Tiphanie et Xavier, les Infirmiers du bout du monde


PAPEETE, le 14 août 2017 - A Rapa depuis un an et demi, Tiphanie Tedesco et Xavier Daubresse exercent le métier d'infirmier. Ils sont seuls à gérer une population de plus de 500 habitants. Ce jeune couple a trouvé sa vocation sur l'île du bout du monde.

515 habitants, 40 kilomètres carrés de surfaces. Tiphanie Tedesco 27 ans et Xavier Daubresse 31 ans sont les seuls infirmiers de Rapa. Cela fait 1 an et demi que le jeune couple est arrivé sur l'île du bout du monde avec leur chat, taravana, et trois poussins.

Mais qu'est-ce qui a amené ce couple dans la fleur de l'âge à accepter un poste isolé à Rapa iti, l'île la plus au sud ? "On est tombé sur cette opportunité en postulant dans les dispensaires. Quand on m'a parlé de Rapa, ça a été un coup de coeur. J'ai dit oui tout de suite." Explique Tiphanie. Xavier était plus attiré par l'authenticité. "Je voulais voir autre chose que Tahiti découvrir la culture polynésienne authentique, celle qu'on ne voit plus à Tahiti et que l'on retrouve dans les îles éloignées. Pour le terrain, je trouvais stimulant de gérer plein de choses en même temps. Pour l'instant je ne suis pas déçu. Si c'était à refaire, je le referais sans hésiter." Avant cela, le couple a fait de l'humanitaire au Togo et traversé l'Inde en sac à dos.

Leur quotidien est loin d'être évident. "Infirmier à Rapa, c'est quelque chose d'unique" résume Xavier. Pour Tiphanie, "c'est avoir la chance d'exercer notre métier d'infirmiers tout en portant d'innombrables autres casquettes dans un cadre polynésien comme on en voit peu ailleurs. Dans la pratique nous sommes la première ligne sanitaire pour la population que ce soit dans le domaine curatif, préventif ou d'urgence.

"Deux largages de médicaments"

Ils sont seuls sur une île. Pour que ça roule, tout doit être minutieusement organisé et régulé. "Nous sommes obligés d'anticiper car Il arrive qu'il nous manque des stocks." Explique Xavier D., Tiphanie T. détaille "comme nous sommes isolés, les épidémies arrivent en décalage et très en retard. Quand des bateaux débarquent, c'est là que tout le monde tombe malade. Nous avons souvent des demandes qui viennent d'un coup et nos stocks diminuent drastiquement." D'ailleurs cette année, ils ont dû demander deux largages de médicaments par avion. La direction de la santé a profité des élections pour réapprovisionner la pharmacie de Rapa qui était à court d'antibiotiques du fait d'une urgence.

Au quotidien, ce que le couple craint le plus ce sont les urgences. "Au début c'était vraiment ce que je redoutais le plus. Maintenant que j'y ai été confronté, je sais que c'est gérable" Raconte Xavier. D. En cas de problème, les deux infirmiers ont pour rôle de stabiliser le patient en attendant l'hélicoptère ou le bateau pour l'évacuation sanitaire.
"On ne prend pas de risque avec les patients, donc dès qu'on évalue que la situation devient importante, on contacte soit le médecin référent à Tubuai soit le médecin du SAMU. Là, il nous réoriente vers des diagnostics médicaux et ils décident de l'héliporté ou pas.

Une formation pour exercer dans les îles

Le jeune couple doit se répartir les tours de garde. Les permanences fonctionnent sur des astreintes de 7 jours 24heures sur 24, pendant que l'autre travaille trois jours. Les rotations se font à tour de rôle. " On est dans une situation particulière parce qu'on est en couple. Lorsqu'il y en a un qui est appelé, l'autre est forcément dérangé, mais on a quand même bien établi notre planning. Quand c'est Xavier qui est d'astreinte c'est lui qui prend, quand c'est moi, c'est moi. On fait appel l'un à l'autre lorsqu'une situation n'est pas gérable seul".

Pour leur apprendre à gérer l'isolement et les conditions de travail sur place, La direction de la santé leur a fait suivre une formation pendant un mois et demi. Après un séjour au dispensaire de Moorea, ils ont fini leur formation à Tubuai. Comme l'explique Tiphanie" Tu deviens infirmier sur les îles dans la durée. Quand tu es lancé directement comme ça c'est assez dur à gérer et tu ne peux pas être prêt direct à 100% Ce n'est qu'au bout de un an que tu commences à être vraiment à l'aise " lâche Xavier pensif.

Sur le terrain, le couple a découvert qu'il était complémentaire. Si Xavier D. préfère les urgences, Tiphanie s'épanouit plus dans la santé publique et la prévention. Les deux soignants ont mis en place plusieurs programmes de lutte contre l'obésité, le diabète et l'hypertension suivant l'intérêt de la population et passant par les acteurs locaux la commune, les écoles et les religieux. " Nous avons ciblé les choses qui intéressent la population. Nous avons remarqué que tout ce qui tourne autour de l'alimentation et le sport les intéresse particulièrement. Ce sont des programmes qui nécessitent un certain temps pour donner leurs fruits. Nous voulons voir le résultat de ce travail" assure Xavier D.


Un temps d'adaptation

Si, aujourd'hui, les deux bourlingueurs sont intégrés à la communauté de l'île la plus au Sud, cette intégration n'allait pas de soi. " On ne peut pas arriver dans une ile comme ça et dire que tu vas tout changer du jour au lendemain. Il y a un temps d'adaptation. C'est le temps nécessaire pour que la population t'accepte et où tu gagnes son respect. Ils te testent autant sur le côté prévention que sur l'urgence. Une fois qu'ils t'ont accepté et respecté en tant qu'infirmiers, là tu peux commencer à mettre en place des programmes adaptés à la population et qu'ils suivront. "

Le couple s'est tellement plu à Rapa iti qu'ils ont passé le concours de la direction de la Santé pour pouvoir rester plus longtemps en poste sur l'ile. Ils ont aussi décidé d'élever leur premier enfant là-bas." C'est une grande famille avec de belles valeurs communes. C'est le cadre idéal" explique Tiphanie rayonnante, Xavier ajoute "Rapa c'est magique. On adore notre travail, la communauté et la vie là-bas… on est parti pour y rester un petit moment".


Rédigé par Marie Caroline Carrère le Lundi 14 Aout 2017 à 08:42 | Lu 31920 fois