Tout comprendre de cette "houle exceptionnelle"


Tahiti, le 12 juillet 2022 – Qualifié "d'exceptionnel" par Météo France, l'épisode de très forte houle qui doit toucher la quasi-totalité de la Polynésie française, à l'exception des Marquises, n'a pas été connu depuis 2005. Mardi soir, le Sud des archipels de la Société, des Tuamotu, des Gambier et des Australes avait été placé en vigilance rouge. Retour "progressif" à la normale à partir de jeudi matin. Prudence absolue d'ici là.
 
C'est un phénomène météorologique qualifié "d'exceptionnel" par Météo France. Une houle de Sud-Sud Ouest de 6 mètres générant des déferlantes de 8 mètres près des côtes est attendues jusqu'à jeudi matin sur la quasi-totalité de la Polynésie française. Mardi après-midi, sept zones avaient été placés en vigilance rouge : les îles du Vent et îles Sous-le-vent, les Tuamotu ouest et sud, les Gambier, les Australes centre et Rapa. Une vigilance et une prudence absolue est nécessaire aux abords des côtes et les activités nautiques sont interdites dans ces zones, à l'exception des navires de plus de 24 mètres en fonction de la puissance de la houle.
  Du jamais vu depuis 2005  
Pour comprendre l'origine de ce phénomène, Météo France explique que la houle est générée par un vaste système dépressionnaire situé à plus de 2 000 km au sud de Rapa. Des vents forts tournent autour de cette dépression. "Ce qu'on appelle la mer du vent", explique Sébastien Hugony de Météo France. "Cette énergie va sortir de ce système dépressionnaire et va onduler pour créer la houle. La houle va propager cette énergie et la libérer au niveau des côtes avec les déferlantes." Des phénomènes que Météo France arrive particulièrement bien à modéliser et donc à prévoir. Pour connaître la hauteur des houles, c'est le satellite Jason -défilant autour de la terre par les pôles- qui permet de donner deux fois par jour le niveau exact de l'élévation de la mer, grâce à un altimètre très précis sur une bande de 100 km, plus ou moins proche de la Polynésie. Des données intégrées aux modèles prévisionnistes de Météo France et contrôlés par les nouveaux passages de Jason. Les données enregistrées pour cet évènement particulier n'avaient pas été relevées depuis l'épisode de houle de 2005, qui avait particulièrement touché la Polynésie.
 
Notons au passage que les pluies qui ont touché mardi l'île de Tahiti n'étaient absolument pas liées à la dépression génératrice de cette houle "exceptionnelle". Il s'agissait d'un autre phénomène atmosphérique, lié à un alizé humide passant actuellement au-dessus des îles du Vent mais qui devait s'estomper dans la soirée de mardi. Il n'y a donc pas, a priori, de vents ou de pluies particulières prévues avec ce phénomène de houles. Même si cet autre aspect de la météo reste à l'heure actuel très secondaire pour les prévisionnistes. Météo France met habituellement à jour ses vigilances à 5 heures du matin et 15 heures l'après-midi. Sauf cas exceptionnel. Raison pour laquelle une vigilance a été publiée à 12 heures mardi.
  Vigilance rouge, Quésaco ?  
En relation avec les services de l'Etat et du Pays -un PC crise a d'ailleurs été installé lundi soir au haut-commissariat- Météo France a placé mardi après-midi sept zones du Sud des archipels de la Société, des Tuamotu, des Gambier et des Australes en vigilance rouge. L'évolution du phénomène sera progressive et le pic est attendu sur Tahiti et Moorea durant la journée de mercredi. Un retour à la normal devrait se faire ressentir à partir de jeudi matin. Mais attention, prévient Météo France, il va "s'atténuer progressivement" et la prudence restera de mise jeudi 14 juillet.
 
Dans le langage du prévisionniste, la "vigilance rouge" est le stade maximal atteignable et signifie qu'une "vigilance absolue s'impose". Ce stade est réservé aux "phénomènes météorologiques dangereux d'intensité exceptionnelle". Les recommandations sont de se tenir régulièrement au courant de l'évolution météorologique et de se conformer scrupuleusement aux conseils précisés pour chaque phénomène sur le site de Météo France et aux consignes particulières émises par le haut-commissariat et relayées dans les médias.
  Interdiction générale des activités nautiques  
Ces vigilances rouge et orange emportent des restrictions annoncées dès mardi par les services de l'État du Pays. Le haut-commissariat insistait particulièrement sur les conséquences de l'épisode de 2005. "Un phénomène similaire qui avait provoqué beaucoup de dégâts, notamment matériels par effet de côte, sur plusieurs zones de Polynésie avec notamment des aérodromes impactés et des dégâts sur les habitations situées sur le littoral", rappelle l'administrateur des Tuamotu-Gambier, Frédéric Sautron. À Bora Bora notamment des habitations en bord de mer avaient été touchées et aux Tuamotu plusieurs aérodromes avaient été immobilisés en raison des submersions des pistes d'atterrissage et de décollage.
 
Pour les zones en vigilance rouge, une "interdiction de la circulation maritime et des activités nautiques de loisirs et professionnelles pour les navires de moins de 24 mètres" a été prise par arrêté. Les navires assurant la desserte entre Tahiti et Moorea peuvent théoriquement naviguer, mais en fonction de la hauteur de la houle et des capacités techniques des navires. "L'objectif est d'assurer la protection des personnes et des biens", précise Frédéric Sautron. Le haut-commissariat s'est fixé un délai d'anticipation de 6 heures entre le déclenchement des vigilances et l'arrivée des premiers trains de houle sur les zones concernées. De quoi se donner le temps de rattraper, par exemple, les cinq bateaux de pêche qui avaient pris la mer mardi matin à Tubuai malgré la vigilance.
 
Le haussariat recommande donc la plus grande vigilance pour les constructions exposées, la vérification des amarres des bateaux au port et appelle à ne pas s'approcher du littoral en évitant par exemple d'aller prendre des photos du phénomène. La hauteur des vagues va d'ailleurs être concomitante avec celle des marées et le lagon promet lui-aussi d'être agité avec de grosses vagues de côtes et des courants forts. Plus spécifiquement, le Pays a annoncé la fermeture des accès aux plages de Toaroto, Vaiava au PK18, Mahana Park, Rohotu, Taharuu et Tahiamanu à Moorea. Les plans communaux de sauvegardes ont également été déclenchés et les municipalités prendront éventuellement des mesures particulières de restriction de la circulation à terre. À Teahupoo notamment, mutoi et gendarmes devraient surveiller le site pour éviter aux surfeurs d'aller tenter le diable sur la mâchoire de la Presqu'île. Une interdiction qui risque fort d'être bravée, mais qui n'en restera pas moins une très mauvaise idée. Au moins jusqu'à jeudi.
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mardi 12 Juillet 2022 à 19:58 | Lu 7638 fois