Tahiti, le 29 décembre 2021 - Bien connue dans le milieu de la culture en général et de la danse en particulier, Tumata Robinson, cheffe de la troupe Tahiti Ora, reviens pour Tahiti Infos sur son enfance à Paea, avec son père, William Albert Robinson, et sur la naissance de sa passion pour la danse. Passion qui l'anime toujours, même si elle souhaiterait passer à autre chose.
Tumata Robinson est née en 1954. Elle a perdu sa mère, Ah You dite Philomène, Tahitienne issue d’une famille chinoise, très jeune, dans des conditions qu’elle a mis des années à élucider. "Je ne connaissais pas du tout l’histoire de ma mère à l’époque. Elle n’était pas avec nous. Mon père nous a très bien encadré, il était juste. Je lui en ai voulu, bien sûr, mais il a été exceptionnel et je ne peux pas le haïr."
Elle vivait à l’abri des regards dans une maison à Paea, au domaine Ofa'ipapa, avec ses trois sœurs. "Les gens pensaient que nous y étions comme des reines, or ce n’est pas vrai ! Nous avons été élevées avec l’essentiel, sans fioriture." Elle est restée isolée jusqu’à l’âge de ses 16 ou 17 ans, "coupée du monde". Les premiers amis rencontrés datent de cet âge. Avant, elle ne voyait personne. Les quatre filles derrière le mur de la propriété intriguaient. "On n’avait bien sûr ni téléphone, ni télévision. On lisait beaucoup, on s’occupait des tâches ménagères, du jardin." Elle n’avait pas de rêve particulier pour la suite, "puisque je ne savais pas qu’il y avait autre chose". Sa vie alors lui plaisait.
Rencontre avec la danse
Seule sortie autorisée : la danse. Elle prenait des cours avec ses sœurs auprès de Morgane Paulina, décédée en 2020 à l’âge de 88 ans. Son père connaissait bien le compagnon de la danseuse. Un Américain lui aussi. "On y allait une fois par semaine, ou toutes les deux semaines. Les cours se passaient au Tahara'a, au domicile de Paulina." Tumata Robinson a participé à son premier Heiva avec la troupe de Paulina, elle avait 12 ans.
Et puis, un jour, William Albert Robinson a dû se rendre compte qu’il ne pourrait garder ses filles coupées du monde éternellement. Tumata Robinson s’est alors tournée vers la danse. "C’est toute ma vie." Elle a donné des cours, elle a fondé trois troupes : Tumata, alors qu’elle avait à peine 18 ans. Cette première troupe a vécu dix ans. Puis, elle a co-créé les Grands ballets de Tahiti avec le directeur artistique Teiki Villant et le chorégraphe Lorenzo Schmidt, en 1998. En 2008 est née la troupe Tahiti Ora. Tumata Robinson est restée longtemps danseuse, elle a également écrit les chorégraphies, réalisé les costumes. Tahiti Ora a remporté le premier prix au Heiva en catégorie professionnelle en 2011 avec son spectacle sur la légende de Marukoa, puis en 2014 avec Pifao, la malédiction.
Un show jusqu’en Alaska
Avec Manouche Lerhartel, Tumata Robinson a mis sur pied le grand concours de ‘Ori Tahiti Nui qui rassemble chaque année des dizaines de danseuses et danseurs du monde entier. En 2016, elle a reçu la médaille de chevalier de l’ordre national du mérite pour sa vie consacrée à la danse et au rayonnement du ‘Ori Tahiti à travers le monde. Elle a dansé en France, au Japon, en Chine, en Nouvelle-Zélande, en Nouvelle-Calédonie ou bien encore en Alaska, "c’était pour la promotion d’une compagnie aérienne hawaïenne, on a eu tellement froid ! On avait les cils complètement congelés".
La danse est en standby dans sa vie, mais elle envisage peut-être de réapparaître lors de "petits événements", comme le Hura Tapairu. Elle ne reviendra sans doute pas au Heiva, "l’esprit a changé" parmi la jeune génération de danseuses et danseurs, dépore-t-elle. "Plus ça va et plus il est difficile de maintenir leur attention." Elle aimerait passer à autre chose.
Tumata Robinson est née en 1954. Elle a perdu sa mère, Ah You dite Philomène, Tahitienne issue d’une famille chinoise, très jeune, dans des conditions qu’elle a mis des années à élucider. "Je ne connaissais pas du tout l’histoire de ma mère à l’époque. Elle n’était pas avec nous. Mon père nous a très bien encadré, il était juste. Je lui en ai voulu, bien sûr, mais il a été exceptionnel et je ne peux pas le haïr."
