Un Tahitien en TOP14 : Mike Corbel, ambassadeur méconnu du rugby local


Photos Stade rochelais
PAPEETE, le 23 février 2017- Seul joueur polynésien originaire du fenua évoluant au plus niveau national, Mike Corbel est paradoxalement celui que le rugby local connaît le moins. À cela une raison simple, ce solide pilier gauche de La Rochelle (TOP14) a toujours vécu en métropole.

"Un Tahitien en Top14 ? Non, je ne crois pas." Voilà le type de réponse auquel il faut s’attendre si vous posez la question au monde sportif local, même à celui de l’ovalie. Et pourtant ils ne sont pas nombreux ceux qui touchent au monde professionnel puisqu’actuellement seuls François Tardieu (Colomiers) et Teva Jacquelain (Grenoble) en font partie en attendant l’éclosion du Makalea Foliaki actuellement avec les espoirs de Toulon. Pour le reste, ils sont une poignée à jouer dans des clubs de Fédérale 1 ou 2, loin des quotas néo-calédoniens par où transitent les Wallisiens.

Mike Corbel est donc le grand inconnu du rugby tahitien alors que paradoxalement il en est le meilleur représentant. Ses origines polynésiennes il les doit à sa mère, Martha Faraire, de Rapa, qui a quitté le territoire il y a de nombreuses années pour la métropole où elle fait sa vie en pays breton. Elle et très investie dans le monde associatif où elle aide les familles dont les proches sont décédés en métropole. De la Polynésie française, Mike Corbel reconnait ne pas connaître grand-chose, n’y ayant effectué qu’un séjour de deux mois et demi à l’occasion de vacances, contrairement à deux de ses trois frères qui y sont nés : "Je ne connais pas grand-chose de la Polynésie française, je suis né en France et j’y ai toujours vécu. J’étais petit quand je suis allé à Tahiti mais je me souviens être allé à Tahiti, à Moorea, à Huahine… et y avoir vu de la famille."

C’est à Ploërmel, dans le Mobihan, que naît Mike en avril 1992. Dans cette terre de football, Mike s’essaye d’abord au ballon rond "pour les copains et l’ambiance, parce qu’avec mon gabarit…", nous avoue-t-il, avant de s’intéresser au rugby, influencé par deux de ses frères. Il commence dans la catégorie des moins de 13 ans au club du SC Le Rheu près de Rennes où il est repéré par le pôle espoir de Tours, en charge du grand ouest. Il y reste trois ans avant que plusieurs clubs ne s’intéressent à lui et notamment Clermont où il restera trois ans. Le prestigieux club auvergnat veut le garder mais ne lui propose pas d’évoluer à un niveau suffisamment intéressant. Loin de sa famille, Mike décide de se rapprocher de la Bretagne et c’est à ce moment que le club de La Rochelle, alors en ProD2, alors à la recherche d’un jeune le contacte. Il y intègre l’équipe jeune lors de la première année en 2013 où il s’entraîne avec les pros avant d’enchaîner les feuilles de match. Il signe un nouveau contrat avec le club maritime, puis un deuxième et récemment un troisième qui le lie au club jusqu’en 2020. "Je cherchais à me rapprocher de la Bretagne et du club de Vannes quand La Rochelle, hasard ou chance, m’a contacté. Ma marraine habitant près de cette ville, j’ai décidé d’accepter."


"JE SUIS DE LOIN LE RUGBY TAHITIEN"

Photo Sylvain Ollivier
Comme beaucoup de jeunes une présence familiale, donc rassurante est souvent déterminante dans certains choix ; ce que les exilés tahitiens compensent par des rapprochements géographiques. La petite diaspora tahitienne reste assez soudée et serait certainement ravie d’intégrer un nouveau membre qui compte 91 matches professionnels à son actif dont 47 en tant que titulaire. D’autant que Mike Corbel s’intéresse un peu à ce qui se passe localement : "Je n’ai pour le moment aucun contact avec des rugbymen tahitiens qui évoluent en France. Je crois qu’il n’y en a pas beaucoup qui jouent à un certain niveau. On ne m’a aussi jamais contacté et ce n’est pas dans ma nature d’aller vers les gens, je suis plutôt timide. Mais ça ne me dérangerait pas qu’on vienne à moi. Je suis de loin un peu le rugby tahitien, surtout sur Facebook et j’ai l’impression que ça tourne un peu au ralenti ; j’ai lu aussi quelques articles de presse et j’ai vu qu’il y avait un problème entre deux fédérations." Quant à répondre à une sollicitation fédérale pour une cape internationale sous les couleurs de Tahiti, l’intéressé se montre réservé : "Je n’ai encore jamais été contacté par une fédération de Tahiti. Si c’était le cas, j’en parlerai d’abord avec le coach [Patrice Collazo, ndlr ] qui saura me conseiller. Accepter une sélection pour Tahiti reviendrait à me barrer la route vers l’équipe de France [que seul Richard Mapuhi a côtoyé dans les années 1980 en A’, ndlr ]. Je pense à une éventuelle sélection en bleu depuis l’année dernière, mais je suis actuellement blessé pour encore de longues semaines (rupture du tendon d’Achille) et je reconnais que mon début de saison a été plus difficile que l’année dernière. À mon poste le sélectionneur national vient de prendre Dany Priso et c’est difficile de sélectionner deux joueurs du même club évoluant au même poste. Il y a une saine rivalité à La Rochelle et je veux en témoigner. C’est mon premier club professionnel et je ne peux pas comparer avec d’autres mais ici même si on se tire la bourre, on est vraiment des copains, l’ambiance est très bonne depuis qui j’y suis, même depuis les jeunes. La montée en Top14 n’a rien changé à l’état d’esprit. Il y a une très bonne gestion humaine de la part de Patrice Collazo."


UN RETOUR A TAHITI ?

Photos Stade rochelais
Le club à la Caravelle est fortement ancré en Mike Corbel qui ne se prononce pas sur son avenir : "Tout peut arriver dans une carrière sportive, on peut connaître des hauts, des bas. Mais pour l’instant je suis très bien à La Rochelle. Avec ma fiancée Camille, que j’ai connue à Clermont et où elle est restée finir ses études avant de me rejoindre, on a acheté une maison et nous attendons un enfant depuis trois mois."

Le retour aux racines maternelles semble bien compromis, alors que d’autres grands sportifs tahitiens sont revenus au fenua dispenser leurs connaissances (P. Vahirua au football ou G. Adams au basket). Avant de se prononcer sur cette éventualité, Mike, prudent, préfère d’abord venir en famille, à l’occasion de vacances, pour se faire une idée : "J’aimerai d’abord bien faire découvrir la Polynésie à ma compagne qui n’y a jamais été. Elle doit se faire une idée, Tahiti a des beaux comme des mauvais aspects. Je suis conscient de l’impact que peuvent avoir ces sportifs de haut niveau. Je me rappelle avoir eu de l’admiration pour Marama Vahirua alors qu’il évoluait en Bretagne. Si un jour on m’approche dans ce sens-là, à l’issue de ma carrière, tout est envisageable."

Propos recueillis par Luc Ollivier

Rédigé par Propos recueillis par Luc Ollivier le Vendredi 23 Février 2018 à 15:48 | Lu 9717 fois