Thomas Moutame : "L'autosuffisance alimentaire est primordiale"


Tahiti, le 13 juin 2021 - Le tāvana de Taputapuatea et élu à l’APF, Thomas Moutame est le nouveau président de la Chambre d’agriculture et de pêche lagonaire pour les cinq années à venir.

La liste du maire de Taputapuatea et représentant Tapura à l'assemblée a largement remporté vendredi les élections pour le renouvellement du bureau de la Chambre d'agriculture et de pêche lagunaire. Il succédera dans les prochains à la présidente sortante, Yvette Temauri, en poste depuis 2014.
 
Les 19 membres de la liste de Thomas Moutame, élus eux aussi pour un mandat de cinq ans, composeront le nouveau bureau de la CAPL. Ces représentants des intérêts des agriculteurs et des pêcheurs lagonaires auprès des pouvoirs publics seront répartis en quatre collèges : sept élus pour les professionnels agricoles (les grandes exploitations), sept élus pour les exploitants agricoles (les petites exploitations), deux élus pour les pêcheurs lagonaires et trois pour le collège des groupements. Tahiti Infos a rencontré Thomas Moutame pour évoquer sa victoire et sa feuille de route pour les cinq années à venir.  Interview.
 
C’est une surprise pour vous cette large victoire ?
“Tout d’abord, je voudrais féliciter et remercier les deux autres équipes en lice, l’ancienne présidente de la CAPL mama Yvette ainsi qu’Abel Iorss. Je respecte leurs résultats. Ce n’est pas parce que je suis élu aujourd’hui que nous allons arrêter de discuter. J’ai vu leurs programmes, et il y a des choses intéressantes sur lesquelles on peut travailler ensemble. Il faut rassembler nos forces au lieu de se diviser pour l’intérêt de nos agriculteurs. J’ai sillonné les archipels et j’ai pu voir les besoins de nos agriculteurs à travers leur développement. Nous aurons des réunions partagées avec eux. Ce sont des professionnels et sans eux on aurait encore davantage de produits importés.” 
 
Il y a encore trop de produits importés selon vous ? 
“Sur les légumes, je pense que l’on peut produire nous-mêmes de janvier à décembre. Peut-être qu’il faut améliorer la production et trouver des solutions pour diminuer ces produits chimiques. Comme je disais précédemment, nous avons un port de pêche qui produit plus de 1 000 tonnes de déchets de poissons et nous avons plus de 350 tonnes de fientes de poules pondeuses par semaine dans les élevages. Est-ce qu’on ne peut pas transformer ces déchets de poissons et de fientes de poules en granulés au lieu de faire venir de l’extérieur. Je proposerai ces idées au niveau du gouvernement et du ministère pour que l’on puisse travailler en partenariat. 
 Mais je ne pourrai pas réussir ces projets sans l’aide précieuse des tāvana et des communes. Je prends l’exemple des Tuamotu. Si j’arrive et que je transmets mon savoir-faire en matière d’agriculture pour repartir sur Tahiti juste après, qui va suivre l’évolution et le développement des agriculteurs des archipels éloignés ? Alors j’ai demandé aux communes de nommer un référent sensible à l’agriculture qui sera formé et qui continuera à accompagner les porteurs de projets. Je pense que c’est le plus important. Dans notre programme, cette production d’autosuffisance alimentaire est primordiale. L’année dernière, nous avons eu le Covid. Tout le monde s’est retrouvé bloqué et est retourné dans son jardin. Et si demain il n'y a plus de bateaux pendant deux-trois mois ? Est-ce qu’il faut continuer pour les îles à dépendre de Tahiti ? Je pense que le moment est venu de nous préparer avant d’arriver à ce genre de situation problématique.” 
 
Qu’est ce qui a fait la différence dans le choix des électeurs ? 
“Je suis resté plusieurs semaines dans les îles et j'ai apporté un programme. Je pense que les agriculteurs ont bien capté mon message. Ils me connaissent et voient ce que je fais en tant que maire de Taputapuatea et ce que nous développons dans cette commune. Le programme que je leur propose, c’est le programme que je mets en place actuellement dans ma commune. Avec ce programme, je parle en connaissance de cause, voilà la différence. Il y a deux catégories d’agriculteurs : les professionnels et les petits agriculteurs. Je soutiens les professionnels, ils sont notre moteur. Mais nous sommes surtout là pour les petits entrepreneurs. Il faut les aider et les accompagner. Idem du côté de la pêche. Pour les pêcheurs lagonaires, nous avons un programme et nous allons faire des parcs à poissons pilotes à Raiatea et Tahiti pour des élevages. Avant de lancer un projet, il faut le préparer pour inviter les pêcheurs à le voir. Nous les Polynésiens, on préfère voir d’abord avant de démarrer un projet.” 
 
Comment cela va se passer au niveau des indemnités que vous allez recevoir avec la CAPL, en plus des indemnités de tāvana et d’élu ? 
“J’ai entendu dire ‘il est tāvana, représentant à l’assemblée, vice-président au SPC et maintenant il prend la présidence de la CAPL pour récupérer encore des indemnités‘. Je peux vous confirmer que je vais occuper ce poste sans toucher d’argent. Je ne demande pas l’indemnité de président de la CAPL. Par contre, je vais proposer au niveau du conseil d’administration, d’ouvrir des postes de vice-président aux îles Sous-le-Vent, aux Marquises, aux Tuamotu et aux Australes. J’ai mes indemnités de tāvana et d’élu, ça me suffit. Je vais demander à ce que les indemnités soient partagées pour faire profiter tous les archipels. Je ne serai pas obligé de me déplacer à chaque fois. Ils auront un référent. Cela va permettre d’économiser nos dépenses. C’est ma vision, il faut partager les fonctions.” 
 
Quelle est votre priorité pour le début de votre mandat ? 
“Ma priorité, c’est de tracer une feuille de route pour que tout le monde sache exactement où l’on va. Ensuite, je veux rencontrer le ministre de l’Agriculture et le président du gouvernement. Nous avons voté le schéma directeur à l’unanimité à l’APF. Tout est tracé dedans. On ne va pas encore aller inventer d’autres idées. Notre mission, c’est de choisir qu’elles sont nos priorités. Il y a des projets à moyen terme et à long terme. Il faut modifier le statut de la Chambre d’agriculture pour qu’elle soit autonome à travers une taxe reversée à la CAPL. Dans notre projet de schéma directeur, il est bien stipulé que nous souhaitons une autonomie. Si on dépend d’un budget, d’une subvention, alors on ne peut rien programmer ou prévoir.”  

Rédigé par Etienne Dorin le Dimanche 13 Juin 2021 à 19:55 | Lu 2312 fois