Elle vivait à l’abri des regards dans une maison à Paea, au domaine Ofa'ipapa, avec ses trois sœurs. "Les gens pensaient que nous y étions comme des reines, or ce n’est pas vrai ! Nous avons été élevées avec l’essentiel, sans fioriture." Elle est restée isolée jusqu’à l’âge de ses 16 ou 17 ans, "coupée du monde". Les premiers amis rencontrés datent de cet âge. Avant, elle ne voyait personne. Les quatre filles derrière le mur de la propriété intriguaient. "On n’avait bien sûr ni téléphone, ni télévision. On lisait beaucoup, on s’occupait des tâches ménagères, du jardin." Elle n’avait pas de rêve particulier pour la suite, "puisque je ne savais pas qu’il y avait autre chose". Sa vie alors lui plaisait.
Rencontre avec la danse
Seule sortie autorisée : la danse. Elle prenait des cours avec ses sœurs auprès de Morgane Paulina, décédée en 2020 à l’âge de 88 ans. Son père connaissait bien le compagnon de la danseuse. Un Américain lui aussi. "On y allait une fois par semaine, ou toutes les deux semaines. Les cours se passaient au Tahara'a, au domicile de Paulina." Tumata Robinson a participé à son premier Heiva avec la troupe de Paulina, elle avait 12 ans.
Et puis, un jour, William Albert Robinson a dû se rendre compte qu’il ne pourrait garder ses filles coupées du monde éternellement. Tumata Robinson s’est alors tournée vers la danse. "C’est toute ma vie." Elle a donné des cours, elle a fondé trois troupes : Tumata, alors qu’elle avait à peine 18 ans. Cette première troupe a vécu dix ans. Puis, elle a co-créé les Grands ballets de Tahiti avec le directeur artistique Teiki Villant et le chorégraphe Lorenzo Schmidt, en 1998. En 2008 est née la troupe Tahiti Ora. Tumata Robinson est restée longtemps danseuse, elle a également écrit les chorégraphies, réalisé les costumes. Tahiti Ora a remporté le premier prix au Heiva en catégorie professionnelle en 2011 avec son spectacle sur la légende de Marukoa, puis en 2014 avec Pifao, la malédiction.
Un show jusqu’en Alaska
Avec Manouche Lerhartel, Tumata Robinson a mis sur pied le grand concours de ‘Ori Tahiti Nui qui rassemble chaque année des dizaines de danseuses et danseurs du monde entier. En 2016, elle a reçu la médaille de chevalier de l’ordre national du mérite pour sa vie consacrée à la danse et au rayonnement du ‘Ori Tahiti à travers le monde. Elle a dansé en France, au Japon, en Chine, en Nouvelle-Zélande, en Nouvelle-Calédonie ou bien encore en Alaska, "c’était pour la promotion d’une compagnie aérienne hawaïenne, on a eu tellement froid ! On avait les cils complètement congelés".
La danse est en standby dans sa vie, mais elle envisage peut-être de réapparaître lors de "petits événements", comme le Hura Tapairu. Elle ne reviendra sans doute pas au Heiva, "l’esprit a changé" parmi la jeune génération de danseuses et danseurs, dépore-t-elle. "Plus ça va et plus il est difficile de maintenir leur attention." Elle aimerait passer à autre chose.
Un livre en hommage à son père
La pandémie a mis en veille les activités culturelles de Tumata Robinson. "J’ai dû apprendre à faire autre chose que la danse." Elle a repris son activité de création de bijoux et s’est mise à apprendre le tahitien. "Ma première langue est l’anglais, celle de mon père", rappelle-t-elle. Le tahitien, la langue de sa mère, s’avère plus difficile que prévu. "Elle est mélodieuse et, à l’entendre paraît facile, or une nuance, une intonation, un contexte peuvent changer complètement le sens d’un mot." Elle s’est aussi lancée, avec sa sœur Rampa, dans la réalisation d'un livre sur l'incroyable épopée de son père, William Albert Robinson.
William Albert Robinson, fondateur de l’institut Louis Malardé, a été le premier à son époque à faire le tour du monde sur le plus petit bateau, le Svaap (dix pieds). C'est ce voyage, qui dura de juin 1928 à novembre 1931, que Tumata et sa sœur ont souhaité partager. "Ma sœur Rampa et moi prenons de l’âge. Nous avons un héritage si exceptionnel que nous nous devions de faire ce livre, pour la mémoire collective. Cette histoire appartient au patrimoine universel." William Albert Robinson passa par Tahiti et, en tout, il cumula 32 000 miles lors de son voyage autour du monde.
