Un ex-gendarme et son cousin condamnés à Papeete pour corruption


Tahiti, le 29 juillet 2021 – Un ancien gendarme de la brigade de Faa’a et son cousin, Tuki Fatuma, narcotrafiquant bien connu à Tahiti, ont été condamnés ce jeudi par le tribunal correctionnel de Papeete pour corruption. Le maréchal des logis-chef , radié depuis, avait informé son cousin sur une affaire de viol le visant, avait obtenu un classement sans suite pour un dossier de violences conjugales sur une ex-copine et avait trahi la filature de ses collègues enquêteurs.
 
"Un délinquant qui a des ennuis avec la justice, et qui a besoin de renseignements. Avec un gendarme addict aux jeux d’argent, qui a besoin d’argent." Ces propos, issus du réquisitoire du Procureur de la République, résument bien l’affaire.
En 2019, Tuki Fatuma était sous le coup d’une commission rogatoire émise par un juge d’instruction, sur la base de forts soupçons de son implication dans un trafic d’ice. Il est entendu par les enquêteurs de la section de recherches (SR) de la gendarmerie nationale, qui épluchent ses fadettes et recensent des contacts téléphoniques réguliers avec un gendarme de la brigade territoriale de Faa’a. Le narcotrafiquant avait accepté d’être auditionné sans avocat, et s’était auto-incriminé en reconnaissant avoir versé entre 60 000 et 80 000 Fcfp au militaire.
Une enquête préliminaire est alors lancée par le parquet, et le gendarme est lui aussi interrogé par la SR de Papeete. On apprend alors que cet officier de police judiciaire (OPJ) est le cousin par alliance de Tuki Fatuma. Et qu’il l’avait dépanné par trois fois, en échange de sommes portées cette fois-ci au total à 500 000 Fcfp par le trafiquant. Les deux entretenaient des contacts réguliers, se réunissant au moins une fois par mois dans un bar de nuit du centre de Papeete, et deux à trois fois par semaine pour jouer au poker.
 
Un gendarme addict au jeu
 
Le gendarme gradé, addict au jeu de carte côtoyait nombre de narcotrafiquants bien connus des forces de l’ordre et de la justice lors de ces soirées poker. Il jouait aussi au "kikiri" et faisait des combats de coqs. Ces fréquentations le pousseront à franchir la limite et violer sa déontologie. Tout débute en novembre 2018, lorsqu’un dossier de violences conjugales impliquant son ami d’enfance et cousin tombe entre ses mains. "Vous considériez qu’il avait quatre à cinq filles dans son lit toutes les semaines, donc vous avez rejeté la qualification de violences conjugales à son égard. De plus, vous l’entendez sous le régime de l’audition libre [bien moins contraignant que la garde à vue, NDLR], sans organiser de confrontation avec la victime. Le pire, c’est que vous avez mis quatre mois pour prévenir le parquet et finalement obtenu un classement sans suite", lui reproche le procureur. En mars 2019, une enquête pour viol commis dans un hôtel de Huahine, visant Tuki Fatuma, est délocalisée à Faa’a. Le maréchal des logis-chef reçoit un appel de son cousin lui demandant des informations et, au lieu de prévenir ses supérieurs, fait pression sur l’adjudant-chef en charge du dossier : "Toujours avec l’argument qu’il avait du succès avec les filles, vous avez dit à votre supérieur qu’il était impossible qu’il puisse en violer une. Et puis vous avez fait l’erreur de dire que vous lui étiez redevable", adresse le président du tribunal à cet ancien gendarme.
 
En plus de ces deux faits de corruption, le maréchal des logis-chef avait illégalement consulté le fichier des cartes grises de véhicule de la Polynésie française. Tuki Fatuma avait repéré une voiture suspecte qui rodait dans son quartier de Saint-Hilaire à Faa’a. Le gendarme trahit ses collègues enquêteurs en informant le narcotrafiquant que des agents de la section de recherches le surveillent depuis un véhicule banalisé.
 
"Par amitié"
 
Le procureur de la République requiert quatre ans de prison dont deux avec sursis pour corruption passive à l’encontre du gendarme, déjà radié de l’institution après un passage en commission disciplinaire : "Il a clairement violé le serment qu’il a prêté devant le TGI de Quimper en 2011". À l’encontre de Tuki Fatuma, actuellement détenu pour trafic d’ice, il requiert quatre ans de prison ferme. En défense, les avocats dénoncent "un pacte de corruption qui n’est pas établi", malgré la remise d’argent, et des "écoutes téléphoniques non concluantes" entre les deux. Tuki Fatuma se justifie : "L’argent que j’ai donné, c’était par amitié seulement."
 
Pas assez pour convaincre le tribunal qui condamnera l’ex-gendarme à une peine mixte de trois ans de prison ferme dont un an et demi assorti d’un sursis. Il lui est interdit d’exercer toute fonction publique à vie, mais il pourra aménager sa peine. Tuki Fatuma purgera, lui, une peine supplémentaire de trois ans pour corruption active.

 

Rédigé par Valentin Guelet le Jeudi 29 Juillet 2021 à 19:05 | Lu 12362 fois