Tuhaa Pae immobilisé, l'armateur veut faire du forcing


Le Tuhaa Pae devrait rester à quai pendant au moins deux mois.
PAPEETE, le 04/09/2017 - Un des deux safrans du navire a été perdu en mer, durant la dernière traversée reliant Raivavae à Tahiti. Ce qui pourrait compliquer les manœuvres du bateau. Du coup, le bureau Véritas a suspendu les rotations du Tuhaa Pae jusqu'à ce que tout rentre dans l'ordre. Mais les pertes causées par cet incident pourraient pousser l'armateur à demander à effectuer tout de même la traversée, "en allant doucement sur un moteur". Pas sûr, que cette option sera acceptée.

"Il n'y a pas de bateau qui pourrait répondre à la demande", le message du Pdg de Tuhaa Pae est clair.

Depuis l'immobilisation de son bateau sur le quai de Motu Uta, Patrice Colombani remue terre et ciel pour trouver un navire qui pourrait prendre le relai, le temps de la réparation du Tuhaa Pae 2.

En effet, durant leur dernière traversée entre Raivavae et Papeete, un des deux safrans du navire s'est perdu en mer. Un élément important puisqu'il représente une partie du gouvernail qui sert à diriger le navire.

Du coup, la société Véritas – qui évalue la conformité des navires – a décidé de suspendre l'activité du Tuhaa Pae, le temps que tout rentre dans l'ordre. Une décision qui était attendue par la direction de la compagnie maritime. "Normalement, on peut naviguer avec un gouvernail. Mais le bureau Véritas nous a suspendus, parce que dans les ports aux Australes, il n'y a pas de pilotines ou de remorqueurs qui pourraient aider à la manœuvre à l'entrée et à la sortie, ce serait une sécurité. Mais vu qu'il n'y en a pas, Veritas dit qu'on pourrait perdre le deuxième safran ou nous retrouver sur le récif, parce que la manœuvre n'est pas facile avec un safran", explique Patrice Colombani, Pdg de Tuhaa Pae.

Mais une question reste, pour l'heure, en suspens. Comment expliquer ce problème ? Ce lundi matin, la société des travaux maritimes, Tiai Moana était sur place afin "de sortir le gouvernail qui est en place pour le vérifier. Ce sont les mécaniciens qui vont décider du sort. Nous, on ne fait que la vérification du safran (de la mèche et des roulements)", prévient Nicolas Brigato, gérant de Tiai Moana.

"Là, on plonge, on sécurise le safran, on le sort de son logement pour récupérer la chaîne qui le maintien à l'intérieur du bateau. Après, on va sortir la mèche de l'autre safran pour la réparer", poursuit-il.

"Un expert maritime va venir, pour voir s'il y a une faiblesse dans la mèche, qui est pourtant un acier résistant. Et il ne présente aucun défaut normalement", rajoute le Pdg de Tuhaa Pae.

EN ATTENDANT, QUI REMPLACERA LE TUHAA PAE ?


Comment faire ? Une question qui est passée en boucle dans la tête de l'armateur. "Nous sommes en train de discuter avec Tahiti Nui 1, mais le bateau n'a pas l'air de convenir. Il n'a pas autant de capacités, surtout pour le fuel en soute. Apparemment, ils ont une capacité limitée ainsi que la capacité de transport de frigos. Ça pose problème", explique Patrice Colombani. "C'est à nous et au Pays de trouver les solutions qu'il faut pour remédier à ce problème", poursuit-il.

"C'est sa part de travail et le Pays n'interviendra pas dans le financement de l'opération. Il appartient à l'armateur de régler le problème. Bien sûr, nous essayons de l'assister du mieux que nous pouvons", lui répond Luc Faatau, ministre des Transports Interinsulaires.

L'essentiel est de ne pas pénaliser les habitants des Australes.

Et l'armateur semblerait décider à faire du forcing. "Aucun bateau ne répond à nos critères, que ce soit sur le plan de la capacité, de la performance ou du coût. Nous allons demander à Véritas de continuer les rotations avec notre navire, mais en allant doucement sur un moteur", indique Patrice Colombani. "Je ne pense pas que ce soit impossible", souffle-t-il.

