Un fa'a'apu bio pour sortir de la galère


Tout au long de leur contrat, ces jeunes vont bâtir des faa'pu bio et solidaires à Motio dans le quartier de Heiri à Faa'a, à Hotu Area également à Faa'a et un dernier dans le quartier de Micheli à Pirae.
Papeete, le 18 octobre 2019 - Ils sont 13 jeunes au parcours un peu " galère ". Embauchés en service civique, ils ont neuf mois pour apprendre les bases du métier de cultivateur. Leur mission, créer de A à Z des fa’a’apu bio et solidaires, à Pirae et à Faa'a, et vendre ensuite leurs produits. Tahiti infos vous propose de suivre quelques-uns de ces jeunes issus du quartier de Micheli à Pirae, tout au fil des mois que va durer ce projet d'insertion par la terre.

Un coupe-coupe à la main en train de tailler du bois, le jeune David est tout heureux d'être au grand air. "Je m'ennuyais, je passais mes journées à rien faire chez moi, à regarder la télé. J'ai vu l'annonce du service civique, j'ai répondu et puis j'ai été pris". David fait partie des 13 volontaires qui ont été retenus pour créer trois fa’a’apu de toutes pièces : un à Pirae et deux à Faa'a.

Initié par Face (le Club Fondation Agir Contre l'Exclusion) et trois associations de quartier, ce projet a pour but d'insérer 13 jeunes dans la société par le travail de la terre. Douze d'entre eux sont embauchés en service civique pour une durée de neuf mois. Le treizième, Médéric, pour six mois en STH (Stage Travailleur Handicapé).

Tout au long de leur contrat, ces jeunes vont bâtir des fa’a’apu bio et solidaires à Motio, dans le quartier de Heiri à Faa'a, à Hotuarea, également à Faa'a, et un dernier dans le quartier de Micheli, à Pirae. Régulièrement, les trois équipes vont se donner un coup de main en allant sur les différents sites aux géographies peu semblables : le premier est un terrain en pente, le second, quartier Micheli, est en jachère et le troisième, à Hotuarea, est sur une terre qui a déjà été cultivée. Ces particularités vont permettre aux jeunes de s'adapter plus tard à toutes les configurations.

"ON NE VA PAS ETRE MERE TERESA"

"Ce sont des jeunes motivés, qui ont plein de choses à apprendre. Ils ont une force de travail et on va essayer de faire en sorte qu'ils s'en servent. On ne va pas être Mère Teresa, on va leur dire quand ça ne va pas, mais aussi quand ça va bien, ça les valorise", explique Oliver Pôté, directeur de Face.

Et la première "chose" que va leur enseigner Sylvain Todesco, le formateur en charge de leur transmettre les bases de l'agriculture, c'est d'être débrouillard, de savoir utiliser le système D. "La surface du terrain était trop petite sur le site de Micheli à Pirae. Ils sont alors allés voir le voisin qui avait un grand terrain et dont il ne se servait pas, il a accepté de le prêter pour deux ans, on a fait une convention dans les règles. Ils se sont rendu compte qu'il y avait souvent des solutions simples aux problèmes", relève Sylvain Todesco.

Une fois le problème du terrain réglé, à charge maintenant à chacun de relever ses manches pour aménager petit à petit la parcelle à cultiver. Mais avant de se mettre les mains dans le cambouis ou plutôt dans la terre, Sylvain Todesco explique quelques autres règles de base à ces cultivateurs en herbe. "Je veux des bonnes chaussures fermées, pour éviter de se blesser, et pas de casque de musique sur les oreilles, car sinon on se renferme sur soi-même et on ne communique pas". Un petit règlement interne a également été établi entre les jeunes et les associations partenaires, le premier jour de ce projet. Et d'une façon générale, tous ces petits ajustements nécessaires à la vie en collectivité ont l'air d'avoir été plutôt bien intégrés par les participants.

