Toa Vivish : “La filière est en danger”


Toa Vivish a commencé à démonter ses cages cette semaine (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 6 juin 2024 – La crevette bleue perd un aquaculteur. Toa Vivish a annoncé qu’il fermait son entreprise et démontait ses cages implantées dans le lagon de Toahotu depuis onze ans. Outre la météo et les vols, il déplore un manque de soutien politique, tandis que l’écloserie fait à nouveau face à des difficultés.
 
Il s’était lancé avec passion dans le métier, il y a onze ans. Mercredi, Toa Vivish a annoncé qu’il fermait définitivement son entreprise, Mitirapa Blue Pearl Shrimp, basée à Toahotu. Un déchirement pour le gérant de 33 ans et sa compagne, Poerani Durand, responsable commerciale. La société avait atteint le seuil de rentabilité, et même battu un record de rendement de 17 kg au m2 en 2017, pour une récolte totale de 1,350 tonne.
 
Cette décision a été mûrement réfléchie, au terme de “trois années difficiles”. Après un emprunt pour s’agrandir, les pertes se sont accumulées entre l’épisode de forte houle de 2022, des problèmes de production en interne et de fourniture de post-larves à l’écloserie en 2023 et, coup de grâce, un vol et des dégradations à la veille de Noël. “On s’est battu jusqu’au bout. On ne tenait plus financièrement”, confie le couple, qui a d’ailleurs lancé une cagnotte en ligne.

Une faillite et des failles


Si Toa Vivish a choisi de prendre la parole, ce n’est pas pour se plaindre, mais pour laisser un héritage en faveur de la filière et de la sécurité alimentaire, en pointant certains dysfonctionnements. “La filière est en danger. Dépendre d’une seule écloserie, c’est un vrai problème. On n’est pas non plus libre de choisir notre site d’exploitation”, regrette l’ex-éleveur, qui dit avoir frappé à toutes les portes, en vain. “On m’a refusé ma demande d’exonération de concession maritime pour 2023. La seule condition pour l’obtenir, c’était de mettre la clé sous la porte. Savoir que le Pays est derrière nous, psychologiquement, c’est important ! On n’a pas non plus été aidé sur le coût des post-larves après la crise de production. Pour remplir mes 18 cages, c’est près de 500 000 francs.”
 
Tandis qu’il démantèle sa ferme, Toa Vivish récolte un raz-de marée de soutiens sur les réseaux sociaux. “Ça fait chaud au cœur ! On remercie la population et tous ceux qui nous ont aidés jusqu’au bout.” Le jeune homme reste positif au vu de l’expérience acquise. Il a prévu de travailler dans l’entreprise familiale de location saisonnière. L’envie d’entreprendre est toujours présente, mais plus dans l’aquaculture.
 

Nouvelles difficultés à l’écloserie

Toa Vivish met aussi en avant de nouveaux problèmes de production à l’écloserie, confirmés par Teva Siu à Teahupo’o. “En avril, on n’a reçu que le tiers de notre commande, soit 20 tonnes de moins, c’est énorme ! Si on a encore des soucis au cycle de juillet, on sera au fond du trou… Ce n’est qu’une question de temps si le Pays nous ne nous aide pas ! La solution, ce serait de baisser le prix des post-larves”, remarque le PDG d’Aquapac, qui a aussi enregistré des pertes en bassin, liées, selon lui, aux travaux de dragage de la nouvelle passerelle du PK 0. Interrogé au sujet des post-larves, le référent de l’écloserie, Benoît Le Maréchal, a indiqué que le réseau de canalisations, colonisé par divers organismes marins, avait été nettoyé. Une attention particulière sera portée sur la prochaine production, qui sera lancée ce mois-ci.

Rédigé par Anne-Charlotte Lehartel le Jeudi 6 Juin 2024 à 15:35 | Lu 5360 fois