Un député, combien ça coûte et combien ça rapporte


Tahiti, le 31 mai 2022 - Trois députés seront élus en Polynésie d’ici la fin du mois pour exercer un mandat au niveau national. Une fonction élective éminemment politique mais qui revêt également une dimension économique et financière. Entre indemnités à verser, avantages divers, crédits attribués, le mandat de député coûte à la collectivité et peut rapporter à son parti politique.
 
Les professions de foi sont arrivées dans les boîtes aux lettres et respirent la volonté des candidats de se mettre “au service de la population”, pour “un monde meilleur pour le fenua”. Ils seront trois au sein d’une Assemblée de 577 parlementaires à vouloir porter la voix de la Polynésie française à Paris. Mais cet effort de représentation de la population n’est pas gratuit. La fonction s’accompagne d’une rémunération, de crédits disponibles et d’avantages divers pour l’intéressé(e). Il peut également rapporter gros au parti politique auquel l’élu est rattaché. Petit état des lieux en chiffres avant le vote.
 
Triple indemnité
 
La fonction n’est pas bénévole. Elle suppose que celui qui l’exerce soit suffisamment indemnisé pour le temps consacré à la recherche de l’intérêt général. Trois indemnités composent la rémunération de base d’un député : Une indemnité parlementaire de base qui s’élève à 671 031 Fcfp (5 623,23 €) à laquelle s’ajoute l’indemnité de fonction de 172 190 Fcfp (1 447,98 €) et celle de résidence de 20 131 Fcfp (168,70 €). Au cumulé, la rémunération brute mensuelle pour l’exercice de ce seul mandat national atteint 863 952 Fcfp, que le député multiplie activement les déplacements vers Paris ou qu’il sillonne sagement sa circonscription. Selon le site nosdeputes.fr, qui recense l’activité parlementaire de chaque député et sénateur, les députés polynésiens ont eu en moyenne 1,8 semaine d’activité par mois au Palais Bourbon, soit plus que leurs homologues calédoniens (1,3) et wallisiens (0,9) mais moins que leurs confrères réunionnais (2), cependant plus proches de la métropole.
 
Écrêté à l’Assemblée
 
Pour les élus déjà titulaires de mandats locaux, une loi de 1992 a prévu un plafonnement général des indemnités. Une façon d’éviter que les politiques ne s’enrichissent en cumulant les maroquins, par exemple maire, représentant à l’assemblée de Polynésie française et député (ou sénateur). Une situation plutôt fréquente en Polynésie, avec notamment plusieurs candidats aux prochaines élections législatives, tels que Nicole Bouteau, Tepuaraurii Teriitahi et Nuihau Laurey qui fréquentent déjà les bancs de Tarahoi, ainsi que ceux d’un conseil municipal, ou encore Moetai Brotherson et Nicole Sanquer siégeant également à Tarahoi. La loi de février 1992 a donc prévu qu’un député titulaire d’un ou plusieurs mandats locaux ne peut cumuler les indemnités afférentes à ces mandats que jusqu’à un certain plafond fixé à 1,5 fois l’indemnité parlementaire de base. Ainsi, un député polynésien qui exercerait d’autres mandats dans un des cinq archipels ne pourraient percevoir que 335 000 Fcfp de plus pour ces autres fonctions exercées. Soit quand même plus de deux Smig.
 
Sécu “spéciale” et caisse-chômage
 
La rémunération mensuelle brute perçue à l’Assemblée nationale est assujettie au versement de cotisations sociales. Les députés polynésiens relèvent-ils de la Sécurité sociale métropolitaine ou de la Caisse de prévoyance sociale ? Ni l’une, ni l’autre. Ils seront obligatoirement affiliés au fonds de sécurité sociale de l’Assemblée Nationale, un “régime spécial” créé en 1948. Une particularité qui n’est pas unique, puisque les trois parlementaires polynésiens qui seront élus bénéficieront d’une sorte de caisse-chômage, toujours inexistante sur le fenua. Ils pourront en effet bénéficier de “l’allocation d'assurance mutuelle de retour à l'emploi des députés” destinée aux élus battus ou qui ne se sont pas représentés et qui sont à la recherche d’un emploi au terme de leur mandat. Le montant de l’allocation est fixée environ 380 000 Fcfp par mois (3 191 €) et peut être perçue, selon l’âge du député, pendant trois années après la fin du mandat.
 
Près de 2 millions de crédits disponibles
 
Chaque député représentant l’ensemble de la Nation, il ou elle doit pouvoir exercer aisément son action sur tout le territoire national. A ce titre, il bénéficie de la prise en charge directe ou sur justificatifs de ses frais de mandat. Frais de communication, d’hébergement, de repas, de transport, location d’une permanence sont ainsi pris en charge, les élus du Palais Bourbon pouvant à cet égard bénéficier d’une avance sur frais de mandat de 641 170 Fcfp (5 373 €). Côté transport, les députés polynésiens bénéficient d’un crédit annuel égal au coût de 16 passages en classe affaires entre Tahiti et Paris au titre des “facilités de circulation”. Mais le règlement de l’Assemblée Nationale est strict, “la prise en charge des frais de mandat par l’Assemblée nationale ne peut en aucun cas poursuivre pour objectif l’augmentation du patrimoine personnel du député, de ses proches ou de ses collaborateurs”. Pour ces derniers, une autre enveloppe est prévue car le député peut être également employeur. Discours, propositions de loi ou questions écrites peuvent en effet nécessiter que quelques petites mains apportent leur appui aux parlementaires. Pour l’emploi de cette main-d’œuvre supplémentaire, un crédit mensuel de 1,262 million de Fcfp est accordé aux parlementaires.
 
Des députés qui rapportent aussi
 
Des crédits collaborateurs qui, non utilisés, peuvent être cédés à son groupe politique à l’Assemblée. Le procédé semble peu usité notamment en Polynésie où les députés emploient entre trois et cinq collaborateurs. Mais les députés peuvent rapporter dès le scrutin au parti politique auquel ils appartiennent. Dans le cadre du financement public des formations politiques, chaque parti peut bénéficier de deux fractions. La première est versée à la formation qui a obtenu au moins 1% des voix dans au moins 50 circonscriptions et recevra chaque année jusqu’aux prochaines législatives 196 Fcfp (1,64 €) par voix obtenue. Une forte abstention et ce sont des millions de Fcfp perdus. La deuxième fraction a plus d’intérêt au niveau local. Chaque député élu donne droit à 4,5 millions de Fcfp (37 280 €) par an au parti auquel il est rattaché, soit environ 22,5 millions de Fcfp sur une mandature. De quoi motiver tout un parti à faire campagne, avec cependant des droits des obligations à respecter. Ainsi, les dépenses de campagnes sont plafonnées sur les six mois précédant le scrutin à 6,7 millions de Fcfp. Mais si le candidat atteint la barre des 5% de suffrages exprimés, il bénéficie d’un remboursement forfaitaire de l’État plafonné à 3,2 millions de Fcfp. Un seuil de 5% qui pourrait donc avoir son importance pour la pérennité des formations politiques naissantes. 
 

Rédigé par Sébastien Petit le Mardi 31 Mai 2022 à 20:53 | Lu 3731 fois