Un "gang" des vélos sévit dans la ville


PAPEETE, le 24/03/2016 - Selon les services de police, le phénomène a pris de l'ampleur depuis le début de l'année. Ils seraient une quarantaine de jeunes à vélo à agresser verbalement les noctambules de Papeete. Ils s'amusent également à narguer les forces de l'ordre pour échapper aux contrôles. La justice, de son côté, soupçonne que ces vélos aient été volés, la DSP enquête.

L'affaire prend de l'ampleur sur les réseaux sociaux. Une quarantaine de jeunes à vélos passent leurs soirées dans les rues de la capitale à agresser verbalement les noctambules qui sont éméchés. "Il y a une ruée de jeunes taure'a re'a en vélo le soir en ville, surtout le week-end. Ils passent par Mama'o et foutent un peu le bordel vers le rond-point du pont de l'est", pouvait-on lire dans un groupe de discussion. "Avec mon chéri, on s'est fait agresser vendredi d'il y a 2 semaines. Genre un couple face à une trentaine de gars à vélo, mon vini a été volé, le vini de mon chéri cassé. Un d'entre eux qui disait "assaut au mec, il est tout seul" genre assaut à mon copain quoi... Faites gaffe, c'est une bande de Bâtard", écrivait une autre internaute.

Ce "gang des vélos" agirait toujours de la même manière. "Certains de ces jeunes vont dans des zones d'ombre pour pousser leurs victimes à aller dans ces endroits pour qu'elles soient prises en otage et agressées. Il y a aussi des personnes dans leurs véhicules qui se sont faites agresser", précise Jean-Michel Kautai, chef de service sécurité ville de la police municipale de Papeete. Et cela ne s'arrête pas là, du côté de la DSP, ces jeunes aiment à narguer les forces de l'ordre : "On ne les a pas encore contrôlés parce qu'ils sont hyper rapides et ils adoptent des fois des comportements dangereux en remontant les voies de circulation à contre-sens en face des véhicules. On a eu des échos où les véhicules, en plein carrefour, alors qu'ils sont au vert, eh bien, ils sont obligés de s'arrêter au milieu du carrefour, sinon, ils se percutent deux à trois vélos qui arrivent en face et qui traversent dans tous les sens", raconte le commandant Tamatea Tuheiava, chef de l’unité de sécurité et de proximité à la DSP. "Ce sont des bandes très organisées", lâche Jean-Michel Kautai

Face à ces comportements dangereux, les forces de police veulent passer au niveau supérieur. Une rencontre entre les agents de la DSP et le procureur de la République, José Thorel a eu lieu mardi dernier afin de trouver des solutions pour stopper ces individus, pour la plupart des mineurs. "On a présenté un dossier au procureur qui fait état de la situation qui commence à être alarmante. Donc c'est pour cela que l'on a présenté une manière de traiter et de pouvoir gérer tout cela. Donc, on est sur le point de formaliser une procédure qui va permettre de mener des actions concrètes pour limiter ce phénomène", explique le commandant Tuheiava.

La DSP enquêtera aussi sur l'origine des vélos pour déterminer s'ils sont volés ou non. "Dans le cas précis de ces jeunes à vélo, il y a des soupçons de vol, car nous avons constaté une recrudescence des vols de vélos. La DSP est chargée de mener les vérifications sur la propriété de ces vélos que nous retrouvons dans ces attroupements qui troublent l'ordre public", rapporte le procureur José Thorel.

Et pour dissuader les fauteurs de trouble, les services de police multiplieront leurs rondes. "Au jour d'aujourd'hui, on peut déjà relever certaines infractions au code de la route. Puisqu'ils conduisent très souvent de manière dangereuse. Ils circulent sans éclairage, ce sont des infractions prévues au code de la route", explique le commandant Tuheiava. "Le défaut d'éclairage est passible d'une amende de 3e classe de 8000 Fcfp. Dans le cas d'une conduite à contre-sens, cela monte à 30 000 Fcfp, même si ces infractions ne sont pas habituellement relevées. C'est dangereux", précise le procureur José Thorel.

Les vidéos des caméras de surveillance serviront également à identifier et à connaitre l'itinéraire du "gang". Et le commandant Tamatea Tuheiava a quelques conseils à donner aux personnes qui pourraient être confrontées à ces jeunes délinquants. "De continuer son chemin parce qu'on a eu quelques faits comme cela au niveau de certains feux, où des automobilistes ont été pris à partie et une fois qu'ils posent le pied à terre, ils se font souvent molester avec des actes de violence. Le mieux est de ne pas répondre à leur provocation et de continuer son chemin. Quand on va vraiment commencer à se lancer dans des opérations dans ce domaine-là, il faudrait à ce moment-là que les personnes à pied ou en voiture qui se sentent agressées par la présence des individus, puissent appeler au 17. Afin que l'on puisse récolter les informations pour savoir les lieux et les heures où ces faits ont eu lieu, afin que l'on puisse mieux cibler les opérations à venir".

