Territoriales 2023 : Le tourisme, le grand écart


Tahiti, le 10 avril 2023 – Quatrième volet de notre comparatif des programmes des prochaines territoriales. Première industrie du pays, le tourisme fait l’objet de mesures très diverses et parfois opposées entre les différentes listes candidates. Privilégier les pensions de familles ou les hôtels classés, rénover la plateforme de Tahiti-Faa’a ou ouvrir un ou plusieurs aéroports internationaux dans les îles, viser le luxe ou se diversifier sur des tourismes de niche ? À chacun ses recettes alors qu’une stratégie du développement touristique en Polynésie française a pourtant été adoptée l’année dernière.
  Accueillir plus et mieux Alors que les chiffres du tourisme se redressent en cette période post-pandémie, plusieurs candidats aspirent à des résultats meilleurs. Au Ia Ora te Nuna'a, le programme affiche l’ambition d’atteindre 100 milliards de Fcfp de recettes touristiques, "soit 400 000 touristes" mais avec la mise en place d’un "ESTA" polynésien pour entrer sur le territoire. L'ambition est bien supérieure au Tavini, où la barre à atteindre est fixée à 600 000 afin de "compenser les transferts de l’État". Pour absorber un tel flux, il faut améliorer, en qualité et en capacité, la desserte par voie aérienne alors que l’aéroport de Tahiti-Faa’a est proche de la saturation. Pour le A Here ia Porinetia, pas de nouvelles infrastructures. Il faut en effet "faire de notre aéroport international une plateforme moderne au service de notre développement touristique". Un effort de modernisation trop limité pour d’autres listes. Ainsi, le Tavini s’engage fermement quant à lui pour la construction d’un aéroport international aux Marquises, en plus de négocier avec l’Etat le transfert de l’aéroport de Tahiti-Faa’a au Pays. Plus de prudence au niveau du Tapura, mais avec potentiellement des dessertes internationales dans trois autres archipels. Le parti d’Edouard Fritch veut ainsi "engager les études pour la construction des aéroports internationaux de Nuku Hiva, de Rangiroa et de Bora Bora". Pas de nouvel aéroport pour le Ia Ora te Nuna'a. Le parti de Teva Rohfritsch souhaite cependant augmenter la capacité aérienne en assurant le "développement de la flotte d’Air Tahiti Nui" déjà existante tout en voulant "décarboner la destination" par la mise en place d’éco-labels.
  Diversification de l’offre touristique Si le Tavini veut accroitre le nombre de visiteurs, il compte sur une forte diversification de l’offre. Luxe, culture, aventures, pêche sportive, golf… Tout est bon pour capter des clientèles spécifiques. Le parti dirigé par Oscar Temaru souhaite notamment transformer chaque mairie en centre culturel. Orientation identique du côté de Heiura–Les Verts qui penche pour le développement d’un tourisme "ciblé", voire très ciblé. Le parti de Jacky Bryant souhaite en effet capitaliser au niveau touristique avec les conférences de scientifiques ou de chercheurs, les parcours sportifs, les révoltés de la Bounty, l’expédition du Kon Tiki ou encore la présence américaine à Bora Bora. Diversification également proposée par le Tapura. Le programme du parti majoritaire prévoit ainsi de "promouvoir l’agri-tourisme en valorisant un tourisme vert de découverte et de partage" mais également de "définir une offre touristique et culturelle spécifique adaptée à chaque archipel" en valorisant notamment "de nouveaux sites culturels" et en rendant accessible de nouveaux sentiers de randonnées dans les îles. Pas de précision dans le programme du A Here ia Porinetia sur l’offre touristique. Le programme de Nuihau Laurey affiche cependant sa volonté de "permettre aux acteurs privés le souhaitant d’accéder de manière transparente au financement public d’opérations de promotion touristique". Pas de mesures, par contre, dans le programme du Hau Maohi sur le secteur du tourisme.
  Plus de pensions ou plus d’hôtels ? L’accueil de touristes supplémentaires et la diversification de l’offre supposent de disposer des capacités d’hébergement nécessaires pour absorber cette clientèle. Une exigence qui conduit les candidats à proposer plusieurs mesures parfois complémentaires. Ainsi pour le Tapura, il s’agit d’une part "d'accélérer la réouverture des unités hôtelières fermées ou à l’abandon" et d’autre part de "favoriser l’implantation de nouveaux hôtels classés aux îles Sous-le-vent et dans les autres archipels". La prochaine mandature devrait également permettre de réaliser les travaux d’infrastructures nécessaires à l’installation du Village Tahitien. Pas de mention du Village Tahitien au Amuitahiraa no te Nuna'a Maohi, mais le programme consacre le retour au projet initialement porté par Gaston Flosse, à savoir celui du Mahana Beach. Si le nombre de chambres n’est pas précisé, l’investissement prévu est de 250 milliards de Fcfp. Pour le parti orange, il faut continuer "à pratiquer le tourisme de luxe sans rejeter le tourisme de moyenne gamme". Pour ce faire, la participation financière du Pays à la modernisation et rénovation de la petite hôtellerie et des pensions de familles est annoncée. Moins de folie des grandeurs pour Heiura–Les Verts et le Ia Ora te Nuna'a. La formation de Jacky Bryant est pour "l'arrêt des projets pharaoniques". Si le tourisme de luxe est cité par le Tavini, le programme de Moetai Brotherson indique également que le parti souverainiste souhaite "soutenir le tourisme familial, la petite hôtellerie indépendante, les pensions, les activités intégrées (artisanat, danse, randonnées…)" et aider tout ce beau monde à se professionnaliser au travers notamment de formations et d’accompagnement. Position quasi-identique au Tapura qui veut "aider financièrement les pensions de familles dans leur remise à niveau". Si le parti de Nicole Bouteau, ancienne ministre en charge du Tourisme, souhaite la réouverture des hôtels fermés depuis plus de trois ans, la principale mesure du Ia Ora te Nuna'a vise à soutenir "l'authenticité" avec des dispositifs d’aide à l’investissement "avec kits de pensions de famille déclinés par archipel" ainsi qu’un soutien en défiscalisation. À noter que le Ia Ora te Nuna'a est la seule liste à se prononcer pour la construction d’un casino dont les recettes iront financer un "fonds contre les addictions et contre la grande pauvreté" et un soutien aux œuvres sociales des églises.
 

Rédigé par Sébastien Petit le Lundi 10 Avril 2023 à 14:51 | Lu 2921 fois