Un avenir 100% électrique pour les voitures polynésiennes ?


PAPEETE, le 12 aout 2014 - Nous avons réussi à nous procurer une note confidentielle d’une entreprise Polynésienne sur le développement d’une filière de voitures électriques en Polynésie. Les analystes y révèlent que si les particuliers n’auront pas grand-chose à y gagner sans aides publiques, la communauté dans son ensemble et l’environnement y bénéficieraient énormément.

Combien coûterait une voiture électrique sur toute sa vie en Polynésie ? Comment se comparerait-elle à une voiture essence normale ? Les coûts et pollutions cachés de l’électrique ne contredisent-ils pas la mode des véhicules propres ? De nombreux doutes et espoirs entourent les voitures électriques en Polynésie, et pour la première fois des experts se sont penchés sur la question à la demande d’une grande société du territoire. Nous avons réussi à nous procurer ce rapport qui sera bientôt remis au gouvernement de la Polynésie, et en publions les résultats les plus intéressants.


Efficacité énergétique : la solution idéale pour la société dans son ensemble

Les experts ont décidé de commencer par calculer l’efficacité purement technique des moteurs électriques face à leurs cousins thermiques : en partant d’un rendement de 45% des moteurs d’EDT à la Punaruu, puis des pertes de 7% sur le transport électrique, de 10% lors de la recharge de la batterie et enfin de 10% par le moteur, le « Rendement théorique chaîne électrique » s’établit à 34%. Ce n’est pas encore mirobolant, mais bien supérieur aux 25% de rendement d’un moteur à essence.

Une efficacité qui se vérifie dans l’utilisation des voitures : une Zoé électrique consomme en pratique 18kWh/100km (qui nécessitent 4,6 litres de fioul pour être produits à Punaruu) contre 7 litres aux 100 km pour la version essence ou 4,9 l/100km en diésel. L’essence se fait exploser, mais le diesel tient encore bien la route.

Sachant que l’hypothèse d’une électricité 100% fioul n’est pas la plus réaliste. Car le développement d’une filière de voitures électrique n’aurait de sens qu’en accompagnant le développement des énergies renouvelables :
- Si le véhicule est rechargé de jour, il peut s’accompagner d’une installation photovoltaïque qui, si elle est bien configurée, ne risque pas de déstabiliser le réseau ;
- Si le véhicule est rechargé de nuit (en recharge très lente sur 10h ce qui permettrait d’optimiser la durée de vie de la batterie), il bénéficierait alors de l’énergie hydroélectrique actuellement perdue dans des débordements de barrages, ce qui dans les années à venir devrait atteindre 400 à 700 heures par an.

Les experts esquissent également une réorganisation profonde de la filière énergie polynésienne en faveur des renouvelables : « Il est tout à fait possible, moyennant un coût supplémentaire, d’imaginer un véhicule utilisant 100% d’électricité photovoltaïque, en utilisant des batteries afin de stocker une partie de l’électricité pour recharger le véhicule ensuite. »

Coût sur 7 ans d'une voiture électrique et d'un diesel
Coût maxi, pollution mini

Si la société aimerait que tous les citoyens passent à l'électrique, ces derniers vont d'abord regarder si leur intérêt financier s'y retrouve. Pour comparer le prix d'une voiture électrique par rapport à un diesel (les plus économiques), le rapport établit un comparatif du coût complet (qui inclut l’achat du véhicule, la maintenance et le coût du carburant) sur 7 ans d’une Kangoo électrique et d’une Kangoo diesel. La conclusion est sans appel : « Au total, la version électrique du Kangoo est 40% plus chère que son équivalent diesel. Une exonération totale de taxes permettrait de ramener ce différentiel à 20% soit environ 770 000 francs sur 7 ans. » Sachant que les véhicules hybrides sont désormais totalement détaxés, étendre cette mesure aux voitures électrique fait probablement partie des plans du gouvernement.

Mais même avec une détaxe totale, les voitures diesels restent moins chères que les électriques sur leur durée de vie. La raison : le coût élevé de l’électricité à Tahiti, ce que le rapport explique de façon très diplomatique : « Pour le particulier, le diesel est donc le plus compétitif, mais en termes de balance commerciale, il est préférable d’importer du fioul. La différence provient des importants coûts de structure de l’électricité, puisque le coût du fioul par kWh produit à Punaruu est de 17 francs, soit moins de la moitié du coût moyen de l’électricité polynésienne. »

Sachant que le grand défaut du diesel c’est la pollution qu’il génère. Au lieu d’être traitée par des appareils industriels et de sortir de hautes cheminées dans une zone industrielle, elle est distribuée directement dans les poumons des citoyens. L’électrique, elle, ne polluera que par le fioul brulé dans les générateur et a aussi l’avantage d’être totalement silencieuse. Mais même si le Pays a tout à y gagner, il va être difficile de convaincre les conducteurs de passer à l’électrique dans ces conditions.

Pousser les voitures électriques serait un atout maître pour la transition énergétique

Le rapport souligne enfin l’opportunité que représentent les voitures électriques pour accélérer le développement des énergies « propres » dans nos îles : « sans nécessairement aller jusqu’aux 100% d’énergies renouvelables, un accroissement important du nombre de véhicules électriques, s’il était accompagné des moyens de production renouvelable équivalents, permettrait d’accélérer considérablement la transition énergétique. Dès aujourd’hui, il s’agit d’un moyen de locomotion nettement plus efficace que les véhicules à combustion interne, et ne présentant pas les défauts désormais avérés des véhicules diesel en termes de pollution locale. À plus long terme, la synergie du véhicule électrique et des énergies renouvelables est prometteuse. »


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mardi 12 Aout 2014 à 17:26 | Lu 3281 fois