Les photographies qui illustrent le livre sont tirées de la collection personnelle de William Albert Robinson. "Il y en avait peu entre New York et Tahiti, plus sur l’Océanie et le Moyen Orient." Elles étaient en noir et blanc. Elles avaient été colorisées dans les années 1930. "Ma sœur Rampa a trouvé une entreprise spécialisée reproductions de diapositives sur verre à New York", explique Tumata Robinson.
Pour réaliser ce livre, elle s’est appuyée sur des coupures de journaux, des lettres. "Mon père était un homme qui parlait peu de lui, de ce qu’il faisait. Il ne nous a jamais raconté de lui-même toutes ses aventures." Quand elle se retrouvait à table, en famille, "on se taisait". Mais elle garde de lui le souvenir d’un homme d’une "grande force intérieure", une "grande droiture" et une "honnêteté exacerbée". Autant de principes qu’il a inculqué à ses filles. "Il avait une force cachée qu’on ressentait, qui rassurait. En grandissant à ses côtés, je n’ai jamais eu peur, pas même aux pires moments en mer."
Elle travaille aussi sur un nouvel ouvrage qui viendra compléter son livre-enquête intitulé Comme deux navires qui se croisent dans la nuit paru en 2008 chez Belfont. "J’ai appris de nouvelles choses sur ma mère", indique-t-elle non sans émotion. La parution, annoncée chez ‘Api Tahiti, est prévue pour 2022, sans doute aux alentours du mois d’avril.
La pandémie a mis en veille les activités culturelles de Tumata Robinson. "J’ai dû apprendre à faire autre chose que la danse." Elle a repris son activité de création de bijoux et s’est mise à apprendre le tahitien. "Ma première langue est l’anglais, celle de mon père", rappelle-t-elle. Le tahitien, la langue de sa mère, s’avère plus difficile que prévu. "Elle est mélodieuse et, à l’entendre paraît facile, or une nuance, une intonation, un contexte peuvent changer complètement le sens d’un mot." Elle s’est aussi lancée, avec sa sœur Rampa, dans la réalisation d'un livre sur l'incroyable épopée de son père, William Albert Robinson.
William Albert Robinson, fondateur de l’institut Louis Malardé, a été le premier à son époque à faire le tour du monde sur le plus petit bateau, le Svaap (dix pieds). C'est ce voyage, qui dura de juin 1928 à novembre 1931, que Tumata et sa sœur ont souhaité partager. "Ma sœur Rampa et moi prenons de l’âge. Nous avons un héritage si exceptionnel que nous nous devions de faire ce livre, pour la mémoire collective. Cette histoire appartient au patrimoine universel." William Albert Robinson passa par Tahiti et, en tout, il cumula 32 000 miles lors de son voyage autour du monde.
Les photographies qui illustrent le livre sont tirées de la collection personnelle de William Albert Robinson. "Il y en avait peu entre New York et Tahiti, plus sur l’Océanie et le Moyen Orient." Elles étaient en noir et blanc. Elles avaient été colorisées dans les années 1930. "Ma sœur Rampa a trouvé une entreprise spécialisée reproductions de diapositives sur verre à New York", explique Tumata Robinson.
Pour réaliser ce livre, elle s’est appuyée sur des coupures de journaux, des lettres. "Mon père était un homme qui parlait peu de lui, de ce qu’il faisait. Il ne nous a jamais raconté de lui-même toutes ses aventures." Quand elle se retrouvait à table, en famille, "on se taisait". Mais elle garde de lui le souvenir d’un homme d’une "grande force intérieure", une "grande droiture" et une "honnêteté exacerbée". Autant de principes qu’il a inculqué à ses filles. "Il avait une force cachée qu’on ressentait, qui rassurait. En grandissant à ses côtés, je n’ai jamais eu peur, pas même aux pires moments en mer."
Elle travaille aussi sur un nouvel ouvrage qui viendra compléter son livre-enquête intitulé Comme deux navires qui se croisent dans la nuit paru en 2008 chez Belfont. "J’ai appris de nouvelles choses sur ma mère", indique-t-elle non sans émotion. La parution, annoncée chez ‘Api Tahiti, est prévue pour 2022, sans doute aux alentours du mois d’avril.