L’un des rares portraits que nous ayons de Tobias Furneaux, intrépide marin que des crises de goutte emportèrent à 46 ans seulement.
CARNET DE VOYAGE, le 18 octobre 2019 - Des cœurs, des têtes, des poumons, et, un peu plus loin, des entrailles humaines que se disputent des chiens errants... Les doux rêves des philosophes de salon étaient très à la mode au XVIIIe siècle, mais la réalité était tout autre. Le “bon sauvage” n’existait pas et si le capitaine Cook, qui ne fut jamais très porté sur les rodomontades de cour, fit l’expérience du cannibalisme chez les Maoris, il n’y fut jamais confronté avec la même horreur que Tobias Furneaux, capitaine d’un navire accompagnant le grand explorateur anglais.
Tobias Furneaux,seul maître à bord de l’HMS Adventure fut lehérosbienmalgréluid’un terrible drame ayant endeuillé son périple. Furneaux accompa- gnait James Cook (à bord du HMS Resolution) lors de son second périple dans le vaste Pacifique, en quête du fameux continent austral. Cook et Furneaux furent à cette occasion les premiers marins à descendre sous le cercle polaire antarctique.
LE RENDEZ-VOUS MANQUÉ
À cette époque, voyager de conserve n’était pas chose aisée. Les deux navires, Adventure et Resolution avaient quitté Ply- mouth ensemble le 13 juillet 1772 et en janvier 1773, ils traversèrent le cercle polaire antarctique avant que le brouillard ne les sépare. Les deux capitaines avaient convenu d’un rendez-vous en Nouvelle-Zélande où, effectivement, ils se retrouvèrent avant de voguer ensemble jusqu’à Tahiti et aux Tonga, mais le 22 octobre 1773, un orage les sépara à nouveau ; comme convenu, Tobias Furneaux fit voile vers la Nouvelle-Zélande où James Cook lui avait donné rendez-vous au Queen Charlotte Sound en cas de perte de contact. Attendant Furneaux depuis quelques jours déjà et ne le voyant pas arriver, Cook était reparti le 26 novembre, quatre jours avant l’ar- rivée de l’Adventure. Tobias Fur- neaux trouva un message de Cook, enterré sur la plage et décida, après ce rendez-vous manqué, de perdre le moins de temps possible et de rentrer en Angleterre via le cap Horn. Furneaux atteignit Ply- mouth le 14 juillet 1774.
LE RENDEZ-VOUS MANQUÉ
À cette époque, voyager de conserve n’était pas chose aisée. Les deux navires, Adventure et Resolution avaient quitté Ply- mouth ensemble le 13 juillet 1772 et en janvier 1773, ils traversèrent le cercle polaire antarctique avant que le brouillard ne les sépare. Les deux capitaines avaient convenu d’un rendez-vous en Nouvelle-Zélande où, effectivement, ils se retrouvèrent avant de voguer ensemble jusqu’à Tahiti et aux Tonga, mais le 22 octobre 1773, un orage les sépara à nouveau ; comme convenu, Tobias Furneaux fit voile vers la Nouvelle-Zélande où James Cook lui avait donné rendez-vous au Queen Charlotte Sound en cas de perte de contact. Attendant Furneaux depuis quelques jours déjà et ne le voyant pas arriver, Cook était reparti le 26 novembre, quatre jours avant l’ar- rivée de l’Adventure. Tobias Fur- neaux trouva un message de Cook, enterré sur la plage et décida, après ce rendez-vous manqué, de perdre le moins de temps possible et de rentrer en Angleterre via le cap Horn. Furneaux atteignit Ply- mouth le 14 juillet 1774.
A BORD, LE TAHITIEN OMAÏ
Le voyage aurait pu être haut en couleur et riche en anecdotes (d’autant que Furneaux ramenait avec lui Omaï, le premier Polyné- sien à avoir fait le tour du monde, puisqu’il rentra chez lui en 1777, avec James Cook justement, lors de
Le voyage aurait pu être haut en couleur et riche en anecdotes (d’autant que Furneaux ramenait avec lui Omaï, le premier Polyné- sien à avoir fait le tour du monde, puisqu’il rentra chez lui en 1777, avec James Cook justement, lors de
son troisième et dernier voyage). Malheureusement, lors de son escaleauQueenCharlotteSound, Furneaux eut une initiative mal- heureuse, qui se solda par une effroyable tragédie.
