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Trafic d'ice : 12 ans ferme et mandat de dépôt requis contre la tête du réseau


La tête de réseau présumée de ce trafic d'ice
La tête de réseau présumée de ce trafic d'ice
PAPEETE, 15 octobre 2014 – Une peine de 12 ans de prison ferme a été requise contre Andélino DN, tête présumée d’un réseau de trafic de stupéfiants, démantelé en 2012 après la saisie de 468 grammes d’ice. Le mandat de dépôt est demandé contre cinq des onze prévenus de cette affaire.

En outre, l’administration douanière demande la condamnation solidaire à une amende de 46,8 millions Fcfp d’Andélino D.N., instigateur de ce trafic, de Mike L., la mule surpris par la douane le 1er mai 2012, avec 468 grammes d’ice dans son slip, et d’Alphone F., dealer et financier présumé de ce réseau.

Le jugement est mis en délibéré et sera rendu le 2 décembre prochain.

"C’est un individu nuisible pour la Polynésie française", lance le procureur de la République, mercredi en fin de matinée, évoquant le cas d’Andélino DN. L’accusation vient de détailler son analyse du rôle joué par chacun des prévenus cités dans cette affaire de trafic de stupéfiants qui s'est développée au premier semestre 2012. Dix personnes viennent d’être passées en revue. Il évoque maintenant le cas de l’ancien légionnaire de 49 ans, détenu depuis 2009 à Nuutania où il purge une peine de huit ans d'incarcération pour une précédente affaire d'ice.

L’allure soignée, visage impassible, les mains croisées dans le dos Andélino écoute. Le procureur rappelle comment cette tête présumée du réseau de trafic d’ice, du fond de sa geôle, dès le mois de décembre 2011, a semble-t-il réussi à organiser une première importation de méthamphétamines probablement introduite en Polynésie en janvier 2012. Comment il a fait jouer un réseau clandestin de communication avec l’extérieur de la prison, via le parloir, avec la complicité de codétenus, ses obligés, qu’il rémunère en joints de cannabis. Par ce canal, les courriers sortent et pénètrent à Nuutania. C’est aussi comme cela qu'entre le cannabis, sa monnaie d'échange, et même des puces pour téléphone portable. En prison, Andélino est tout à son aise.

Une deuxième importation d’ice a ensuite probablement eue lieu en avril 2012, alors que ce détenu hors normes bénéficie d’une suspension provisoire de 15 jours de peine, accordée pour soins dentaires. Une fois dehors, il y reste. Puis il y a eu la saisie de 468 grammes par la douane, à Tahiti-Faa’a le 1er mai, pendant qu'il est en cavale. Andélino est serré le 25 mai alors qu'il festoie dans un restaurant de Papeete. L’instruction a enfin permis d’établir qu’une quatrième importation de drogue était en préparation pour le mois d’août de cette année-là. Confronté à ce redoutable phénomène, le procureur requière 12 ans de réclusion contre Andélino, le mandat de dépôt et une peine de cinq ans d'interdiction de séjour en Polynésie française.

Autour de lui, pour l'accusation tout le monde a profité de ce commerce à des degrés divers.

La condamnation à des peines de prison allant d’un an avec sursis à 12 ans de prison ferme est demandée pour les onze prévenus de cette affaire de trafic d’ice. Une peine de 12 ans de réclusion est demandée pour Andélino DN, avec mandat de dépôt ; 9 ans fermes pour Alphonse F., avec mandat de dépôt ; 6 ans pour Thierry P., assortis d’un mandat de dépôt ; 5 ans pour Mike L., la mule, avec mandat de dépôt également ; et 4 ans avec mandat de dépôt pour Geoffrey M., le chauffeur d’Andélino pendant sa cavale.

Le tribunal se donne six semaines pour formuler son jugement.

Me Thibault Millet
Me Thibault Millet
"On ne s’intéresse pas du tout à l’origine de cette drogue déversée sur le territoire polynésien"

Pour l’avocat de la tête présumée du réseau de trafic d’ice, Me Thibault Millet, l’instruction a été menée exclusivement à charge contre son client. Il déplore en outre qu’elle ait complètement occulté la partie mexicaine de ce trafic de stupéfiant. "On se contente en fait de s’attaquer aux petits trafiquants locaux", a-t-il déploré. "Je suis persuadé – et malheureusement les faits montrent que j’ai raison – que le trafic d’ice va persévérer en Polynésie tant que l’on ne se penchera pas sur la source".

Comment se présente le dossier de votre client ?

Me Thibault Millet : Aujourd’hui on se retrouve avec une saisie de 468 grammes d’ice, qui est bien concrète et qui démontre qu’il y a effectivement eu une tentative d’importation en Polynésie française. Et à côté de cela on se retrouve avec un certain nombre d’opérations éparses, beaucoup de témoignages, de rumeurs, sur d’autres opérations qui auraient pu avoir lieu, d’autres éventuelles importations et des transactions supposées, mais là on n’a pas vraiment d’éléments concrets. On a surtout une rumeur qui est tournée sur la personnalité de mon client, un ancien légionnaire, et qui semble attiser l’imaginaire d’un certain nombre de personnes dans le milieu de l’ice.

Comment s’est organisé ce trafic ?

Me Thibault Millet : Sur ce point-là on a très peu d’informations. Nous avons des accords de coopération judiciaire avec le Mexique. J’ai voulu éclaircir cet aspect, en demandant au juge d’instruction de poursuivre des investigations au Mexique : on a le numéro de téléphone de la personne qui a fourni l’ice, si on en croit les témoignages ; on connaît les lieux de rendez-vous à commencer par l’aéroport (de Guadalajara, ndlr) qui est cerné de caméras et a aucun moment la moindre investigation n’a eu lieu. Toutes mes demandes d’investigations mexicaines ont été rejetées et aucune information des autorités mexicaines n’a même été faite. (…)
L’instruction s’est penchée sur le procédé utilisé pour l’importation d’ice, sur l’identité des revendeurs en Polynésie ; mais jamais en revanche sur la question de savoir qui a fourni l’ice au Mexique et qui a donc permis cette importation de stupéfiants en Polynésie française. C’est une des principales critiques de ma défense, puisqu’on ne s’intéresse pas du tout à l’origine de cette drogue déversée sur le territoire polynésien
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Que souhaiteriez-vous dans ce contexte ?

Me Thibault Millet : Encore une fois, que l’on s’attaque à la source. Nous avons un problème d’ice qui vient du Mexique depuis plusieurs années. Ce n’est pas le premier dossier. Et à chaque fois on élude complètement la question de l’approvisionnement. On se contente en fait de s’attaquer aux petits trafiquants locaux. Je suis persuadé – et malheureusement les faits montrent que j’ai raison – que le trafic d’ice va persévérer en Polynésie tant que l’on ne se penchera pas sur la source : il semblerait que ce soit la même personne qui a fourni l’ice dans ce dossier que dans une précédente affaire jugée en 2009 : c’est tout de même assez incroyable qu’aujourd’hui encore on refuse d’inquiéter cette personne voire même d’informer les autorités mexicaines.

Rédigé par JPV le Mercredi 15 Octobre 2014 à 15:01 | Lu 1757 fois