LA POLICE MUNICIPALE CRITIQUÉE SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX

Une publication sur les réseaux sociaux a créé la consternation chez les internautes. En effet, dans son récit, l'auteur de la publication dénonce une non-réaction de la part de certains policiers municipaux. Un jeune homme leur aurait demandé de l'aide après s'être fait agresser par le gang des vélos. "Le jeune homme explique la situation et le flic lui coupe la parole et demande s'il était bourré, il confirme que oui et vite fait bien fait le flic lui dit de dégager et que s'il veut porter plainte il n'a qu'à aller à la DSP", a écrit cette internaute.

Au poste de police, la réaction de la direction ne s'est pas fait attendre. "Vous savez les coups de gueule, on en entend tous les jours. On attend toujours plus de la police. On est en train de voir justement, qui sont les agents concernés et qui auraient avancé ces propos. À notre niveau, nous ne pouvons interpeller personne, nous avons nos limites. Il y a toujours une conduite à tenir. Et la victime a dit le nom de cette personne, je pense qu'il connait cette personne-là, nous le connaissons également. Mais s'il n'y a aucune plainte à son encontre, on ne peut rien faire. Donc on invite toujours les personnes à se rendre auprès de la DSP pour une procédure judiciaire et nous, on ne peut pas se permettre de prendre quelqu'un comme cela", précise Jean-Michel Kautai.

Ce vendredi soir, une grande soirée est organisée à Toata et les forces de l'ordre seront bien présentes sur le terrain. La police municipale doublera ses effectifs, elle travaillera en partenariat avec les agents de la DSP. "On va mener des actions par la présence, par des contrôle routiers aussi. On a déjà une belle opération de prévue ce soir et l'aspect dissuasif bien sûr est important pour tous ceux qui seraient amener à commettre des infractions, ils auront à répondre de leurs actes devant la justice", conclut le commandant Tamatea Tuheiava.

Le dispositif devrait s'étaler sur toute la durée du week-end de Pâques.

José Thorel, procureur de la République

"Nous souhaitons mettre un terme à ces agissements, ces vols de vélos et de comportement"


"La saisie des bicyclettes peut être effectuée uniquement par des agents de la DSP, car ce sont des officiers de police judiciaire (les mutoi ne peuvent faire que des constats, pas de saisies). Dans le cadre d'une suspicion de recel, ces saisies peuvent s'opérer le temps que ces personnes puissent justifier qu'ils sont les légitimes propriétaires du vélo (par des factures notamment). S'ils ne le sont pas les vélos saisis pourront soit être détruits, soit vendus au profit des domaines ou remis à leurs légitimes propriétaires si nous sommes parvenus à les identifier formellement. Nous souhaitons mettre un terme à ces agissements, ces vols de vélos et de comportement. Il y a un effet de mode dans le comportement des jeunes, en ce moment il s'agit de ces bandes à vélo qui sillonnent la ville et ça pose problème car ils commettent des incivilités en rayant délibérément des voitures, en insultant des passants, en allant parfois jusqu'à des vols à l'arraché."

Rémy Brillant, directeur général des services de Papeete

"Les vecteurs dans ce type de situation sont très souvent les mauvaises fréquentations"


"Il faut faire attention aujourd'hui à Papeete, il faut rester sur ses gardes quand on n'est pas bien ou quand on a un peu trop bu, il vaut mieux se faire raccompagner, plutôt que de partir seul. Quand on observe un peu c'est souvent le cas, une personne seule souvent écartée des lieux fréquentés, des personnes âgées. Ce qui se passe aujourd'hui et c'est très important de le dire, ceux qui font ces actes de violence, sont retrouvés et pratiquement dans la foulée condamnés. On a eu plusieurs cas d'agressions, la sanction tombe très vite. Il faut réfléchir à deux fois. Ces gamins-là ne sont pas à l'abri d'être pris et d'être sanctionnés s'ils sont reconnus coupables.
Les vecteurs dans ce type de situation sont très souvent les mauvaises fréquentations.
En développant l'accompagnement social dans les quartiers, en faisant des équipements sportifs, avec les associations, tout cela fait aussi partie de ce travail de prévention de la délinquance. Un travail qui est mené au quotidien par les maires, par les communes dans chaque quartier de la ville. Donc cela permet aussi de garder la jeunesse sur le bon chemin. On a aussi de bons parents qui s'occupent bien de leurs enfants, après il y a des choses qui peuvent les échapper et on se retrouve avec des situations comme celles-là.
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Rédigé par Corinne Tehetia le Jeudi 24 Mars 2016 à 18:03 | Lu 14014 fois