Territoriales 2023 :​ Un statut d’autonomie forcément à revoir


Tahiti, le 5 avril 2023 - Troisième article de notre série consacrée au comparatif des programmes des prochaines territoriales. Relations avec l’État, fonctionnement de l’assemblée, compétences des communes… les programmes des différentes listes ne manquent pas d’idée pour changer les rapports et le fonctionnement des institutions polynésiennes. Un catalogue de mesures qui devrait conduire à une révision inévitable du statut d’autonomie de 2004.
  Revoir la politique Le renouvellement et l’assainissement de la classe politique occupent une place importante de plusieurs programmes, notamment de l’opposition. Au Ia Ora te Nuna'a, représenté par Nicole Bouteau et Teva Rohfritsch, anciens ministres de Gaston Flosse au début des années 2000, “Osons le changement”. Au A Here Ia Porinetia, on en fait même quasiment le cœur du programme avec huit des cinquante actions destinées à “changer notre système politique”. Une volonté de réforme qui devrait notamment, pour le parti dirigé par Nicole Sanquer, consacrer le non-cumul et le non-renouvellement des mandats. Pour le A Here Ia Porinetia, il est en effet proposé de “limiter à deux l’exercice des mandats électifs locaux (…) pour permettre un renouvellement permanent de la classe politique” et de rendre incompatibles les fonctions de maire et de membre de gouvernement. Deux mesures forcément peu présentes dans le programme du Tapura, mais proches de celles figurant dans celui du Tavini. Le parti indépendantiste propose ainsi de limiter le nombre de mandats pour permettre le renouvellement de la classe politique “pour éviter les abus et les dérives politiques”. Autre mesure phare, l’élection du président de la Polynésie au suffrage universel direct, et non par les représentants de l’assemblée de la Polynésie française (APF), figure parmi les mesures du Tavini.
  Tarahoi dans le viseur
 
Parfois considérée comme une simple chambre d’enregistrement des textes du gouvernement, l’APF a perdu de son intérêt institutionnel. Manque de contrôle de l’action du gouvernement, élus condamnés siégeant toujours, changements de groupe, surcoûts, absentéisme, déplacements et missions exotiques, ils sont plusieurs candidats à vouloir taper du pied dans la fourmilière. Le Ia Ora te Nuna'a et le A Here Ia Porinetia proposent ainsi de réduire le nombre d’élus en supprimant respectivement 12 et 18 sièges de représentants, notamment pour faire des économies substantielles. Les deux partis proposent également de réformer le fonctionnement de Tarahoi afin que les élus soient rémunérés suivant leur travail effectif et que leur activité soit contrôlée. Au Tapura, aucune volonté de changer une institution qui a donné satisfaction pendant la dernière mandature. Pour le Tavini, le règlement intérieur doit intégrer le devoir d’intégrité et de probité des représentants. Il est ainsi proposé d’acter, entre autres mesures sur le fonctionnement de l’APF, la démission d’office des élus “en cas de condamnation (…) ou de changement de parti politique” et plus généralement de “rendre publiques les indemnités des élus, du gouvernement et des emplois fonctionnels”. Pas de remise en cause de l’organisation de Tarahoi pour Hau Maohi et Heiura–Les Verts.
  Relations avec l’État : respect pour les uns, moni pour les autres  
Mises à l’épreuve lors de la crise de la Covid-19, les relations avec l’État et leur évolution font l’objet d’un intérêt certain pour plusieurs listes. Au A Here Ia Porinetia, on souhaite “engager (…) un dialogue apaisé sur notre évolution institutionnelle”. Pas une rupture donc pour le parti autonomiste mais la nécessité de faire évoluer l’union actuelle. Si le Tavini prône sans surprise de “mettre en œuvre pacifiquement le processus de décolonisation engagé depuis le 17 mai 2013 auprès des Nations Unies”, le parti indépendantiste appelle au “respect mutuel entre l’État et le Pays” avec notamment la nécessité de “travailler avec l’État et les parlementaires pour intégrer dans la Constitution un titre spécifique pour la Polynésie”. Le Tavini affiche ainsi sa volonté de rester à court terme dans le cadre de la Constitution française. Côté Amuitahira'a, l’idée de faire de la Polynésie un État associée avec la France a disparu du programme officiel. Le programme ne comprend d’ailleurs aucune mention sur la modification du fonctionnement des institutions en Polynésie tout comme Heiura–Les Verts. Du côté du parti d’Édouard Fritch, on affiche son État-dépendance. Les futures relations du Tapura avec Paris sont surtout financières, la notion d’autonomie devenant toute relative. Il s’agit entre autres de “renouveler les contrats de partenariat financier avec l’État pour la santé, l’énergie, l’agriculture, l’éducation, le sport, le logement et les infrastructures”, d’obtenir un “programme d’investissement majeur négocié avec l’État” pour améliorer l’accès à l’eau potable, "d’obtenir de l’État le bénéfice des dispositifs nationaux d’aide au développement économique et social” ou encore de “créer un fonds spécial en partenariat avec l’État et les communes pour améliorer le traitement de nos déchets”. Pour le Hau Maohi, le soutien financier de l’État doit s’intensifier, notamment en matière de logement, au travers d’une révision des Accords de l’Élysée de 2017. Pas de mesure spécifique pour Heiura-Les Verts mais un appel du pied aux indépendantistes. Le parti de Jacky Bryant rappelle dans son programme que la Constitution française consacre “sans équivoque” que la France doit "conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s’administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs affaires”.
  Un statut en sursis Outre les modifications dans le fonctionnement de l’APF ou dans les relations avec l’État, l’extension des compétences des communes est évoquée par plusieurs listes obligeant de fait à modifier les dispositions concernées dans le statut d’autonomie. Une révision de la loi statutaire apparait ainsi inévitable si les candidats souhaitent tenir leurs engagements. D’autres mesures de même ordre sont par ailleurs annoncées pour soutenir les spécificités polynésiennes. Ainsi, le Ia Ora te Nuna'a veut qu’y soit inscrit le “fait nucléaire”, comme le Tavini, ainsi que l’existence du “peuple premier maohi”. Abandonnée par le Tapura à la suite de la défaite aux législatives, l’idée d’une citoyenneté polynésienne est reprise par le Tavini pour la protection de l’emploi local. Pour le A Here Ia Porinetia, un peu plus de prudence pour une application plus large. Il s’agit en effet d’“examiner les conditions d’une citoyenneté polynésienne afin d’organiser une protection efficace de l’emploi local et de l’accession au foncier”. Pour le Hau maohi, aucune modification du statut n’est envisagée mais le mouvement de Tauhiti Nena prévoit de réviser largement les accords de l’Élysée de mars 2017 pour y consacrer la priorité des Polynésiens dans tous les domaines. Ainsi, les Polynésiens seraient notamment prioritaires “pour l’emploi, les aides sociales et le logement” et les terres, les lagons ainsi que la zone économique exclusive seraient “une ressource réservée en priorité aux Polynésiens”. Pas de modification statutaire prévue dans les programmes du Tapura, Heiura–Les Verts et Amuitahira'a no te nuna'a maohi.
 

Rédigé par Sébastien Petit le Mercredi 5 Avril 2023 à 19:52 | Lu 3224 fois