Lui-même a raconté cet épisode sombre du voyage :
“Le 17 décembre, ayant réparé le navire, fait le plein d’eau, complété la provision de bois et tout apprêté pour prendre la mer, j’envoyai le grand cutter et son équipage, avec Monsieur Rowe, officier de poupe, pour ramasser des plantes comes- tibles, avec ordre d’être de retour le soir, car j’avais l’intention de mettre à la voile le lendemain matin. Mais le canot n’étant pas revenu le soir, ni le lendemain matin, je fus dans une grande inquiétude à son endroit, et je fis mettre la chaloupe à la mer et l’envoyai à sa recherche avec le second lieutenant, M. Burney, son équipage et dix soldats.
Les ordres que je donnais à M. Burney furent : d’abord de bien chercher dans la baie de l’est, et ensuite de continuer jusqu’à l’anse de l’Herbe, où M. Row avait été envoyé, et si là il n’apprenait rien de nouveau sur le cutter, de pousser plus loin dans le canal et de revenir en suivant la côte ouest. Comme M. Row avait quitté le navire une heure avant l’heure fixée, j’étais fortement convaincu qu’il avait été entraîné par sa curiosité dans la baie de l’est, où personne de notre navire n’était encore allé ; ou bien quelque accident était arrivé à son embarcation, soit par une négli- gence du garde chaloupe, il eût été entraîné à la dérive, soit qu’il se fût brisé sur les rochers.
C’était l’avis presque unanime, et dans cette supposition, j’envoyai le charpentier dans la chaloupe avec quelques feuilles de fer-blanc. Je n’avais pas le moindre soupçon que nos hommes aient pu être attaqués par les naturels, nos bateaux ayant souvent pénétré plus loin et moins bien armés. À quel point je me trom- pais, c’est ce qui ne m’apparut que trop vite, car Monsieur Burney en revenant le soir rapporta la scène vraiment horrible qui ne peut être mieux décrite que par ses propres paroles que voici :
“Le 18, nous quittâmes le navire avec unelégèrebrisefavorablegrâceà laquelle nous eûmes vite contourné Long Island et atteint Long Point. Sur ma route, j’inspectai toutes les anses à bâbord à mesure que nous avancions, en mettant toute mon attention à en faire le tour avec ma longue-vue, que j’avais emportée dans ce dessein.”
Lui-même a raconté cet épisode sombre du voyage :
“Le 17 décembre, ayant réparé le navire, fait le plein d’eau, complété la provision de bois et tout apprêté pour prendre la mer, j’envoyai le grand cutter et son équipage, avec Monsieur Rowe, officier de poupe, pour ramasser des plantes comes- tibles, avec ordre d’être de retour le soir, car j’avais l’intention de mettre à la voile le lendemain matin. Mais le canot n’étant pas revenu le soir, ni le lendemain matin, je fus dans une grande inquiétude à son endroit, et je fis mettre la chaloupe à la mer et l’envoyai à sa recherche avec le second lieutenant, M. Burney, son équipage et dix soldats.
Les ordres que je donnais à M. Burney furent : d’abord de bien chercher dans la baie de l’est, et ensuite de continuer jusqu’à l’anse de l’Herbe, où M. Row avait été envoyé, et si là il n’apprenait rien de nouveau sur le cutter, de pousser plus loin dans le canal et de revenir en suivant la côte ouest. Comme M. Row avait quitté le navire une heure avant l’heure fixée, j’étais fortement convaincu qu’il avait été entraîné par sa curiosité dans la baie de l’est, où personne de notre navire n’était encore allé ; ou bien quelque accident était arrivé à son embarcation, soit par une négli- gence du garde chaloupe, il eût été entraîné à la dérive, soit qu’il se fût brisé sur les rochers.
C’était l’avis presque unanime, et dans cette supposition, j’envoyai le charpentier dans la chaloupe avec quelques feuilles de fer-blanc. Je n’avais pas le moindre soupçon que nos hommes aient pu être attaqués par les naturels, nos bateaux ayant souvent pénétré plus loin et moins bien armés. À quel point je me trom- pais, c’est ce qui ne m’apparut que trop vite, car Monsieur Burney en revenant le soir rapporta la scène vraiment horrible qui ne peut être mieux décrite que par ses propres paroles que voici :
“Le 18, nous quittâmes le navire avec unelégèrebrisefavorablegrâceà laquelle nous eûmes vite contourné Long Island et atteint Long Point. Sur ma route, j’inspectai toutes les anses à bâbord à mesure que nous avancions, en mettant toute mon attention à en faire le tour avec ma longue-vue, que j’avais emportée dans ce dessein.”
