Tevaitoa : le Pays renvoyé à ses études


Tahiti, le 14 janvier 2020 - La Polynésie française pourrait obtenir 599 600 Fcfp en réparation de “l’incomplétude” de l’étude d’impact sur l’environnement conduite par la société CAPSE-PF courant 2017 sur le site du projet de marina de Tevaitoa. Près de 50,4 millions de Fcfp étaient demandés. Une décision du tribunal administratif est attendue le 28 janvier prochain.
 
Les travaux d’aménagement de la marina de Tevaitoa sont arrêtés sine die depuis décembre 2018. Ce n’est plus guère que dans les prétoires aujourd’hui qu’est évoqué ce vaste projet un temps envisagé au chef-lieu de la commune de Tumaraa, sur la côte Ouest de Raiatea. Ce complexe de près d’un milliard de Fcfp supposait un remblai de 50 000 m3, le creusement par dragage d’un bassin de 90 000 m3 sur un platier corallien et la construction de deux digues de protection en béton, de 350 mètres et de 115 mètres, pour protéger une rade de 100 000 m2 propre à accueillir au mouillage jusqu’à 100 voiliers de 15 mètres et plus.

Un arrêté d’août 2018 déclarant d’utilité publique ce projet a été annulé par le tribunal administratif le 26 mars 2019. Blanc-seing administratif pour les travaux d’aménagement, cette décision gouvernementale avait été vidée de tout fondement réglementaire après la mise à jour des conséquences délétères que laissaient craindre ce projet pour l’environnement. Lors d’une étude complémentaire faite à la demande du Pays en décembre 2018, une flore corallienne servant de nurserie à plusieurs espèces de poissons, bénitiers, crabes, squilles, oursins, etc, avait été mis en évidence sur place. Et surtout l’existence d’une variété de moules géantes protégée par le code de l’environnement : le o’ota.
 
“Pas d’intérêt particulier”
 
L’arrêté avait été conçu sur la foi d’un rapport d’étude d’impact sur l’environnement réalisé par la succursale polynésienne de la société Capital sécurité environnement (CAPSE-PF), remis en juillet 2017 à la Direction de l’équipement. Ses conclusions : “La zone du lagon devant accueillir le projet ne présente pas d’intérêt particulier.” L’étude y constatait la présence d’une “faune corallienne pauvre à l’exception de quelques espèces très peu diversifiées”, et “peu d’espèces de poissons” sur un site lagonaire déjà fortement impacté par la “turbidité” de son eau.

L’heure est aujourd’hui au règlement de comptes. Le Pays se tourne vers ce prestataire pour dénoncer le caractère erroné de son étude d’impact et demande le versement de 50,4 millions de Fcfp en guise de réparation. L’affaire était audiencée hier au tribunal administratif.

“Il résulte de l’instruction que la société CAPSE s’est bornée à une mise à l’eau de recherche d’espèces protégées jusqu’à deux mètres du bord", constate le rapporteur public du tribunal administratif, en estimant qu’elle avait manqué à son obligation contractuelle de moyen, au regard de l’ampleur du projet.
 
Nouveau litige avec Boyer

En revanche, le magistrat estime que les honoraires perçus par CAPSE-PF pour la réalisation de cette “étude d’impact” ne sauraient être regardés comme un préjudice, “dès lors que la prestation a été réalisée”.

Prévoyant certainement ce revers dans sa demande de dédommagement, la Polynésie française intègre une pénalité de 49,3 millions de Fcfp due à la société Boyer au titre des frais d’immobilisation des machines et du matériel de chantier, sur place durant 66 jours en septembre et octobre 2018. En juin 2019, le Pays s’est engagé par avenant à verser cette somme au prestataire chargé de réaliser les terrassements de la marina de Tevaitoa.  

Or, pour le rapporteur public du tribunal administratif, ces dépens ne peuvent être liés au litige entre l’administration et la société CAPSE-PF. Le chantier avait été empêché à l’époque suite à l’intervention d’associations de riverains opposés au projet. Il propose au tribunal de condamner la société d’études à une somme correspondant au coût de l’étude complémentaire diligentée en décembre 2018 par le cabinet Fenua Environnement sur demande du Pays, soit 399 600 Fcfp majorée des 200 000 Fcfp de frais irrépétibles que la Polynésie française avait dû verser en mars 2019 à l’association A Paruru ia Tevaitoa après annulation de l’arrêté d’utilité publique.
L’affaire est mise en délibéré en attendant une décision sous quinzaine.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 14 Janvier 2020 à 15:54 | Lu 2727 fois