"IL Y A UNE VRAIE DEMANDE DANS LE BIO"

Au fil des semaines et des mois, ces jeunes, pour la très grande majorité d'entre eux, aussi novices en agriculture qu'en bio, vont apprendre à faire du compost, à construire la pépinière, etc. Petit à petit, un esprit de cohésion va se former. Les jeunes vont apprendre à se connaître, à travailler ensemble pour faire sortir des légumes de la terre.

"On a débroussaillé, coupé du bois, aplati le sol... C'était bien physique, mais ça va, c'est cool", explique Médéric, un grand morceau de bois sur l'épaule. Tout comme lui, Haunani, la seule femme du groupe, est bien motivée. Cette jeune maman de deux enfants est heureuse de sortir de chez elle, de rencontrer des gens. Et, surtout, elle a hâte de passer aux étapes suivantes, dont celle de lever les premiers semis et, si besoin, d'aller aider les copains des autres sites, pour être prêts pour leur premier grand rendez-vous : la vente de leurs premiers produits, prévus le 16 novembre prochain, sur le parking d'une grande surface de la place.

"Il y a une vraie demande dans le bio. On va planter des salades, du pota, des navets, des haricots, ce sont des légumes qui poussent relativement vite, ensuite, on passera à des produits qui prennent plus de temps comme le gingembre ou les patates. Je vais aussi leur montrer comment on peut utiliser des produits comme les mangues en les transformant en en faisant de la confiture par exemple", explique Sylvain.
 

LES TECHNIQUES DE LA VENTE

Pour cette première vente, les jeunes vont devoir également s'initier à quelques techniques commerciales : comment s'habiller, se comporter avec les clients, comment communiquer sur l'évènement pour faire venir les clients... Des bases finalement communes à de nombreux boulots.

"L'objectif de ce projet n'est pas forcément que tous les participants deviennent à la fin des cultivateurs, mais qu'ils en soient capable, qu'ils aient les bases, que cela les motive et leur donne confiance en eux, même pour faire autre chose", explique Oliver Pôté. "Plusieurs des jeunes ont laissé un grand blanc tout vide dans la case projet avenir au début du projet. On peut tout faire quand on a envie de faire", confie le formateur Sylvain Todesco, qui espère secrètement que ces jeunes font écrire plusieurs lignes de leur vie avec ce projet.
Affaire à suivre le 16 novembre.

Haunani Vairau, 25 ans, service civique.

"Je m'occupe de mes deux filles de 3 et 5 ans. Je n'ai pas de vraie expérience professionnelle, car quelques temps après ma scolarité, j'ai eu mes enfants. Maintenant, elles sont à l'école et je m'ennuie à la maison toute seule. Et puis… financièrement, c'est intéressant de gagner un peu d'argent.

Mon frère fait déjà un fa’a’apu. Je me dis que c'est une bonne idée d'en faire un aussi, ça m'intéresse d'apprendre les bases. Pour l'instant, je n'y connais rien. Physiquement, ça va, c'est pas trop dur pour le moment, ça fait du bien de bouger, de sortir de la maison, de voir des gens. Je suis la seule fille du groupe et ils sont tous très gentils avec moi. Si cela me plait, j'aimerai poursuivre, j'ai un peu de place pour planter des choses chez moi. Ça nous permettrait de manger de bons légumes bio et de vendre le surplus."

Médéric, 37 ans, embauché en STH, contrat de 6 mois, renouvelable 4 fois

"J'étais à la recherche d'un travail et j'ai trouvé cette annonce. J'ai déjà travaillé un peu dans une pépinière et j'ai envie de me lancer dans une expérience de légumes bio. J'aimerais bien faire un petit fa’a’apu chez moi après la formation. Je vis avec ma mère à Pirae, pas loin d'ici. Elle a un terrain de 1 000 m2 environ sur lequel je voudrais reproduire la même chose qu'ici pour créer mon petit boulot à moi. Ça m'aiderait beaucoup."

Rédigé par Pauline Stasi le Vendredi 18 Octobre 2019 à 16:37 | Lu 10275 fois