“LES CHOSES NE TOURNENT PAS ROND”
“À une heure et demie, nous accos- tâmes à une plage du côté gauche en remontant la baie de l’est, pour faire cuire quelques vivres, n’ayant rien emporté d’autre que de la viande crue. Pendant qu’elle cuisait, je vis un sauvage sur la rive opposée, qui courait en suivant la grève vers le fond de la baie. Notre viande étant préparée, nous regagnâmes le bateau et nous y réembarquâmes ; et en peu de temps nous arrivâmes au bout de cette grève où nous vîmes un village de naturels.
“À une heure et demie, nous accos- tâmes à une plage du côté gauche en remontant la baie de l’est, pour faire cuire quelques vivres, n’ayant rien emporté d’autre que de la viande crue. Pendant qu’elle cuisait, je vis un sauvage sur la rive opposée, qui courait en suivant la grève vers le fond de la baie. Notre viande étant préparée, nous regagnâmes le bateau et nous y réembarquâmes ; et en peu de temps nous arrivâmes au bout de cette grève où nous vîmes un village de naturels.
Comme nous approchions, quelques- uns descendirent sur les rochers et nous firent signe de nous éloigner ; mais, voyant que nous n’en faisions rien, ils changèrent de ton.
Nous trouvâmes là six grandes embarcations tirées sur la grève, la plupart doubles, et un grand nombre de naturels, quoique pas autant qu’on eût pu s’y attendre d’après le nombre de maisons et la dimen- sion des embarcations. Laissant le bateau sous la garde de son équi- page, je montai sur le rivage avec les soldats de marine (le caporal et cinq hommes) et je fouillai un bon nombre de maisons, mais ne trouvai rien qui pût éveiller mes soupçons.” Burney voit bien que, tout autour de lui, les choses ne tournent pas rond. Il rencontre quelques Maoris, procède à de modestes échanges, et poursuit sa route. Il inspecte un autre village, où les Maoris sont aimables mais semblent crain- tifs. Et, en tout état de cause, tout à fait ignorants du sort du cutter recherché ; du moins est-ce ce qu’ils affirment. Décidément, tout est étrange, et l’ambiance est à l’évidencepesante.Burneypoursuit ses recherches, car il pressent qu’il est sur une piste.
Nous trouvâmes là six grandes embarcations tirées sur la grève, la plupart doubles, et un grand nombre de naturels, quoique pas autant qu’on eût pu s’y attendre d’après le nombre de maisons et la dimen- sion des embarcations. Laissant le bateau sous la garde de son équi- page, je montai sur le rivage avec les soldats de marine (le caporal et cinq hommes) et je fouillai un bon nombre de maisons, mais ne trouvai rien qui pût éveiller mes soupçons.” Burney voit bien que, tout autour de lui, les choses ne tournent pas rond. Il rencontre quelques Maoris, procède à de modestes échanges, et poursuit sa route. Il inspecte un autre village, où les Maoris sont aimables mais semblent crain- tifs. Et, en tout état de cause, tout à fait ignorants du sort du cutter recherché ; du moins est-ce ce qu’ils affirment. Décidément, tout est étrange, et l’ambiance est à l’évidencepesante.Burneypoursuit ses recherches, car il pressent qu’il est sur une piste.
Le Tahitien Omaï, que Furneaux avait ramené en Angleterre ; il est ici représenté en compagnie de sir Joseph Banks et de Daniel Solander par le peintre William Parry.
VINGT PANIERS DE VIANDE FRAÎCHE
“Une heure après avoir quitté cet endroit, nous vîmes sur une petite grève joignant l’anse de l’Herbe, une très grande pirogue double qu’on venait de haler, dans laquelle il y avait deux hommes et un chien. Ces hommes, en nous voyant, abandon- nèrent leur embarcation et s’enfui- rent dans les bois.
C’était un signe que nous trouverions enfin là des nouvelles du bateau. Nous allâmes à terre et en fouillant le canot des sauvages nous trouvâmes des débris du cutter et quelques souliers dont l’un fut reconnu pour appartenir à Monsieur Woodhouse, un de nos officiers de proue.
