Territoriales 2013 : Trois hommes pour un fauteuil


Après neuf ans d’instabilité quasi-chronique du système démocratique par représentation polynésien, le pays aura vu se succéder 11 présidents et 13 gouvernements, dont les plus brefs n’auront duré qu’une poignée de semaines.

Le nouveau mode de scrutin, adopté en 2011 par le Parlement et mis à l’épreuve pour les élections territoriales 2013, a été conçu pour garantir une majorité stable de représentants à la liste qui parviendra en tête du rendez-vous électoral de dimanche 5 mai.

Avec une prime majoritaire de 19 sièges donnée en bonus à la liste qui totalise le plus grand nombre de suffrages en sa faveur, dimanche, le statut de vainqueur sera synonyme d’au moins 35 sièges sur les 57 que compte l’hémicycle, à Tarahoi.

La vie politique locale est depuis 30 ans organisée autour d’une rivalité autonomie-indépendance, personnifiée par la traditionnelle antinomie Flosse-Temaru.

Le 21 avril dernier, la liste présentée par le Tahoera’a Huira’atira a bénéficié d’un plébiscite de 51 000 voix en sa faveur, soit 40,16% des suffrages, bien au-delà des espérances du parti orange pour ce premier tour, compte tenu d’un taux de participation assez modeste de 67,45%, sur la circonscription unique Polynésie française.

Celle présentée par l’UPLD, d’Oscar Temaru, a observé la désertion de près de 30% de son électorat en comparaison avec ses résultats de 2008. Elle totalise à peine 25% des suffrages exprimés. La plateforme souverainiste est à la tête du Pays depuis avril 2011 et se voit pénalisée pour un bilan jugé négativement par la population et forgé en temps de crise.

Mais 2013 voit surtout l’évolution d’un paysage politique trentenaire avec l’arrivée d’une 3e voie autonomiste incarnée par Teva Rohfritsch, le leader du parti A Ti’a Porinetia, après l’expérience To Tatou Ai’a portée par Gaston Tong Sang en 2008.

Oscar Temaru : 36 ans de combat pour la souveraineté

Naissance : 1er novembre 1944 (68 ans)

Profession : fonctionnaire des douanes (retraité)

Mandats : maire de Faa’a depuis 1983 ; Président de la Polynésie française en 2004 (131 jours), 2005-2006 (22 mois), 2007-2008 (5,5 mois), 2009 (9,5 mois), 2011-aujourd’hui (25 mois)

Tout le parcours politique d’Oscar Temaru est marqué par son opposition à l'autonomiste Gaston Flosse.
Les scores des indépendantistes sont d'abord confidentiels, et Oscar Temaru se distingue surtout dans son combat anti-nucléaire et anti-français.

Ses proches louent sa simplicité : il vit toujours à la polynésienne, dans un fare sans prétention. Une fois président, il a même quitté le palais bâti par Gaston Flosse. Marié et père de sept enfants, Oscar Temaru a toujours tenu sa famille à l'écart de sa vie publique, en dehors d'une de ses filles, avec qui il travaille.

Ses adversaires politiques lui reprochent surtout d'avoir délaissé la gestion de la collectivité au profit de son principal combat: la réinscription de la Polynésie française sur la liste des pays à décoloniser de l'ONU.

Le discours de Temaru, toujours indépendantiste, a cependant évolué. Lors de son élection à la mairie de Faa'a il y a 30 ans, il avait fait enlever le drapeau français et le buste de Marianne. A plusieurs reprises, lors des forums du Pacifique, il juge que la Polynésie est "un chien tenu en laisse" par la France.

Ses propos, parfois violents en meeting ou face aux journalistes, font place à un discours plus mesuré lorsqu'il a le temps d'exprimer sa vision. A l'indépendance "immédiate" qu'il prônait encore dix ans plus tôt, il préfère désormais une indépendance à moyen terme, en partenariat avec l'Etat français, mais aussi d'autres pays, comme la Chine.

