Tetiaroa dévoile ses secrets grâce aux archéologues


Le Dr Guillaume Molle cartographie une ciste sur un marae Horoatera. Aymeric Hermann, archéologue à l'UPF, Moanatea Claret, un étudiant en Master de l'UPF travaillent également à ses côtés. Mark Eddowes, archéologue et consultant-expert pour Tetiaroa Society, apporte également sa collaboration.
PAPEETE, le 25 mars 2015. Une équipe du Centre International pour la Recherche archéologique en Polynésie effectue des fouilles sur Tetiaroa. L'histoire ancienne de l'atoll est encore méconnue. Les archéologues ont déjà recensé une centaine de structures. Ce sont « essentiellement des vestiges d'habitation matérialisés par des alignements de blocs de corail, des maite ou fosses de culture pour les taros et autres plantes alimentaires », explique Guillaume Molle, à la tête de l'équipe des archéologues.




Aujourd'hui, quand on écrit Tetiaroa dans un moteur de recherche sur internet, on trouve des informations sur l'île et l'hôtel de luxe de Marlon Brando. L'atoll reçoit stars ou businessmen accomplis. Tetiaroa a pour habitude d'accueillir des hôtes de prestige depuis très longtemps. « On sait que l'atoll était occupé, au moins temporairement, par des membres de la chefferie de Te Porionu'u qui habitait l'ancien district de Arue. Ils profitaient ainsi de certaines ressources que leur offrait l'atoll », explique Guillaume Molle. Ce passionné d'histoire mène actuellement une équipe du Centre International de recherche archéologique sur la Polynésie (Cirap), qui regroupe des archéologues de l'Université de la Polynésie française et de l'Université de Californie à Berkeley. Depuis le 9 mars et jusqu'à vendredi, cette équipe réalise sur l'atoll un inventaire des vestiges archéologiques.

« Il est connu que les enfants des chefs étaient envoyés à Tetiaroa pour la pratique du ha'apori qui consistait à les engraisser et à les tenir hors de la lumière du jour afin qu'ils aient une peau blanche, signe de haut rang »,
décrit Guillaume Molle. « Ces pratiques étaient contrôlées par les 'arioi dont la présence sur l'atoll est également attestée. Plus tard, jusqu'à la mort de Pomare V, on sait que l'île servait de lieu de villégiature à la famille royale qui y venait pour festoyer et s'amuser. »

Pierres dressées sur un marae de Reiono, dédiées aux dieux et aux ancêtres.
Reconstituer l'histoire de l'atoll

Le but de ce projet est de reconstituer au mieux l'histoire de l'atoll depuis son peuplement initial jusqu'au XIXe siècle. « Nous essayons de comprendre quand et comment l'île fut colonisée, comment les populations se sont installées et organisées sur les différents motu, de manière permanente ou temporaire, et comment elles se sont adaptées à cet environnement particulier qu'est l'atoll », décrit Guillaume Molle. « Nous essayons aussi de mettre en lumière les possibles influences culturelles qu'elle a connues, à la fois depuis Tahiti-Mo'orea mais aussi peut-être des îles Sous-le-Vent voire des Tuamotu ».

Le travail de cette équipe d'archéologues se fait en plusieurs étapes. La phase 1, qui a lieu jusqu'à vendredi, consiste en un inventaire. Lors de la deuxième phase, les sites les plus intéressants seront sélectionnés pour être fouillé. « Nous pourrons dater leur période de construction et d'utilisation si nous retrouvons des fragments de charbon ou d'os. Avec l'aide de Tetiaroa Society, qui nous apporte également son soutien logistique, nous aimerions organiser un chantier-école pour permettre à des étudiants polynésiens de se former sur le terrain aux différentes techniques de l'archéologie. »

"L'atoll était fréquenté par l'élite"

Vestiges d'une plate-forme de danse sur Rimatu'u.
Les recherches archéologiques sur les différents motus ont déjà permis d'identifier près d'une centaine de structures. Ce sont « essentiellement des vestiges d'habitation matérialisés par des alignements de blocs de corail (les soubassements), des maite ou fosses de culture pour les taros et autres plantes alimentaires et utiles, quelques fare pote'e ou maisons traditionnelles aux extrémités arrondies qui servaient autrefois de lieux de réunion mais aussi à la pratique du ha'apori, l'engraissement des enfants de rang social élevé », indique Guillaume Molle. Des plate-formes de danse sur Rimatu'u ont été recensées. Il existe également sur le motu Ti'araaunu une plate-forme d'archers, « une structure plus rare dont on ne connaît qu'une douzaine de sites en Polynésie française », note Guillaume Molle. « Ces structures sont très caractéristiques et présentent un petit côté concave. Elles appartenaient aux plus hauts chefs, les ari'i nui, qui venaient y démontrer leur force et leur mana. La présence d'une telle plate-forme sur Tetiaroa montre clairement que l'atoll était fréquenté par l'élite, ce qui renforce la connexion avec la puissante chefferie de Te Porionu'u. » L'équipe d'archéologues focalise également son attention sur les marae, qui sont à la fois très nombreux mais suivent aussi des architectures diverses qui sont susceptibles de témoigner d'influences culturelles diverses : îles du Vent, îles Sous-le-Vent et Tuamotu.

Une source d'eau douce aménagée sur Rimatu'u.

Des roches basaltiques venues de Tahiti ou de Moorea

Une ancre de basalte découverte dans la cour d'un marae.
Plusieurs roches basaltiques ont été découvertes à Tetiaroa sur ou à proximité des sites archéologiques, à l'intérieur des cour des marae par exemple. « On sait que les basaltes ne sont pas présents naturellement sur les atolls coralliens, ou du moins en très faible quantité, contrairement aux cônes volcaniques des îles hautes », met en avant Guillaume Molle. « Cela signifie que ces roches ont été apportées volontairement par les anciens Polynésiens depuis des îles voisines. Elles servaient à la fois pour fabriquer des lames d'herminette et d'autres objets usuels tels que des ancres, des poids de pêche ou des pilons, mais pouvaient aussi avoir une fonction symbolique en servant de pierres de fondation aux nouveaux marae édifiés sur l'atoll par des groupes venus de Tahiti ou Mo'orea. »

Des échantillons de ces roches basaltiques sont donc prélevés et des analyses géochimiques seront conduites en laboratoire pour identifier leur provenance. Les archéologues seront ainsi en mesure de retracer l'origine de ces basaltes et donc des populations qui les ont apportées sur Tetiaroa.

Rédigé par Mélanie Thomas le Mercredi 25 Mars 2015 à 17:38 | Lu 2961 fois