Un de mes hommes, au même moment, m’apporta un morceau de viande, qu’il avait pris pour un mor- ceau de la viande salée emportée par l’équipage du cutter. En l’examinant et en le flairant, je m’aperçus que c’était de la viande fraîche. Monsieur Fannin (le maître), qui était avec moi, supposa que c’était du chien, et je le crus aussi, car je doutais encore que nous eussions affaire à des canni- bales. Mais nous ne tardâmes pas à être convaincus par les preuves les plus irréfutables et les plus horribles. Il y avait là sur la grève un grand nombre de paniers (environ vingt), fermés et attachés, dont nous cou- pâmes les liens. Quelques-uns étaient pleins de chair rôtie, et d’autres de racines de fougères qui tiennent lieu de pain aux insulaires. En continuant nos recherches, nous trouvâmes d’autres souliers, et une
“Une heure après avoir quitté cet endroit, nous vîmes sur une petite grève joignant l’anse de l’Herbe, une très grande pirogue double qu’on venait de haler, dans laquelle il y avait deux hommes et un chien. Ces hommes, en nous voyant, abandon- nèrent leur embarcation et s’enfui- rent dans les bois.
C’était un signe que nous trouverions enfin là des nouvelles du bateau. Nous allâmes à terre et en fouillant le canot des sauvages nous trouvâmes des débris du cutter et quelques souliers dont l’un fut reconnu pour appartenir à Monsieur Woodhouse, un de nos officiers de proue.
Un de mes hommes, au même moment, m’apporta un morceau de viande, qu’il avait pris pour un mor- ceau de la viande salée emportée par l’équipage du cutter. En l’examinant et en le flairant, je m’aperçus que c’était de la viande fraîche. Monsieur Fannin (le maître), qui était avec moi, supposa que c’était du chien, et je le crus aussi, car je doutais encore que nous eussions affaire à des canni- bales. Mais nous ne tardâmes pas à être convaincus par les preuves les plus irréfutables et les plus horribles. Il y avait là sur la grève un grand nombre de paniers (environ vingt), fermés et attachés, dont nous cou- pâmes les liens. Quelques-uns étaient pleins de chair rôtie, et d’autres de racines de fougères qui tiennent lieu de pain aux insulaires. En continuant nos recherches, nous trouvâmes d’autres souliers, et une
main, que nous reconnûmes immé- diatementêtreunedecellesdeTho- mas Hill, un de nos hommes, car elle était marquée T.H. avec un instru- ment dont les Tahitiens se servent pour tatouer. J’allai avec les hommes un peu plus loin dans les bois mais je ne vis rien de plus.” Pour Burney, l’évidence est criante ; il est en face des hommes d’équipage qu’il recherche, ou du moins de ce qu’il en reste, des paniers de viande pas encore distribués, mais qui allaient l’être s’il n’était arrivé sur place. Il continue alors son exploration en bateau et débarque à nouveau un peu plus loin, après avoir aperçu des indigènes sur des hauteurs.
“Il y avait sur la grève deux bottes de céleris, qu’on avait récoltées pour les charger sur le cutter. Une rame rom- pue avait été plantée droit dans le sol, et les naturels y avaient attaché leurs embarcations, preuve que nous étions à l’endroit où l’attaque avait eu lieu. Je fis alors des recherches tout le long de la grève en arrière, pour voir si le cutter y était. Ce ne fut pas le bateau que nous rencontrâmes, mais un si saisissant spectacle de carnage et de barbarie qu’on ne pourra jamais y penser sans horreur ; car les têtes, les cœurs, les poumons de plusieurs de nos hommes gisaient sur la plage, et à une petite distance des chiens dévoraient leurs entrailles.”
“Il y avait sur la grève deux bottes de céleris, qu’on avait récoltées pour les charger sur le cutter. Une rame rom- pue avait été plantée droit dans le sol, et les naturels y avaient attaché leurs embarcations, preuve que nous étions à l’endroit où l’attaque avait eu lieu. Je fis alors des recherches tout le long de la grève en arrière, pour voir si le cutter y était. Ce ne fut pas le bateau que nous rencontrâmes, mais un si saisissant spectacle de carnage et de barbarie qu’on ne pourra jamais y penser sans horreur ; car les têtes, les cœurs, les poumons de plusieurs de nos hommes gisaient sur la plage, et à une petite distance des chiens dévoraient leurs entrailles.”