DE GROSSES PERTES POUR LA COMPAGNIE


Avec ce problème de safran, le coût des réparations pourrait s'élever à plus de 10 millions de francs, viennent s'ajouter à cela, l'immobilisation du navire, mais aussi la location du bateau qui prendrait la relève. Alors qu'on sait que cette immobilisation pourrait durer au moins deux mois.

Plusieurs compagnies ont donc été approchées, mais aucune ne correspondrait. "Il y a une dizaine d'années, nous avions loué le Mareva Nui. Maintenant, il serait disponible mais il ne correspond plus. Au niveau de la capacité des grues, elles ne sont pas assez puissantes pour lever des containers", explique le Pdg de Tuhaa Pae.

Le Tahiti Nui 1 non plus ne serait pas conforme, et le prix de la location serait trop lourd à supporter pour la compagnie Tuhaa Pae. "Il nous facture à 1,3 millions de francs par jour sans compter le carburant." Heureusement que les assurances sont là. Mais la priorité de l'armateur et du Pays est de remettre cette ligne en état de marche dans les meilleurs délais.

"Il faut que l'armateur se décide rapidement et que ça reste dans le cadre des rotations habituelles. S'il tarde trop, c'est à ce moment-là que nous interviendrons", prévient Luc Faatau.

Affaire à suivre…

Le safran gauche du navire s'est perdu en mer.

Luc Faatau
Ministre des Transports Interinsulaires


" C'est à l'armateur de faire son choix"


"La ligne continuera à être desservie, non plus par le Tuhaa Pae. Nous avons à la disposition, le bateau de la flotille maritime, le Tahiti Nui 1. Je pense que l'armateur a également négocié avec la flotte privée. C'est à l'armateur de faire son choix.

C'est possible que le Tahiti Nui 1 n'ait pas assez de capacité pour transporter le fuel, puisqu'il n'a pas été conçu pour ça. Mais, il permettra quand même de maintenir la desserte afin d'éviter que ces îles ne soient en rupture de stock.

L'armateur a un cahier des charges à respecter, il n'est pas prévu que le pays participe financièrement. Si le pays intervient, ce sera pour demander à d'autres armateurs de se mettre sur la ligne.
"

Non au projet de Mareva Nui

Au sujet de la concurrence qui pourrait être ouverte sur les Australes. Le ministre a pris sa décision concernant le dossier du Mareva Nui 2.

"La société Mareva Nui avait proposé de mettre un bateau sur la desserte des Australes, au même titre que le Tuhaa Pae 2. Mais les propositions faites par le Mareva Nui sont en contradiction avec le schéma directeur qui vient d'être adopté. C'est la raison pour laquelle, je n'ai pas donné de suite favorable à la proposition de Mareva Nui. Mais je suis tout à fait ouvert pour qu'un deuxième bateau se mette sur la ligne, en respectant bien sûr les conditions requises par le texte. Ce n'est pas parce que c'est Mareva Nui. C'est un refus d'ordre technique. Je ne ferme pas définitivement le dossier. Mais, il faut qu'il comprenne aussi que j'ai un cadre règlementaire à faire appliquer.

Ce qui est prévu dans le texte, c'est que les nouveaux bateaux qui voudront entrer sur la desserte de nos îles, ne devront pas excéder 30 ans. Je suis conscient du fait que les bateaux qui naviguent actuellement ont plus de 30 ans et ils sont bien entretenus. Donc, ils peuvent encore naviguer quelques années. Il n'y a aucun problème à ce niveau-là. Là, on parle des nouveaux bateaux qui vont solliciter des licences d'exploitation sur nos lignes intérieures.
"

De son côté, Mareva Nui attend une réponse écrite du ministre afin "d'informer le vendeur du bateau au Danemark", prévient Turia Richmond, fille de l'armateur. Mais, la société ne baisse pas les bras pour autant, malgré les difficultés. "Déjà, nous sommes en train de chercher un bateau pour remplacer le bateau actuel. Nous continuons nos recherches, mais ce n'est pas évident parce qu'il n'y en a pas en ce moment", dit Turia Richmond.




Rédigé par Corinne Tehetia le Lundi 4 Septembre 2017 à 19:00 | Lu 6454 fois