USA: Publicis va payer 350 millions de dollars pour son rôle dans la crise des opiacés


Crédit Brendan Smialowski / AFP
New York, États-Unis | AFP | jeudi 01/02/2024 - Une filiale du géant français de la publicité Publicis va payer 350 millions de dollars aux Etats-Unis pour son rôle dans la crise des opiacés dans le pays, qui a fait des centaines de milliers de morts depuis 1999, a annoncé jeudi la procureure de l'Etat de New York.

C'est la première agence de publicité à conclure un accord avec la justice pour son rôle dans la crise des opiacés, a précisé le bureau de Letitia James, dans un communiqué.

La totalité des Etats ainsi que plusieurs territoires américains vont percevoir une part de l'indemnisation fixée dans le cadre d'un accord avec Publicis Health, d'après la décision consultée par l'AFP.

La Californie doit recevoir le montant le plus important (34 millions de dollars), devant la Floride (24,10 millions) et le Texas (21,59 millions). L'Etat de New York doit obtenir près de 19 millions.

"Pendant une décennie, Publicis a aidé des fabricants d'opiacés comme Purdue Pharma à convaincre les médecins de sur-prescrire des opiacés, alimentant directement la crise des opiacés et causant la disparition de populations dans l'ensemble du pays", a relevé Letitia James, citée dans le communiqué.

Elle estime que Publicis a "développé des stratégies de marketing prédatrices et trompeuses pour Purdue Pharma de façon à augmenter les prescriptions et les ventes d'opiacés".

Selon elle, l'agence de publicité a créé des prospectus décrivant l'OxyContin comme un traitement "sûr et incapable d'entraîner un usage abusif".

Plus de 700.000 morts 

Le laboratoire Purdue produit le médicament antidouleur OxyContin, dont la surprescription est généralement considérée comme étant le déclencheur de la crise des opiacés aux Etats-Unis.

Selon les données des Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), plus de 700.000 personnes ont succombé entre 1999 et 2022 à une overdose liée à la prise d'opiacés, obtenus sur ordonnance ou de manière illégale.

Publicis Health a indiqué dans la foulée, dans un communiqué, que les activités concernées avaient été réalisées par l'agence Rosetta, rachetée en 2011 et fermée il y a dix ans.

"Cet accord de règlement nous permet de clore trois années de discussion, et se conclut par un paiement net de 148 millions d'euros", a-t-elle ajouté, affirmant qu'il ne représentait pas une reconnaissance de faute ni de responsabilité.

"Nous nous défendrons, si nécessaire, contre tout litige que cet accord ne parviendrait pas à résoudre", a assuré Publicis Health.

Le groupe, qui avait passé une provision dans ses comptes du quatrième trimestre 2023 en vue de cette transaction, a précisé à l'AFP que l'indemnisation totale représentait 343 millions de dollars auxquels s'ajoutent 7 millions de frais juridiques.

L'agence a également affirmé que le travail effectué par Rosetta "pour le compte d'entreprises pharmaceutiques et visé par ce règlement a toujours été parfaitement conforme à la loi".

Visé par une avalanche de poursuites, le laboratoire Purdue s'est déclaré en faillite en 2019 et négocie depuis un plan dont la dernière version prévoit sa fermeture d'ici 2024 aux Etats-Unis au profit d'une nouvelle entité et le paiement d'au moins 5,5 milliards de dollars sur 18 ans.

Mais la Cour suprême américaine a été saisie, à charge pour elle d'approuver ou d'annuler l'accord d'indemnisation. Une audience s'est tenue en décembre 2023.

Le cabinet de conseil McKinsey a accepté en 2021 de verser 573 millions de dollars pour solder les poursuites judiciaires lancées contre lui pour avoir contribué à la crise des opiacés.

De grands distributeurs de médicaments comme les chaînes CVS, Walgreens et Walmart ont également été poursuivis.

Le bureau du procureur affirme avoir récupéré plus de 2,7 milliards de dollars grâce aux poursuites lancées depuis 2019.

Il a d'ailleurs annoncé jeudi un second accord: le laboratoire Hikma Pharmaceuticals, dont le siège est au Royaume-Uni, va payer 150 millions de dollars à plusieurs Etats américains pour son rôle dans la crise des opiacés.

"Entre 2006 et 2021, Hikma n'a pas surveillé ni signalé les commandes suspectes d'opiacés émanant de distributeurs potentiellement illégaux", a expliqué le bureau du procureur dans un communiqué.

Le groupe a précisé dans son propre communiqué que cet accord de principe résolvait "la grande majorité des poursuites" lancées contre lui aux Etats-Unis, et qu'il ne représentait pas une admission de culpabilité ni de responsabilité.

le Vendredi 2 Février 2024 à 06:28 | Lu 2446 fois