Pour de multiples raisons, dont des motifs cultuels, les Maoris pratiquaient des sacrifices humains et dévoraient les sacrifiés ; cette gravure représente la mise à mort d’une victime.
DEUX MAINS ET UNE TÊTE RAPPORTÉES À BORD
Tous les hommes avaient-ils été tués ? Burney eut un doute, car, poursuivant son périple, “en arrivant entre deux îles rondes situées au sud de la baie de l’Est, il nous sembla entendre un appel ; nous déposâmes nos rames pour écouter, mais nous n’entendîmes plus rien ; nous appelâmes plusieurs fois, mais en vain ; les pauvres malheureux n’étaient que trop éloignés de la portée des voix humaines ; et à la vérité il y a quelque consolation à se dire que, selon toute probabilité, chacun de ces hommes a dû être tué sur-le-champ”.
Tous les hommes avaient-ils été tués ? Burney eut un doute, car, poursuivant son périple, “en arrivant entre deux îles rondes situées au sud de la baie de l’Est, il nous sembla entendre un appel ; nous déposâmes nos rames pour écouter, mais nous n’entendîmes plus rien ; nous appelâmes plusieurs fois, mais en vain ; les pauvres malheureux n’étaient que trop éloignés de la portée des voix humaines ; et à la vérité il y a quelque consolation à se dire que, selon toute probabilité, chacun de ces hommes a dû être tué sur-le-champ”.
Et le rapport de citer le nom des dix victimes : “Monsieur Rowe, Mon- sieur Woodhouse, Francis Murphey, quartier-maître, William Facey, Tho- mas Hill, Michael Bell et Edward Jones, hommes du gaillard d’avant, John Cavenaugh et Thomas Milton, surveillants de l’arrière, et James Sevilley, valet du capitaine, soit dix en tout...
La plupart d’entre eux étaient des meilleurs parmi nos marins, et c’étaient les hommes les plus vigou- reux et les mieux portants que nous eussions sur le bâtiment. Les hommes de Monsieur Burney rap- portèrent à bord deux mains ; l’une était celle de Monsieur Rowe que l’on reconnut à un coup qu’elle avait reçu ; l’autre était celle de Thomas Hill, et la tête était celle du valet du capi- taine. Ces restes, avec d’autres qu’on y joignit, furent attachés dans un hamac et jetés à la mer avec du lest et un poids de boulets suffisant pour les faire tomber au fond. On ne retrouva rien de leurs armes ni de leurs vête- ments, sauf un pantalon, une blouse et six souliers dépareillés”.
Cook l’avait découvert avec une immense déception : les Maoris étaient cannibales. Furneaux en fit pour sa part une expérience bien plus directe et brutale.
On était bien loin de l’ambiance de Tahiti ou des îles des Amis (les Tonga)...
La plupart d’entre eux étaient des meilleurs parmi nos marins, et c’étaient les hommes les plus vigou- reux et les mieux portants que nous eussions sur le bâtiment. Les hommes de Monsieur Burney rap- portèrent à bord deux mains ; l’une était celle de Monsieur Rowe que l’on reconnut à un coup qu’elle avait reçu ; l’autre était celle de Thomas Hill, et la tête était celle du valet du capi- taine. Ces restes, avec d’autres qu’on y joignit, furent attachés dans un hamac et jetés à la mer avec du lest et un poids de boulets suffisant pour les faire tomber au fond. On ne retrouva rien de leurs armes ni de leurs vête- ments, sauf un pantalon, une blouse et six souliers dépareillés”.
Cook l’avait découvert avec une immense déception : les Maoris étaient cannibales. Furneaux en fit pour sa part une expérience bien plus directe et brutale.
On était bien loin de l’ambiance de Tahiti ou des îles des Amis (les Tonga)...
