Trois ans après la disparition d’Augustine, son amant renvoyé pour meurtre


Le 25 janvier 2022, une reconstitution de la soirée précédent la disparition d’Augustine avait été organisée dans le quartier Oremu à Faa’a.
Tahiti, le 24 août 2024 - Un peu plus de trois ans après la mystérieuse disparition d’une jeune femme de 27 ans prénommée Augustine Tetuaura, le juge d’instruction en charge de l’information judiciaire a ordonné, le 15 avril dernier, le renvoi de son amant devant la cour d’assises. L’homme, un père de famille âgé de 34 ans, sera jugé courant 2025 pour meurtre.

Le juge d’instruction en charge de l’information judiciaire ouverte à la suite de la disparition, en 2021, d’une femme de 27 ans nommée Augustine Tetuaura, a rendu son ordonnance de mise en accusation (OMA) devant la cour d’assises, le 15 avril dernier. Au terme de trois années d’investigations, le magistrat instructeur a ordonné le renvoi de l'amant de la victime, un père de famille de 34 ans, qui sera donc jugé pour meurtre aggravé.
 
Cette affaire, particulière en raison du fait que le corps de la jeune femme n’a jamais été retrouvé, avait débuté le 16 mai 2021 lorsqu’une femme s’était présentée à la gendarmerie pour signaler la disparition de sa fille survenue trois semaines auparavant. Elle avait alors expliqué que sa fille entretenait une relation depuis plusieurs années avec un individu par ailleurs marié à une femme avec laquelle il avait eu trois enfants. La dernière fois qu’elle l’avait vue, sa fille venait de partir avec son amant. Interrogé dans le cadre de l’enquête ouverte pour “disparition inquiétante”, ce dernier avait tout d’abord affirmé qu’il s’était disputé avec Augustine le soir des faits car elle entretenait une relation avec un autre homme. Ils se seraient ensuite couchés et c’est à son réveil, vers trois heures du matin, qu’il aurait constaté que la jeune femme avait disparu.
 
Déclarations contradictoires
 
Or, durant l’enquête, les gendarmes de la Section de recherches avaient établi qu’après ce soir du 26 avril, aucun appel n’avait plus été émis de son téléphone et qu’au contraire de la famille d’Augustine, son amant n’avait plus tenté de la joindre. Les témoignages recueillis auprès de l’entourage du couple avaient également démontré que l’homme tenait des propos contradictoires.
 
L’épouse de l’accusé avait d’ailleurs indiqué que la nuit de la disparition, son mari l’avait appelée pour lui dire qu’il avait “fait une connerie”. Tel que le relate le magistrat instructeur dans son OMA, le trentenaire aurait également questionné la mère de ses enfants sur la “disparition de surfeurs ou de corps à l’embouchure de la Papenoo et le fait que des corps aient pu disparaître du fait des requins”. De plus, la mère de l’accusé avait indiqué qu’elle pensait avoir vu un corps à l’arrière du véhicule de son fils.
 
Placé en garde à vue le 30 juin 2021, l’amant de la disparue avait tout d’abord nié être impliqué mais, confronté aux éléments objectifs du dossier, il avait livré un scénario que le magistrat instructeur qualifie de “version minimaliste quasi accidentelle des faits”. il avait alors assuré qu’ils s’étaient tous les deux rendus à Papenoo pour voir où vivait le nouveau compagnon d’Augustine. Selon la version du père de famille, une dispute aurait éclaté sur un promontoire situé sur la côte est au terme de laquelle il aurait, accidentellement, poussé sa compagne dans la mer. Prenant “peur”, il serait ensuite parti.
 
Homicide volontaire
 
Quelques temps après, le trentenaire avait fini par reconnaître le meurtre en indiquant qu’il avait mis un “grand coup de poing” à Augustine, qu’elle était tombée “inconsciente” et qu’il l’avait donc “jetée à la mer” ignorant, selon ses déclarations, si elle respirait encore. L’homme ne souhaitait pas que la jeune femme “aille voir la gendarmerie” car il avait “déjà des problèmes”.
 
Au regard des reconstitutions effectuées dans le cadre de cette affaire, des éléments de téléphonie, des témoignages selon lesquels un corps aurait été vue à l’arrière du véhicule de l’accusé, le soir des faits, le magistrat instructeur a estimé que les différentes versions apportées par ce dernier ne permettaient pas d’établir un scénario précis de cette funeste soirée.
 
“Peur du dévoilement”
 
Lors du procès pour meurtre qui se tiendra en 2025, les jurés de la cour d’assises devront donc se pencher sur la personnalité de l’accusé, un magasinier ayant connu des “problèmes d’alcoolisme”, qui entretenait une relation extraconjugale avec la victime depuis 2013 en parallèle de sa vie maritale et qui pouvait se montrer violent. Pour l’expert psychologue qui avait examiné le trentenaire, la relation de ce dernier avec Augustine, “aussi épuisante soit-elle”, lui était “essentielle et il est probable qu’il ne pouvait envisager qu’elle le quitte”. Pour lui, “résumer les faits à un simple geste est une façon de nier toute intention de nuire et de donner à son acte un caractère accidentel”.
 
Mais selon l’expert, cette incapacité à parler de son geste et du déroulement de cette soirée témoigne surtout d’une “peur du dévoilement” et de ce que les “faits pourraient dire de lui, de son ressenti, de son tempérament et de ses angoisses”.
 
Au terme de son procès, l’accusé, qui sera défendu par Me Isabelle Nougaro, encourt trente ans de réclusion criminelle.
 

Rédigé par Garance Colbert le Dimanche 25 Aout 2024 à 18:35 | Lu 8244 fois