a été baptisée Nohu-Criobe, nohu étant le nom polynésien du poisson-pierre, puisque ce bateau se pose sur le sable comme un poisson-pierre.

Les scientifiques de la barge expérimentale du Criobe (de gauche à droite) : David, Thomas, Camille et Alexandre.
Les scientifiques de la barge expérimentale du Criobe (de gauche à droite) : David, Thomas, Camille et Alexandre.

La barge est équipée de panneaux solaires. Elle dispose d'une autonomie énergétique et opérationnelle (stockage eaux usées et autres) d'environ trois mois. © AlexMercière
La barge est équipée de panneaux solaires. Elle dispose d'une autonomie énergétique et opérationnelle (stockage eaux usées et autres) d'environ trois mois. © AlexMercière

Rédigé par Nij le Mardi 17 Mai 2022 à 16:39 | Lu 2532 fois