Furneaux, un marin de la trempe d’un Cook
Si l’on considère l’âge de la mort de Tobias Furneaux, quarante-six ans seulement et si l’on regarde son parcours dans la Royale britannique, on ne peut que regretter que le destin soit venu écourter une vie d’une rare intensité. Furneaux était né près de Plymouth, à Swilly exactement,le 21 août 1735.Le 19 septembre 1781, il rendait son dernier soupir à Londres, devenu invalide à cause de violentes crises de goutte qui entraînèrent, phase terminale de la maladie, une insuffisance rénale fatale. On ignore aujourd’hui encore avec précision les causes de la goutte, mais un terrain héréditaire et une mauvaise alimentation semblent favorables à l’évolution de cette affection qui avait conduit Furneaux à cesser toute activité dès 1780 tant l’arthrite goutteuse dont il souffrait lui rendait tout déplacement douloureux.
DÉCOUVREUR DE TAHITI AVEC SAMUEL WALLIS
E n q u e l q u e s a n n é e s , F u r n e a u x s ’é t a i t p o u r t a n t illustré et de quelle manière ! Il avait fait du chemin depuis son entrée à douze ou treize ans comme midship à bord de Marlborough. Wallis, en effet, en 1766, en avait fait son se- cond lieutenant à bord du HMS Dolphin, lors- qu’il fit son voyage de découverte de Tahiti dans le Pacifique ; une odyssée qui dura d’août 1766 à mai 1768, au terme de laquelle Fur- neaux ne reçut que des éloges pour son com- portement en toute circonstance.
On lui avait notamment reconnu des quali- tés très humaines vis-à-vis de l’équipage, ce qui n’était pas si fréquent à cette époque où des marins comme les capitaines Bligh ou Ed- wards s’illustraient sur les bateaux de Sa Ma- jesté par leur brutalité.
Tobias Furneaux avait donc à peine plus de trente ans lorsqu’il fit partie des premiers Eu- ropéens à avoir foulé le sol tahitien (on sait que la décision des Tahitiens d’attaquer le Dol- phin se solda par un bain de sang dont les An- glais sortirent aisément victorieux,défaite qui profita largement quelques mois plus tard à Bougainville ; ce dernier fut reçu par des Tahi- tiens on ne peu plus aimables, ayant bien re- tenu la leçon donnée par Wallis...).
DurantcevoyageduDolphin,ilestànoterque Furneaux assura souvent le commandement du navire, car Samuel Wallis, tout comme son premier lieutenant,William Clarke,furent par- fois malades en même temps.
En juin 1768,Tobias partit se reposer dans son village de Swilly avant de retrouver deux af- fectations en 1770 (la seconde à bord du HMS Torbay, à nouveau sous les ordres de Wallis). Compte-tenu de ses états de service, Fur- neaux fut promu commandant du HMS Ad- venture et invité à se joindre à l’expédition quelecapitaineCookentamaitdanslePaci- fique (son deuxième voyage, à bord du HMS Resolution). Cook et Furneaux quittèrent l’Angleterre le 13 juillet 1772 et s’engouffrèrent dans l’océan Indien, après le passage du cap de Bonne Espérance pour gagner les eaux gla- céesdel’Antarctique.
E n q u e l q u e s a n n é e s , F u r n e a u x s ’é t a i t p o u r t a n t illustré et de quelle manière ! Il avait fait du chemin depuis son entrée à douze ou treize ans comme midship à bord de Marlborough. Wallis, en effet, en 1766, en avait fait son se- cond lieutenant à bord du HMS Dolphin, lors- qu’il fit son voyage de découverte de Tahiti dans le Pacifique ; une odyssée qui dura d’août 1766 à mai 1768, au terme de laquelle Fur- neaux ne reçut que des éloges pour son com- portement en toute circonstance.
On lui avait notamment reconnu des quali- tés très humaines vis-à-vis de l’équipage, ce qui n’était pas si fréquent à cette époque où des marins comme les capitaines Bligh ou Ed- wards s’illustraient sur les bateaux de Sa Ma- jesté par leur brutalité.
Tobias Furneaux avait donc à peine plus de trente ans lorsqu’il fit partie des premiers Eu- ropéens à avoir foulé le sol tahitien (on sait que la décision des Tahitiens d’attaquer le Dol- phin se solda par un bain de sang dont les An- glais sortirent aisément victorieux,défaite qui profita largement quelques mois plus tard à Bougainville ; ce dernier fut reçu par des Tahi- tiens on ne peu plus aimables, ayant bien re- tenu la leçon donnée par Wallis...).
DurantcevoyageduDolphin,ilestànoterque Furneaux assura souvent le commandement du navire, car Samuel Wallis, tout comme son premier lieutenant,William Clarke,furent par- fois malades en même temps.
