Un concours d’écriture ouvert aux détenus polynésiens


Marine Orhan, chargée de projet pour la fondation du groupe M6 avec l’auteur Patrick Chastel. Ce dernier est l’un des trois membres du jury régional. Ensemble, ils ont rencontré les personnes détenues à Nuutania et Tatutu inscrites à la 8e édition du concours Au-delà des lignes.
TAHITI, le 23 février 2023 - La fondation du groupe M6 organise depuis 2016 un concours d’écriture dans des établissements pénitentiaires français. C’est la première fois qu’il est étendu à la Polynésie. Baptisé Au-delà des lignes, il aura pour thème le frisson. Une vingtaine d’apprentis écrivains sont engagés sur le territoire.

Une vingtaine de personnes détenues à Nuutania et à Tatutu se sont inscrites au concours d’écriture national intitulé Au-delà des lignes et organisé par la fondation du groupe M6.

Au-delà des lignes est ouvert aux personnes détenues dans l’un des 45 établissements pénitentiaires de France et d’outremer. Mais toutes ne peuvent pas participer en même temps. Une sélection d’établissements est faite chaque année. C’est la première fois que Nuutania et Tatutu sont retenus. Mi-février Marine Orhan, chargée de projet pour la fondation du groupe M6, était de passage en Polynésie pour y lancer officiellement le concours. L’objectif de cette opération est “de changer le regard sur les prisons et les personnes détenues”, “de redonner le goût à la lecture et à l’écriture”, “de challenger les apprentis écrivains” et “de donner un outil pédagogique aux enseignants en détention”, a-t-elle expliqué.

La fondation du groupe M6 œuvre dans l’univers carcéral depuis 2010. Elle soutient financièrement et extra-financièrement des associations engagées dans le retour à l’emploi et les alternatives à l’incarcération. Elle mène également ses propres projets comme le concours Au-delà des lignes. Il a été lancé en 2016, en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse et des sports et le ministère de la Justice.

Comme les années précédentes, le concours se déroule en plusieurs étapes. Il démarre en général au mois d’octobre avec la mise en place d’ateliers d’écriture dans les centres pénitentiaires. Puis, une rencontre est organisée entre l’un des membres du jury régional et les détenus. Pour la Polynésie, c’est l’auteur Patrick Chastel qui a assuré cette étape. Il s’est rendu le 14 février à Tatutu et le 15 février à Nuutania pour s’entretenir avec les participants (lire aussi l’encadré).

Une page maximum

Les participants doivent, sur le thème du frisson (le thème retenu pour la 8e édition), rédiger un texte d’une page maximum. Ils sont inscrits dans l’une des trois catégories : débutant, intermédiaire ou confirmé mineur ou majeur. Ils “sont libres de s’exprimer comme ils veulent, c’est-à-dire avec le genre d’écriture qu’ils préfèrent”, a insisté Marine Orhan. Les textes sont soumis ensuite à un jury régional constitué de trois membres : un représentant du service pénitentiaire, un auteur ou journaliste et un inspecteur de l’éducation nationale. Ce jury doit sélectionner un quart des textes soumis. “Ils n’ont, pour ce faire, aucun critère à respecter. Il n’y a pas de grille de notation, ils font en fonction de leur ressenti”, a précisé Marine Orhan.

Une dernière sélection a lieu fin mai. Un jury national retient alors 18 lauréats dans chaque catégorie. Toutes les productions, y compris celles qui ne sont pas lauréates, sont publiées dans un recueil qui est ensuite distribué aux auteurs en herbe, aux membres du jury, aux enseignants. Selon Marine Orhan qui gère le projet depuis le début, Au-delà des lignes a permis à certaines personnes de redécouvrir la lecture, de découvrir l’écriture. Elle constate un engagement fort de toutes les personnes impliquées et assure avoir vécu de grands moments d’émotion. “Le concours valorise la parole des personnes détenues.

La parole à…Patrick Chastel, membre du jury pour la Polynésie

“Ils sont tous bien décidés à offrir le meilleur d’eux-mêmes”

Il a animé deux matinées d’échanges avec les participants au concours d’écriture le 14 et le 15 février. Patrick Chastel, membre du jury, attend à présent de recevoir les textes produits. “Ces longues interventions, tant à Tatutu qu’à Nuutania, ont été excessivement enrichissantes, il me semble, pour tous ceux qui étaient présents. Ce furent tout d’abord des rencontres, des contacts puis, très vite, des échanges, des questions, des lectures, des conseils, des encouragements. En fin de séance, nous avons savouré le plaisir d’avoir été ensemble pour vivre des instants d’une grande intensité.

Au final, grâce au fantastique travail effectué en amont par les enseignants, nous avons pu constater, Marine et moi, la réelle motivation des candidats pour participer à ce concours. Ils sont tous bien décidés à y offrir, au travers de leurs écrits, le meilleur d’eux-mêmes.

Ces contacts m’ont conforté dans l’idée, comme je le constate à chacune de mes interventions dans les établissements scolaires, que l’imagination est toujours présente et qu’elle suffit à donner l’élan nécessaire pour coucher sur le papier ses idées, ses souvenirs, ses envies, ses rêves ou ses réflexions.

Comme l’a très bien dit un candidat à ce concours : ‘Si on peut toujours trouver quelque chose à dire, alors on a toujours quelque chose à écrire !’. Je n’ai qu’une hâte : lire l’ensemble de ces textes fin avril afin d’aider à déterminer ceux qui seront sélectionnés pour représenter dignement la Polynésie auprès du jury de métropole.



Rédigé par Delphine Barrais le Jeudi 23 Février 2023 à 14:33 | Lu 1297 fois