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Un couple condamné à 18 mois de prison ferme pour absence de soins à leurs enfants


PAPEETE, mardi 4 février 2014. Ils avancent à la barre du tribunal prudemment et en repartent tout aussi discrètement, sans aucune réaction. Tous les deux marchent nus pieds. Ce couple qui habite le plateau de Taravao vient d’être condamné à 18 mois de prison ferme pour privation de soins et d’aliments à l’égard de leurs quatre derniers enfants mineurs, âgés aujourd’hui de 10 à 17 ans. Les faits ont été établis pour au moins deux années, entre 2009 et 2011, mais duraient probablement depuis beaucoup plus longtemps. Ce couple de quadragénaires a été condamné à de la prison ferme mais sort libre de la salle d’audience. Aucun mandat de dépôt n’ayant été réclamé, ce sera au juge d’application des peines, de faire exécuter sous une forme ou une autre, cette condamnation du tribunal correctionnel de Papeete. Le risque de récidive est nul dans ce dossier, puisque la garde des quatre enfants a été, depuis le déclenchement de cette affaire, immédiatement retirée aux parents : tous sont aujourd’hui placés auprès de familles d’accueil ou des proches issus de la famille élargie.

Ce lourd dossier de privations de soins a émergé en raison du comportement de ces jeunes enfants qui a alerté les autorités sociales et judiciaires du Pays. A plusieurs reprises, les enfants mineurs de ce couple, particulièrement les garçons, se sont retrouvés impliqués dans des affaires de vols ou de vente de pakalolo. Les enfants finissent par faire part de leur souffrance. «Ils sont victimes depuis longtemps de privation d’aliments et d’éducation de la part de leurs parents qui les ont complètement abandonnés. Ils étaient livrés à eux-mêmes, obligés de voler pour se nourrir, obligés parfois de dormir hors de la maison quand les parents avaient bu, car le père pouvait être violent» explique l’administratrice ad-hoc qui représente les enfants mineurs.

Le récit livré à l’audience est hallucinant. Le couple, sans emploi, survivait en fait grâce aux allocations familiales –ils ont eu un total de 10 enfants-, mais passait essentiellement son temps à boire de l’alcool et à fumer du paka (cultivé dans le jardin familial). «Quand il y avait de la nourriture à la maison, le père mangeait en premier, parfois avec sa femme. S’il restait quelque chose pour les enfants, tant mieux. Sinon, tant pis et souvent il ne restait rien» détaille la présidente du tribunal. A la barre, la mère de famille admet avoir préféré ses enfants aînés, que les quatre derniers. Elle-même a été élevée selon le principe suivant : un enfant qui n’écoute pas, ne mange pas. Avec les quatre derniers, elle pousse ce principe aux limites du supportable.

Les explications de ce couple à la barre du tribunal restent éparses. Depuis le début de l’affaire, ne recevant plus les allocations familiales pour survivre, la mère et le père sont obligés de travailler «à droite, à gauche». La présidente du tribunal les interroge sur leur désir de revoir les enfants : ils acquiescent. Mais depuis que la garde leur a été retirée, les services sociaux n’ont reçu aucune demande de leur part pour rendre visite aux enfants. «Ce sont des personnes qui ont fait des enfants pour leurs propres besoins personnels, c’est inadmissible» lance le procureur de la République. En plus de la condamnation à un et demi de prison ferme, le couple devra payer pour chacun des quatre enfants 200 000 Fcfp de dommages et intérêts.

Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 4 Février 2014 à 16:04 | Lu 3606 fois