Thaïlande: nouvelle bataille pour le progressiste Pita, bloqué aux portes du pouvoir


Lillian SUWANRUMPHA / AFP
Bangkok, Thaïlande | AFP | mardi 18/07/2023 - Vainqueur des législatives en Thaïlande, le progressiste Pita Limjaroenrat soumet à nouveau sa candidature pour devenir Premier ministre, mercredi, une deuxième tentative compromise par l'opposition des sénateurs fidèles à l'armée et ses ennuis judiciaires.

La deuxième économie d'Asie du Sud-Est, prise dans l'engrenage de crises politiques à répétition depuis plus de vingt ans, traverse une énième période de tensions, entre les généraux au pouvoir et des jeunes générations avides de changement.

Plébiscité pour son programme de rupture, sous la bannière du parti Move Forward, Pita Limjaroenrat incarne à 42 ans le renouveau souhaité par les Thaïlandais, après une quasi-décennie de domination par les militaires.

Mais le champion de l'alternance, soutenu par une coalition majoritaire à l'Assemblée nationale, se heurte aux sénateurs nommés par l'armée qui lui reprochent un programme jugé trop radical vis-à-vis de la monarchie. 

Ce contexte laisse craindre de nouvelles protestations d'ampleur, comme celles de 2020 pour réclamer plus de démocratie, dans un royaume à l'histoire politique émaillée d'une douzaine de coups d'Etat réussis depuis 1932.

Rejeté une première fois par le Parlement jeudi, Pita a besoin du ralliement d'une cinquantaine de sénateurs supplémentaires (sur 250) pour obtenir la majorité requise. Seuls treize d'entre eux l'ont approuvé au premier vote.

Ses chances de convaincre suffisamment de membres de la Chambre haute sont minimes, selon des analystes interrogés par l'AFP.

Certains sénateurs, échaudés par son projet de réformer la loi sur la lèse-majesté, pensent même que Pita ne devrait pas être autorisé à se présenter, en raison de son premier échec. 

Ce point sera débattu avant le vote, lors de la session qui ouvrira à 09h30 (02h30 GMT), a précisé mardi le président de l'Assemblée nationale, Wan Muhamad Noor Matha. 

Lèse-majesté en question

Pour le moment, le député Move Forward, coqueluche des nouvelles générations, est le seul candidat déclaré pour devenir Premier ministre.

"On discute toujours pour trouver plus de soutiens" pour le vote, a-t-il assuré lundi.

En cas de deuxième défaite, il a promis samedi qu'il se retirerait au profit du parti Pheu Thai, deuxième force dans l'hémicycle et membre de la coalition pro-démocratie.

L'homme d'affaires Srettha Thavisin (60 ans), au profil plus consensuel, est le mieux placé pour prendre la suite, mais la présence de Move Forward parmi ses soutiens pourrait dissuader les sénateurs.

Un autre scénario évoqué promeut l'ex-général putschiste Prawit Wongsuwan (77 ans), cadre du gouvernement sortant, mais ses piètres résultats électoraux ne lui confèrent qu'une légitimité limitée pour former un gouvernement.

Aux incertitudes politiques s'ajoutent des affaires judiciaires, qui laissent planer au-dessus de Pita la menace d'une disqualification comme une épée de Damoclès.

La Commission électorale a préconisé la semaine dernière que le député soit suspendu pour des actions qu'il possédait durant la campagne dans une chaîne de télévision, en contradiction avec la loi thaïlandaise.

L'intéressé s'est défendu de toute manoeuvre illégale et a pointé du doigt une procédure précipitée à caractère politique.

La Cour constitutionnelle doit se pencher sur ce dossier mercredi, selon les médias thaïlandais.

Dans une autre affaire devant la Cour constitutionnelle, Pita et Move Forward sont accusés de vouloir renverser la monarchie. 

Leur projet de réformer la loi controversée sur la lèse-majesté, l'une des plus sévères au monde de ce type, a provoqué de vives réactions du camp conservateur, qui les accuse de saper les valeurs traditionnelles du royaume.

"retour de bâton"

La Thaïlande, où subsistent de fortes inégalités, affiche l'un des taux de croissance les plus faibles d'Asie du Sud-Est, qui appelle à des réformes structurelles d'ampleur.

Les milieux économiques s'inquiètent en cas d'instabilité prolongée, qui pourrait impacter le secteur vital du tourisme. 

Des centaines de supporters de Move Forward ont manifesté dimanche dans la capitale Bangkok pour réclamer un gouvernement légitime. 

Si le parti perd à nouveau au Parlement, "il y aura un retour de bâton, c'est certain. Il y a déjà quelques manifestations, les soutiens de Move Forward se sentent floués, volés", estime l'analyste politique Thitinan Pongsudhirak.

Les Etats-unis, alliés du royaume, gardent également un oeil sur la situation.

"Nous pensons que c'est une opportunité pour la Thaïlande de démontrer son engagement pour la démocratie", a déclaré lundi le porte-parole du département d'Etat, Matthew Miller.

le Mardi 18 Juillet 2023 à 12:33 | Lu 480 fois