Trois ans ferme requis contre l'ex-chef de la subdivision de l'Equipement de Taha’a


Selon le Pays plus de 29 millions Fcfp ont été détournés entre 2011 et 2017 à la subdivision de l'Equipement de Taha'a.
Tahiti, le 22 février 2022 - Six personnes, dont l'ancien directeur de l'Equipement Jean-Paul Lecaill et l'ancien chef de la subdivision de Taha’a, Jean-Pierre Chen San, étaient renvoyés, ce mardi, devant le tribunal correctionnel. Les prévenus devaient répondre des faits d'escroqueries, de faux, usage de faux et détournement de fonds publics à la subdivision de l'Equipement de Taha'a entre 2011 et 2017. La procureure a notamment requis quatre ans de prison, dont trois ans ferme, à l'encontre de Jean-Pierre Chen San. Le tribunal rendra son délibéré le 8 mars. 

Après le procès en première instance en septembre 2020 des magouilles à l'antenne de la direction de l'Equipement à Moorea, ce mardi, c’était au tour du “système mafieux” de la subdivision de Taha’a de passer à la barre du tribunal correctionnel. Six prévenus étaient renvoyés dans le cadre de cette affaire. Parmi eux notamment, l’ancien chef de la subdivision de Taha’a, Jean-Pierre Chen San, poursuivi pour escroquerie, faux et usage de faux, et l’ancien directeur de l’équipement, Jean-Paul Lecaill, renvoyé lui pour négligence. Les quatre autres prévenus, des gérants d’entreprise de Raiatea et Taha’a devaient eux notamment répondre des faits de recel, de détournement de fonds publics et d’escroquerie. 

Comme à Moorea, le système reposait sur l’émission de faux bons de commande émis par l’ancien directeur de la subdivision de l’équipement de Taha’a auprès des entreprises. Ces dernières produisaient ensuite des fausses factures et des avoirs au profit du service de l’Equipement de Taha’a. Une fois ces avoirs constitués, Jean-Pierre Chen San venait ensuite se servir en matériaux pour ses besoins personnels. Selon le Pays, plus de 29 millions Fcfp ont été détournés entre 2011 et 2017. Mais à la grande différence de l’affaire de Moorea, l’ex-chef de la subdivision de Taha’a n’a jamais touché de sommes d’argent de la part des chefs d’entreprises auprès desquels il avait contracté des bons de commandes. 

Une maison construite avec des matériaux détournés

Confronté aux faits, l'ancien cadre de l'Equipement a eu du mal à trouver les mots pour justifier ses agissements si ce n’est en indiquant que ce système existait avant sa nomination à la tête de la subdivision de Taha'a en 2011. “J’ai suivi le mouvement”, a timidement lâché le quinquagénaire à la barre. “C’est un système qui existe depuis au moins 15 ans”, a ajouté un chef d’entreprise à la barre. 

Sur les avoirs constitués, l’ancien directeur a expliqué qu’ils devaient servir en cas d’intempéries et de catastrophes naturelles, pour réparer des routes ou des ponts par exemple. Ce système pouvait ainsi éviter les lenteurs administratives et permettait de réparer au plus vite les dégâts causés. Sauf que certains matériaux ont été détournés et ont notamment servi à construire la maison de Jean-Pierre Chen San à… Huahine. 

Du côté des entreprises impliquées, l'ensemble des entrepreneurs ont expliqué ne pas avoir eu “l'impression de frauder le Pays”, mais plutôt de rendre service. “Nous ne nous sommes pas enrichis dans cette affaire. On permettait au service de l'équipement  de fonctionner”, a affirmé l'un des chefs d'entreprises incriminés. “Les livraisons de matériaux ont été faites. Après ce que le service de l'équipement a fait des matériaux n'est pas du ressort de ces chefs d'entreprise”, a insisté pour sa part, Me Quinquis, avocat de l'un des entrepreneurs. 

“Système mafieux”

Lors de son réquisitoire, la procureure a elle dénoncé un “système mafieux”, des “magouilles du quotidien pour organiser une fuite de fonds publics”, au profit de l'ancien responsable et de ses proches. “Les prestations fournies ont été largement inférieures aux montants des avoirs”, a renchérie la représentante du parquet avant de requérir quatre ans de prison, dont trois ans ferme, à l'encontre de l'ancien chef de la subdivision de Taha'a. Une lourde peine assortie d'une amende de 4 millions Fcfp et l'interdiction définitive d'exercer une fonction dans l'administration. 

Pour l'ancien directeur de l'Equipement, Jean-Paul Lecaill, une peine de quatre mois de prison avec sursis et une amende de 100 000 Fcfp ont été requise. “Il ne peut pas dire qu'il n'était pas au courant. Il lui appartenait de contrôler, de vérifier le travail de ses collaborateurs”, a insisté la procureure. Rappelons néanmoins que Jean-Paul Lecaill avait été relaxé dans l'affaire de l'équipement de Moorea. 

Concernant les quatre chefs d'entreprises des amendes allant de 4 à 9 millions ont été requises. Le tribunal rendra son délibéra dans ce dossier le 8 mars. 

Jean-Pierre Chen San déjà condamné pour détournement de fonds publics

Avant d'être renvoyé, ce mardi, devant le tribunal correctionnel Jean-Pierre était déjà connu de la justice. L'intéressé était en effet l'un des quatre anciens fonctionnaires de la subdivision administrative des Tuamotu-Gambier à avoir pris part à un détournement de fonds publics entre 2009 et 2010 à Makemo.

À l'époque les agents avaient dévoyé une délibération de l'assemblée de la Polynésie autorisant le bétonnage de la route reliant le village et l’aéroport de Makemo. Sauf que la dite route étant déjà bétonnée, la responsable de la subdivision avait autorisé, sans aviser sa hiérarchie, l’enrobage d’une autre route desservant les propriétés du premier adjoint de Makemo, Metuarii Mairoto, décédé depuis. 

Les prévenus étaient allés jusqu'en cassation, avant d'être définitivement condamnés en novembre 2018 par la plus haute juridiction. Jean-Pierre Chen San avait notamment écopé d'une peine de quatre mois de prison avec sursis. 

Rédigé par Désiré Teivao le Mardi 22 Février 2022 à 18:34 | Lu 3822 fois