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Un an d’inéligibilité requis contre Puta’i Taa’e


Tahiti, le 18 février 2025 - Déjà condamné pour “prise illégale d’intérêts” et “abus de confiance” en 2019, l’ancien maire de Papara, Puta’i Taa’e, revient à la barre. Une enquête a montré l’utilisation d’un engin communal pour effectuer des travaux d’élagage et de terrassement sur un terrain familial pour un montant de 2,9 millions de francs. Il était, avec son épouse et actuelle tāvana de la commune, Sonia Punua-Taa’e, la belle-sœur de cette dernière et un cousin par alliance, jugé ce mardi pour détournement de fonds au tribunal de Papeete.
 
Une enquête a été menée pour détournement de fonds, recel de détournement et prise illégale d’intérêts à l’encontre de l’ancien maire de Papara, Puta’i Taa’e, de son épouse et actuelle maire de la commune, Sonia Punua, ainsi que deux membres de leur famille pour l’utilisation d’une drague communale. Il est également reproché à Puta’i Taa’e d’avoir octroyé une remise gracieuse de 80 000 francs au cousin de son épouse pour la location de cette même drague sans avoir soumis l’octroi de cette aide à son conseil municipal.
 
Ainsi, une drague – qui peut être louée par les administrés à raison de 12 000 francs de l’heure – a été achetée par la mairie de Papara pour un montant de 20 millions de francs, “ce qui est une vraie dépense”, note au passage l’avocat de la mairie de Papara qui s’est constituée partie civile. Elle a été reçue en mars 2018. Quelques jours après sa réception, l’engin conduit par un employé de la mairie a été utilisé sur un terrain appartenant à la famille de Sonia Punua, dans la vallée Temarua, pour des travaux d’élagage et de terrassement. “Il est surprenant de voir que l’engin ne sert pas en premier lieu à des travaux publics”, commente le procureur. “Nous savons que les maires, en France, tout comme les tāvana ici, sont les plus respectés et les plus écoutés des interlocuteurs, ce sont eux qui bénéficient de la plus grande confiance. Je prétends que tout a été fait pour donner une apparence de régularité à cet achat.
 
45 heures de travaux commandées, 238 heures réalisées
 
La belle-sœur de la maire a fait une demande de location pour 45 heures de travaux en juin 2018, mais selon l’enquête, l’engin aurait servi au moins 238 heures, ce qui porte le coût de l’opération à 2 856 000 millions de francs au lieu de 540 000 francs. Les travaux auraient duré jusqu’au mois de janvier 2019 et permis de réaliser cinq niveaux, ainsi que des routes d’accès sur le terrain d’environ “3 000 mètres carrés et quelques”, selon Puta’i Taa’e qui n’a “jamais”, répète-t-il, demandé plus de 45 heures de location et manœuvre au conducteur de la drague.
 
Pour l’avocat de la partie civile et le procureur, le volume horaire total qui ressort de l’affaire n’est pas exagéré au vu de la surface et l’étendue des travaux. “Toutes les déclarations se recoupent pour confirmer ces près de 240 heures même si, à un moment de la chaîne des décisions, les heures disparaissent”, assure l’avocat. Les responsabilités ricochent. Il a demandé le remboursement des 2 856 000 francs pour l’utilisation de la drague et 1 franc de dommages et intérêts au titre du préjudice moral car l’affaire “éclabousse la commune sur la place publique”. Il demande aussi le remboursement des 80 000 francs de remise accordée au cousin de Sonia Punua et 1 franc symbolique de dommages et intérêts. Pour le procureur, c’est “un coup de canif dans la conscience publique”, il a requis pour Puta’i Taa’e un an de prison avec sursis probatoire de 2 ans et obligation de s’acquitter de son dû, une amende de 500 000 francs et une privation d’éligibilité d’un an, pour sa femme, 6 mois de prison avec sursis simple et une amende de 200 000 francs et pour la belle-sœur de cette dernière, trois mois de prison avec sursis simple et 50 000 francs d’amende.
 
Une enquête “mal menée”, selon la défense
 
L’avocat de la défense a introduit sa plaidoirie en rappelant que, quand l’affaire de la drague a démarré, Puta’i Taa’e n’était plus maire. “Ce qui colore l’affaire et fausse l’enquête”. Il a rappelé que l’administré qui a pointé du doigt les apparentes irrégularités était coïndivisaire du fameux terrain familial. Pour sa défense, Puta’i Taa’e a dû élaborer “une construction intellectuelle”, selon l’avocat “il n’y a pas détournement de fonds publics”. Lorsque la demande pour 45 heures de location a été formulée, “personne ne savait quel serait le nombre d’heures total nécessaire à l’aménagement de ce terrain”. Tout repose sur des témoignages, et notamment celui du conducteur de la drague qui s’est fié au compteur de l’engin. “Or, cette drague a été utilisée pour d’autres travaux que ceux effectués à Temarua”. “Nous n’avons aucune certitude sur rien”, l’enquête a été “mal menée”. Quant à la ristourne de 80 000 francs au cousin de la famille, cela ne serait que “simple irrégularité”, a décrit l’avocat qui a rejeté la faute sur la régie. Nombre de factures restent impayées, quand elles ont été émises.
 
Pour rappel, Puta’i Taa’e avait été condamné avec exécution provisoire à 2 ans d’inéligibilité et démis de ses fonctions de maire fin 2019 pour “prise illégale d’intérêts” et “abus de confiance” dans le cadre de l’affaire Taatira Ia Ora Papara où il a été reconnu coupable d’avoir détourné l’argent public d’une association culturelle municipale pour s’offrir des voyages aux États-Unis. La peine a été confirmée en novembre 2021 par la cour d’appel de Papeete, assortie de 18 mois de prison avec sursis et deux millions d’amende. Une condamnation pour laquelle l’ancien maire de Papara s’est pourvu en cassation.
 
La décision du procès de ce mardi a été mise en délibérée, elle sera rendue le 18 mars.

 

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 19 Février 2025 à 05:42 | Lu 1096 fois