Tuhei : Le lien entre le reo Tahiti et les enseignants


Des extraits du film ont été présentés aux enseignants bénévoles qui ont travaillé dessus
PAPEETE, le 30 mars 2015 - Un documentaire d'une heure destiné à la formation des enseignants a été dévoilé aujourd'hui. Réflexion philosophique et poétique sur les symboles présents dans les mots polynésiens, il veut "provoquer une prise de conscience chez les enseignants."

Seuls 10 à 20% des professeurs des écoles s'estiment qualifiés pour enseigner les langues polynésiennes. Pourtant, ils sont nombreux à les comprendre, mais comme dans tout le reste de la société, de nombreux blocages les empêchent de les pratiquer.

Nicole Sanquer, ministre de l'Education, a apporté son témoignage sur ce problème générationnel : "J'ai 42 ans, et à mon époque on n'apprenait pas le Tahitien. Je le comprends et le lis parfaitement, mais je ne me sens pas à l'aise pour le parler. Aujourd'hui mes enfants apprennent le tahitien à l'école" se félicite-t-elle. Comme chez la ministre, il y a de nombreux verrous psychologiques et culturels à faire sauter chez ceux qui pourraient enseigner ces langues, et des vocations à éveiller chez les autres. C'est dans cette optique que le Pôle production de la Direction de l’éducation et des enseignements a réalisé le documentaire Tūhei.

Le concepteur de ce film de 58 minutes est Edgar Tetahiotupa, professeur des écoles et docteur en anthropologie, qui a travaillé avec l'ancien "instit'" et vrai poète Patrick Araîa Amaru. Lors de la présentation du film aux enseignants, ils ont résumé son concept central: "Tei te tā’āto’a te ta’ato’a" (tout est dans le tout). En pratique, le film en tahitien sous-titré en français est une succession de tableaux présentant des idées fondamentales de la culture polynésienne et leurs liens les uns avec les autres : "te tumu ha’ari (le cocotier), te puhi - te tuna (l’anguille), te manu (l’oiseau), te va’a (la pirogue), te tira (le mât de la pirogue), te marae (le centre religieux), te fenua (la terre), te paepae (la plateforme), te tupuna (l'ancêtre), te atua (le dieu), havaiki..."

"Il y a quelques années, on disait encore que le tahitien était une langue incapable de faire passer des concepts, inadaptée à la philosophie, donc là on s'est un peu lâchés" explique Edgar Tetahiotupa. Le résultat est un peu onirique, très poétique et passionnera ceux qui s'intéressent aux fondamentaux de la culture polynésienne.

Selon eux, le nom du film, Tūhei, a déjà un sens profond : "Tū signifie debout. La verticalité indique un lien avec le ciel (l’esprit des anciens, les dieux), la terre (nous, êtres humains) et les profondeurs terrestres (le pō, l’esprit des anciens, les dieux). Hei c’est le lien qui unit les gens entre eux, les îles entre elles, les archipels entre eux et nous avec nos ancêtres."

100 DVD du film vont être distribués aux enseignants. Ils vont être utilisés pour la formation des futurs professeurs du primaire et du secondaire, ainsi que dans la formation continue. Il pourrait être présenté aux parents lors de tournées dans les communes. Mais des problèmes de droits empêchent pour l'instant sa diffusion au grand public…

Au milieu les ministres Heremoana Maamaatuaiahutapu et Nicole Sanquer, tout à gauche Edgar Tetahiotupa, tout à droite Patrick Araîa Amaru.
Références pour aller plus loin sur l'origine des mots polynésiens et les symboles qu'ils renferment :
- "Au gré des vents et des courants" de Edgar Tetahiotupa, édition des mers australes, 2009.
- Des articles publiés dans "Matari'i", la revue du C.I.E.L.

Une photo du tournage 100% local


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Lundi 30 Mars 2015 à 17:43 | Lu 1396 fois