"Un gâchis": face au trafic de drogue, un site de l'université de Marseille ferme temporairement


Christophe SIMON / AFP
Marseille, France | AFP | mercredi 04/10/2023 - "C'est un immense gâchis": à Marseille, personnels et étudiants d'un site de l'Université Aix-Marseille en centre-ville travailleront à distance à partir de vendredi, en raison de sa fermeture temporaire face à l'insécurité grandissante liée au trafic de drogues.

"Comme vous le savez, après des mois d'inquiétude et d'alerte, le doyen de la faculté d'économie et de gestion du site Colbert à Marseille a pris la décision de fermer l'accès à ce bâtiment aux étudiants et aux personnels, faute de pouvoir assurer leur sécurité", écrit le président de l'université Eric Berton dans une lettre - dont l'AFP a obtenu copie - adressée au préfet du département des Bouches-du-Rhône et à la préfète de police, ainsi qu'à la procureure et au maire de Marseille.

"Il s'agit pour les personnels, pour les enseignants, pour notre communauté, de dénoncer les conditions d'insalubrité et d'insécurité autour de la faculté", a expliqué mercredi devant le site, situé à quelques encablures du Vieux-Port, le doyen de la faculté d'économie et de gestion, Bruno Decreuse.

"On en arrive à une décision radicale quand le sentiment de mécontentement monte et que les choses n'évoluent pas assez vite", a-t-il complété.

Cette décision, qui prend effet vendredi et jusqu'au 13 octobre, pourra être reconduite.

Quelque 1.500 étudiants, 170 enseignants et des dizaines de personnels administratifs fréquentent cette antenne de l'Université, située dans un quartier pauvre du centre-ville, selon le doyen.

"Les personnels seront mis en télétravail ou seront redéployés sur d'autres sites" et tous les cours assurés en distanciel, a assuré l'université.

"Il y a un point de deal qui a beaucoup grossi cet été. Toute la journée, on les entend crier pour vendre leur marchandise, c'est comme des poissonniers", a témoigné auprès de l'AFP un des membres du personnel du site sous couvert d'anonymat.

Un autre de ses collègues, qui se dit "très attaché à ce site qui a toujours été dans ce quartier populaire", parle lui d'un "immense gâchis".

Les étudiants ne cachaient pas mercredi leur inquiétude d'être à distance. Même si certains se disent "habitués" à voir ce point de deal où convergent des consommateurs de tous âges et tous milieux, ils espèrent une action pour que la faculté rouvre et pour un environnement plus paisible.

"Rester" 

"Il est évidemment hors de question que le service public cède sous les coups des stupéfiants et que l'université change d'emplacement", a martelé sur place le sous-préfet de police des Bouches-du-Rhône, Yannis Bouzar.

Même son de cloche du côté de la mairie de Marseille, dont l'adjoint à la Sécurité, Yannick Ohanessian, estime qu'il n'est "absolument pas envisageable de voir une université fermer ses portes, fuir un quartier de par l'implantation d'un trafic de stupéfiants qui s'organise en proximité immédiate."

C'est "une approche globale qu'il faut exercer sur le quartier pour essayer de retrouver de la sérénité", poursuit-il.

Une réunion, organisée par la préfète de police des Bouches-du-Rhône, doit avoir lieu en début d'après-midi à Marseille en présence entre autres du président de l'Université Aix-Marseille et de la mairie.

Pour Yannis Bouzar, si la situation s'est tendue, c'est "du fait de l'attention particulière, massive et résolue des services de police", le sous-préfet relevant que 84 interpellations de trafiquants de stupéfiants avaient eu lieu depuis le début de l'année dans ce périmètre.

"Nous allons intensifier la présence des forces de l'ordre", a-t-il annoncé alors que personnels et étudiants regrettent une présence trop rare de la police.

Si le doyen de la faculté reconnaît que "depuis la rentrée", des "efforts importants ont été consentis" par mairie et police, "l'ensemble des personnels, les étudiants souhaitent qu'ils soient maintenus et s'accompagnent d'un autre ensemble de décisions locales" car il faut des "solutions multidimensionnelles".

Certes, la délocalisation des cours fait partie des solutions envisagées, mais "ce n'est pas le souhait premier des personnels et des enseignants", rappelle-t-il. "On entend rester" dans ce quartier qui a un "potentiel extraordinaire", ajoute-t-il.

Cité portuaire marquée par de fortes inégalités, Marseille est touchée depuis des dizaines d'années par les trafics de drogue. Mais le niveau de violence pour le contrôle des points de vente de stupéfiants est en hausse, comme dans d'autres villes de France. 

A Marseille, plus d'une quarantaine de personnes ont été tuées cette année dans les guerres de territoires entre trafiquants, la procureure évoquant un "bain de sang".

le Mercredi 4 Octobre 2023 à 06:03 | Lu 385 fois