"The Polynesian Kingdom of Atooi" condamné après avoir revendiqué l’eau céleste de Bora


Tahiti, le 4 août 2020 - Trois membres du gouvernement autoproclamé "The Polynesian Kingdom of Atooi" ont été condamnés mardi par le tribunal correctionnel de Papeete à des peines comprises entre trois et six mois de prison avec sursis. Il leur était notamment reproché d’avoir menacé des agents de la Polynésienne des Eaux alors que ces derniers procédaient à des coupures d’eau à Bora Bora.
 
A qui appartient donc l’eau distribuée aux habitants de Bora Bora ? Au "père céleste" selon les trois membres du gouvernement autoproclamé "The Polynesian Kingdom of Atooi" qui étaient jugés mardi devant le tribunal correctionnel pour répondre d’outrages, d’actes d’intimidation envers un chargé de mission de service public et, pour l’un des trois prévenus, de violence avec usage ou menace d’une arme.
 
Le 10 février dernier à Bora Bora, une quinzaine de membres du "Polynesian Kingdom of Atooi" s’étaient rendus au domicile d’une famille où les agents de la Poynésienne des Eaux étaient en train de procéder à une coupure d’eau en raison de factures impayées. Si l’eau avait déjà été coupée, les agents de la Polynésienne des Eaux avaient eu le plus grand mal à quitter les lieux. "Menacés" et " "intimidés" par les membres du royaume autoproclamé, ils avaient dû laisser leur véhicule sur place. Dix jours après, rebelote. Mais, cette fois, les membres du "Polynesian Kingdom of Atooi" étaient arrivés avant que l’eau ne soit coupée. L’un des trois prévenus poursuivis mardi les avait notamment menacés avec une barre à mine. Barre à mine, selon ses dires, en réalité destinée à briser la canalisation. Interpellés quelques jours plus tard, l’" ambassadrice du mouvement", considérée comme l’instigatrice de ces actes, ainsi que deux "agents fédéraux du mouvement", avaient été déférés devant le parquet afin que les choses ne "dégénèrent" pas à Bora Bora.

« Tifaifai de lois »

Alors que les trois mis en cause devaient être jugés mardi par le tribunal correctionnel de Papeete, seule l’"ambassadrice" du "Polynesian Kingdom of Atooi" s’est présentée à la barre, sans avocat. Rappelant que l’eau était une "nécessité première", elle a affirmé que celle qui était distribuée à Bora Bora était une eau "empoisonnée" et "osmosée". Elle a également expliqué au tribunal que les terrains sur lesquels étaient installées les infrastructures destinées à traiter l’eau sur l’île leur appartenaient. Des revendications foncières qui ont fait réagir le procureur de la République, qui s’est ouvertement interrogé sur la personne à qui appartenait cette eau. Ce à quoi la prévenue lui a répondu qu’elle était une propriété du "père céleste". Alors qu’elle invoquait un article du code pénal, le représentant du ministère public s’est agacé de ce "tifaifai de lois" : "Vous ne pouvez pas prendre juste une loi du code pénal en disant que les autres lois ne s’appliquent pas à vous !". 
 
Une certaine mauvaise foi également relevée par le conseil des agents de la Polynésienne des Eaux, Me Robin Quinquis, qui y a vu une forme d’"imposture". "Nous n’avons aucun mépris vis-à-vis des revendications de ce mouvement qui peuvent être respectables. Ce qui ne l’est pas, c’est cette forme d’imposture qui consiste à venir invoquer une autorité supérieure pour forcer des gens à faire des choses illégales." Lors de sa plaidoirie, l’avocat s’est dit "dérangé" par le fait que des habitants de Bora  Bora, qui ne "connaissent pas grand-chose" au "Polynésien Kingdom of Atooi", puissent y adhérer en pensant qu’ils ne paieraient ainsi pas leurs factures d’eau. 

« Amalgames et confusions »

Un constat repris par le procureur de la République, qui a requis six à huit mois de prison avec sursis à l’encontre des trois prévenus. "Là où il y a un "bug", c’est que des gens puissent penser qu’en adhérant au mouvement, ils seront dispensés de payer l’eau. On s’appuie sur des considérations culturelles, sociologiques et de langage en faisant des amalgames et des confusions de toutes sortes."
 
Appelée à s’exprimer avant que le tribunal ne se retire pour délibérer, l’ambassadrice du " Polynesian Kingdom of Atooi" a demandé la relaxe, en enjoignant le tribunal à considérer que le royaume autoproclamé, "reconnu par l’ONU (Organisation des Nations-unies, ndlr) en tant qu’autorité souveraine", était légitime. Les trois prévenus ont finalement été condamnés à des peines comprises entre trois et six mois de prison avec sursis.

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 4 Aout 2020 à 12:04 | Lu 4423 fois