En juin 1768,Tobias partit se reposer dans son village de Swilly avant de retrouver deux af- fectations en 1770 (la seconde à bord du HMS Torbay, à nouveau sous les ordres de Wallis). Compte-tenu de ses états de service, Fur- neaux fut promu commandant du HMS Ad- venture et invité à se joindre à l’expédition quelecapitaineCookentamaitdanslePaci- fique (son deuxième voyage, à bord du HMS Resolution). Cook et Furneaux quittèrent l’Angleterre le 13 juillet 1772 et s’engouffrèrent dans l’océan Indien, après le passage du cap de Bonne Espérance pour gagner les eaux gla- céesdel’Antarctique.
C’est là que le 8 février 1773, les deux navires furent séparés à cause du brouillard, les deux capitaines ayant convenu de se rejoindre en Nouvelle-Zélande. Après une escale en Tas- manie, Furneaux retrouva effectivement Cook et c’est ensemble que les deux bâtiment par- vinrentàTahitietàHuahine,entreautres. Toujours en quête de l’introuvable continent austral, Cook et Furneaux se perdirent à nou- veau de vue en octobre 1773, à proximité de la Nouvelle-Zélande. Après une escale à To- lagaBay,FurneauxserenditàQueenCharlotte Sound que Cook venait de quitter quelques jours auparavant.
Deux tours du monde, un dans chaque sens
Un timbre de Niue rend hommage à ce second voyage de Cook.
Après l’atroce massacre de dix de ses hommes d’équipage, Furneaux cessa sa recherche de James Cook et rentra direc- tement en Angleterre. Dans les cinquantièmes tonnants, l’Adventure traça sa route jusqu’au cap Horn, se lais- sant ensuite porter jusqu’à la ville du Cap, en Afrique du Sud.L’Adventure fut ainsi sans doute le tout premier navire à effectuer un tour du monde d’ouest en est et Furneaux lui- même fut le premier marin à avoir fait le tour du monde deuxfoisdanslesdeuxsens ; est-ouest avec Wallis, ouest- est avec Cook.
L’Adventure arriva au port de Spinhead le 12 juillet 1774, un an avant le retour de Cook. Furneaux, avec ces deux cir- cumnavigations, avait dé- montré qu’il était un marin d’exception même s’il n’avait pas eu beaucoup de chance, notamment en termes de découvertes.
En 1775, il fut promu capi- taine de la HMS Syren, une grosse frégate engagée dans la guerre d’indépendance des Etats-Unis. Mais le 6 no- vembre 1777, la Syren fut coulée et son équipage,capi- taine compris,fait prisonnier. Libéré début 1778,Furneaux rejoignit brièvement le HMS Isis en tant que volontaire, mais son état de santé ne fai- sant que s’aggraver, il ne fit pas de vieux os sur ce der- nier navire et retourna, céli- bataire, malade, presque im- potent à Swilly où il décéda à quarante-six ans en sep- tembre 1781. La marine bri- tannique venait de perdre un de ses plus prometteurs ca- pitaines que la goutte neu- tralisa et emporta plus sûre- ment qu’une fortune de mer, une rencontre avec des can- nibales ou un combat naval...
L’Adventure arriva au port de Spinhead le 12 juillet 1774, un an avant le retour de Cook. Furneaux, avec ces deux cir- cumnavigations, avait dé- montré qu’il était un marin d’exception même s’il n’avait pas eu beaucoup de chance, notamment en termes de découvertes.
En 1775, il fut promu capi- taine de la HMS Syren, une grosse frégate engagée dans la guerre d’indépendance des Etats-Unis. Mais le 6 no- vembre 1777, la Syren fut coulée et son équipage,capi- taine compris,fait prisonnier. Libéré début 1778,Furneaux rejoignit brièvement le HMS Isis en tant que volontaire, mais son état de santé ne fai- sant que s’aggraver, il ne fit pas de vieux os sur ce der- nier navire et retourna, céli- bataire, malade, presque im- potent à Swilly où il décéda à quarante-six ans en sep- tembre 1781. La marine bri- tannique venait de perdre un de ses plus prometteurs ca- pitaines que la goutte neu- tralisa et emporta plus sûre- ment qu’une fortune de mer, une rencontre avec des can- nibales ou un combat naval...