Gaston Flosse, le phoenix de la politique polynésienne

Naissance : 24 juin 1931 (81 ans)

Formation : instituteur puis agent d’assurances

Mandats : Maire de Pirae de 1965 à 2000 ; Président du gouvernement de 1984 à 1987 et de 1991 à 2004 ; Président de la Polynésie française 2004-2005 (132 jours) puis 2008 (51 jours) ; Député de la République de 1978 à 1986 puis de 1993 à 1997 ; Sénateur de la République depuis 1998, réélu en 2008

Secrétaire d’Etat chargé du Pacifique sud de 1986 à 1988


Surnommé "papa Flosse", le "vieux lion", voire "le vieux" par ses adversaires comme par ses partisans, Gaston Flosse a entamé sa carrière politique en 1957, sur une liste proche du député nationaliste Pouvanaa a Oopa. Il est ensuite devenu maire de Pirae.

Il est le Polynésien ayant exercé les plus hautes responsabilités politiques nationales, aujourd’hui sénateur, il fut député, député européen et secrétaire d'Etat chargé du Pacifique grâce à Jacques Chirac.

Son parcours politique est intimement lié à celui de l'ancien président de la République. L'un de ses neuf enfants s'appelle d'ailleurs Jacques, et a pour parrain l'ami de toujours. Avec le soutien de Gaston Flosse, Chirac a pu reprendre en 1995 des essais nucléaires en Polynésie, ce qui avait provoqué des émeutes, mais assuré une rente de transferts d'argent public de la métropole à la collectivité.

Même ses détracteurs reconnaissent ses qualités de fin stratège. Ils lui reprochent en revanche d'avoir mis en place un système clientéliste.

Ce mode de fonctionnement a valu à Gaston Flosse un procès dans l'affaire dite des emplois fictifs. Il a notamment été condamné en février par la Cour d'Appel de Papeete à trois ans d'inéligibilité, pour prise illégale d'intérêts et détournement de fonds publics. Il s'est pourvu en Cassation.

Envers et contre tout, Gaston Flosse revient sur le devant de la scène, remportant le 1er tour des élections avec 40.16 % des voix et en se plaçant ainsi favori pour le second tour.

Teva Rohfritsch, l’autre autonomie

Naissance le 3 février 1975 (38 ans)

Profession : il a exercé dans le secteur bancaire, il est aujourd’hui chef d’entreprise, mandataire social, dans un groupe qui compte 150 salariés.

Action politique : il est pour la première fois ministre à 28 ans, en novembre 2003, appelé à diriger le portefeuille du tourisme par Gaston Flosse. De 2004 à 2008, il est tour à tour ministre de l’économie et du tourisme, ou de l’énergie, de l’emploi et du dialogue social, sous les présidences de Gaston Tong Sang ou de Gaston Flosse.

En février 2008, il est élu à l’assemblée de la Polynésie française sous l’étiquette Tahoeraa Huiraatira.

En février 2009, Oscar Temaru devenu président lui confie le ministère des ressources marines dans le cadre de l’alliance conclue entre l’UPLD et le Tahoeraa. Il garde son portefeuille en dépit de la rupture entre les deux partis. Quelques mois plus tard, il démissionne du Tahoeraa.

En novembre 2009, sous la présidence de Gaston Tong Sang, il devient ministre de la reconversion économique. En février 2011, il est démis de ses fonctions en raison d’un différend sur le budget du Pays. Il démissionne, deux mois plus tard, de son siège de représentant à l’assemblée.

Teva Rohfritsch fonde en janvier 2012, le mouvement O’Hiva. Il indique alors ne pas viser la présidence de la Polynésie française, mais «vouloir faire de la politique autrement». Candidat aux législatives 2012 dans la 3e circonscription, il n’a pas fait le poids face à Jean-Paul Tuaiva (Tahoeraa Huiraatira) et Tauhiti Nena (UPLD). Au premier tour, en juin 2012, il arrive en 4e position avec 9,98% des voix derrière Gaston Tong Sang (16,45%).

Pour autant, il ne s’avoue pas vaincu. Pendant des mois, l’an dernier, les citoyens entendent parler d’une liste des tavana pour les territoriales. Finalement, c’est Teva Rohfritsch qui parvient à regrouper ces maires autour d’un nouveau mouvement politique baptisé A Ti’a Porinetia dont il devient le leader fin janvier 2013 et la tête de liste aux Territoriales.


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 3 Mai 2013 à 08:59 | Lu 3148 fois