Un 136e synode contre "l’esclavagisme de l'Etat français"


Tahiti, le 1er août 2021 – Le 136e synode de l’église protestante Ma’ohi a rassemblé dimanche plus de 1 000 personnes à Mahina au temple protestant Getesemane à l’issue d’une semaine de séances plénières. Les discours se sont fermement positionnés pour la “libération du peuple”  et la réparation "à l’égard des victimes des essais nucléaires".
 
“S’affranchir et se libérer”, “la vérité et la justice concernant la radioactivité” : si le Président de la République a gentiment décliné l’invitation formulée par l’Eglise protestante Ma’ohi le 17 juillet lors de la marche anti-nucléaire, c’est à lui que s’adressaient les thèmes de réflexion de ce 136e synode hier au temple protestant de Getesemane, à Mahina. “On voulait justement lui parler de l’indépendance”, indique le président de l’organisation, François Piha’atae. “C’est une prise de position de l’église protestante pour lancer le débat de l’indépendance que ce soit au niveau de l’église ou au niveau politique, du peuple maohi ou français, nous invitons l’Etat au dialogue”.

Entre les prières et les chants, les discours s’approprient le champ lexical du tavini, dont le leader indépendantiste se trouve d’ailleurs au premier rang, aux côtés de son numéro deux, Antony Géros. “Le nom de ce pays est maohi nui, et non pas la Polynésie française et encore moins la France”, déclare en français, la secrétaire générale de l’Eglise, Céline Hoiore. Dans les rangs des fidèles cependant, on ne s’étonne plus d’entendre cette position de plus en plus ferme et assumée. “La politique n'est jamais loin dans les discours”, commente Poe, une disciple : “Quand un fidèle prononce le mot indépendance on bascule dans la politique”. Même crainte pour la présidente de l'école du dimanche de Pirae, Tiare Nui qui déplore un “mélange” des genres. “Depuis quatre ans, ce sont les mêmes thèmes qui reviennent. Ils disent qu'il ne faut pas faire de la politique et ce sont les premiers à le faire, ils nous disent : ‘faites ce que je dis, pas ce que je fais’.”

1 000 personnes rassemblées malgré la reprise épidémique

“Pillage des ressources”, “expérimentations atomiques”, “pots-de-vin des milliardaires pour corrompre le cœur ma’ohi” : Le discours d’ailleurs ne fait pas dans la nuance, l’Eglise soulignant même que “le peuple ma’ohi est sous l’esclavagisme de l’Etat français”. Pour François Piha’atae cependant, l’indépendance n’est pas une question de politique, mais de “foi” et de “religion” : “Lorsque dieu a libéré le peuple d’Israël d’Egypte, (…) c’est une volonté de dieu”. Dans le même esprit, le synode s’est aussi opposé à l’implantation d’une nouvelle compagnie de RSMA à Hao. “Ce n’est qu’une stratégie de l’Etat français en vue d’asseoir sa présence dans le Pacifique”, note l’église, exhortant cependant l’Etat “à remplir ses devoirs à l’égard des victimes des essais (…) et à honorer la dette qu’il a envers eux.”

Alors que 3 000 personnes étaient attendues après une année blanche marquée par le covid-19 en 2020, la clôture du culte a finalement réuni pas moins de 1 000 personnes, malgré le contexte de reprise épidémique et de retour des restrictions. La cérémonie s’est terminée autour d’un gigantesque ahima’a prévu pour 500 personnes.
 

Rédigé par Esther Cunéo le Dimanche 1 Aout 2021 à 20:04 | Lu 3263 fois