Transport handicap : “Beaucoup de choses sont possibles si on veut bien s'y pencher sérieusement”


Tahiti, le 6 juin 2024 – Ce jeudi, à la présidence de la Polynésie française, la Fédération Te niu o te huma restituait le fruit de son travail de réflexion sur le thème des transports du public handicapé mené lors des journées du handicap. Et si des solutions ont été apportées, la fédération espère surtout la mise application des textes déjà existant. Rencontre avec la Directrice par intérim de Te niu o te huma, Pia Avvenenti.
 
Quel bilan faites-vous de ces journées du handicap ?
“Concernant ces journées nous estimons que c'est positif car nous avons reçu au sein des ateliers, donc la table ronde sur le thème des transports des personnes handicapés et le job dating, beaucoup plus de participants que l'année dernière. Beaucoup de personnes se sont présentées spontanément, notamment grâce à la communication sur les réseaux et les médias que nous remercions d'ailleurs.”
 
Aujourd'hui, il s'agissait justement de faire une restitution de ces différents travaux, c'était important pour vous de le faire en présence du ministre en charge des transports, Jordy Chan ?
C'était très important puisque le thème était véritablement consacré aux transports, mais il n'y avait pas que le ministre qui était là, il y avait également la direction des transports et c'était tout aussi important pour nous, afin d'être entendu sur de nombreuses problématiques telles que la délivrance des cartes de transport, l'affichage des horaires, etc. Le but c'était vraiment de se mettre à table tous ensemble et dire qu'il y a des partenariats qui ont été établis. En 2017 déjà, il faut se rappeler la mise en place du schéma directeur du transport collectif et son aménagement qui était prévu pour la période de 2016 à 2035, et aujourd'hui on se rend compte que des points prévus ont été mis en œuvre soit partiellement, soit pas du tout. Pour en revenir au ministre, c'était important qu'il soit là car il est aussi en charge des grands travaux et par extension de l'urbanisme. Car c'est bien de vouloir aménager les arrêts de bus, mais entre le domicile ou le véhicule et ces arrêts de bus, c'est toute la voierie qu'il faut repenser et aménager. Lorsque l'on parle des personnes à mobilité réduite, cela ne concerne pas uniquement les personnes en fauteuil roulant, il y a les personnes âgées, les mamans avec les enfants en poussette, les personnes en situation d'obésité… C'est tous les cheminements vers ces arrêts de bus qu'il faut repenser.”
 
Des solutions ont été trouvées lors de cette table ronde ? Si oui, lesquelles ?
La chance que nous avons eue cette année a été d'avoir des professionnels du secteur qui sont venus. Que ce soit de l'urbanisme, du transport terrestre, les taxis ou même la CPS. Et tout s'est fait sans anicroches, nous avons pu parler dans un climat serein. Chacun a apporté les réponses qu'ils pouvaient et à l'inverse noté les problématiques nouvellement soulevées par les usagers venus en très grand nombre. Maintenant, oui, des solutions ont été apportées, mais ce dont nous avons vraiment besoin ce sont des moyens financiers, matériels et humains pour la mise en œuvre. Parmi les solutions alternatives qui ont été proposées on note par exemple des conventions à passer pour permettre l'accéssibilité à des zones telles que l'université, ou encore passer des accords avec les chauffeurs de taxi sous certaines conditions : très peu de transporteurs ont aujourd'hui la capacité d'accueillir le public handicapé. Il serait également possible de travailler sur des exonérations fiscales en échange de transport de personnes en situation de handicap. Il y a beaucoup de choses qui sont possibles si on veut bien s'y pencher sérieusement.”
 
Vous souleviez également, lors de votre intervention aujourd'hui, la problématique de textes existant déjà mais qui ne sont concrètement pas appliqués
Absolument. La réglementation existe déjà, mais elle n'est pas mise en œuvre dans certains domaines. Pas dans tous, fort heureusement ; mais, par exemple, quand on nous dit que la définition des cheminements et des arrêts de bus accessibles n'existe pas, c'est une hérésie ! En métropole, depuis 2006, et même depuis plus récemment le 8 mars 2024, les conditions à remplir pour que les arrêts de bus soient considérés accessibles ont été définies. Donc le but maintenant, ce n'est pas de faire du copier-coller, mais de prendre ce qui est à prendre et faire en fonction de nos moyens. On adapte et on essaye de trouver un consensus raisonnable pour pouvoir aller de l'avant et satisfaire les besoins des personnes handicapés et/ou à mobilité réduite.”
 
Un des premiers chantiers réalisables assez rapidement serait la formation des différents professionnels sur l'accueil du public en situation de handicap ?
“C'est vrai que c'est un besoin. La fédération est sollicitée régulièrement et a mis plusieurs formations à ce niveau. C'est très important que ces personnes soient sensibilisées, mais c'est chacun qui doit en parler autour de soi. Aujourd'hui, nous félicitons les communes qui ont vraiment pris le problème très au sérieux et qui ont agi en conséquence. Je prends notamment l'exemple de la commune de Papeete qui a mis de gros moyens pour aménager les alentours de sa mairie afin de permettre aux personnes handicapés de circuler plus facilement et donc d'avoir accès plus facilement à l'administration. Nous avons signé des conventions Accessibilité handicap avec certaines communes dans ce même objectif : à l'exemple des communes de Pirae, Arue, Mahina, Papeete. Nous sommes actuellement en pour-parler avec des communes comme Faa'a, Punaauia et Paea. C'est important de pouvoir le faire. Papeete nous a montré que c'est possible. C'est un travail de longue haleine mais c'est possible !”
 
Du coup, peut-on dire que les personnes en situation de handicap sont aujourd'hui écoutées, entendues et comprises ?
“Alors, elles sont mieux entendues. Je ne dirais pas en totalité, mais il y a de gros progrès il faut le reconnaître. Même s’il reste beaucoup à faire – et il y aura toujours beaucoup à faire – les comportements évoluent, les modes de vie évoluent, les aménagements urbains aussi, les technologies… Donc lorsque l'on entend les politiques dire tout haut “construire tous ensemble” oui, mais surtout jamais sans nous.”
 

Rédigé par Wendy Cowan le Jeudi 6 Juin 2024 à 17:24 | Lu 1217 fois