Tahiti, le 3 avril 2024 - L’ancien président Gaston Flosse lance un appel à Oscar Temaru pour ouvrir des discussions sur un nouveau statut de souveraineté du Pays en association avec la France. Le destin commun n’est pas très loin, encore faut-il qu’ils puissent vraiment s’entendre une fois pour toutes. C’est dans ce contexte que Tahiti Infos a rencontré l’ancien président du gouvernement Gaston Flosse, toujours aussi actif alors qu’il arrive au crépuscule de sa vie. Déclaré inéligible suite à une série d’affaires le concernant, il persiste en effet à défendre sa vision d’un État souverain associé à la France et tente de démontrer que l’indépendance prônée par le leader Tavini ne fonctionnera jamais.
Comment pensez-vous pouvoir gagner la confiance des électeurs pour la souveraineté du Pays ?
“Si nous garantissons cette association avec la France, nous pourrons avoir la confiance des électeurs. Il ne faut pas oublier qu’ils sont un peu plus de 5 000 Polynésiens fonctionnaires d’État à se poser la question de savoir ce qu’ils vont devenir en cas d’indépendance pure et dure. Est-ce que la France va continuer à nous payer ? Rien que dans le domaine de l’éducation, nous avons pu obtenir de l’État qu’il prenne en charge la rémunération de tous les professeurs, depuis la maternelle jusqu’au lycée, ce qui coûte près de 70 milliards de francs. La sécurité et la justice coûtent près de 20 milliards, les communes coûtent environ 30 milliards.”
D’après vous, en cas d’indépendance directe et sans association avec la France, qui va prendre en charge ces dépenses qui s’élèvent tout de même à plus de 120 milliards ?
“Sur ce plan-là, Oscar Temaru n’a rien décidé sinon de dire que nous avons beaucoup d’argent, mais où ? Comment le Tavini pourra-t-il payer 120 milliards ? C’est pour cette raison-là qu’Oscar Temaru n’arrivera jamais à obtenir son indépendance. Pour lui, aujourd’hui, ça semble facile, puisqu’il a trois députés, il a la présidence du Pays, la présidence de l’assemblée, et une majorité plus que confortable. C’est vraiment lui qui représente le peuple polynésien, pourquoi ne va-t-il pas discuter avec la France plutôt que d’aller à l’ONU ? Il a commencé en 2013, nous sommes en 2024 et aujourd’hui, plus de dix ans après, il n’y a toujours rien ! Les Nations unies ne peuvent pas obliger la France à nous accorder l’indépendance, puisqu’elle a été retirée de la liste des pays colonisateurs. Elle n’est plus une nation colonisatrice. Les Nations unies n’ont aucun pouvoir sinon de dire à la France d’ouvrir les discussions avec la Polynésie. Elle peut aussi répondre que ça ne vous regarde pas, la Polynésie n’est plus colonisée ! C’est la raison pour laquelle Oscar Temaru perd son temps à l’ONU.”
Quelle est la différence entre souveraineté et indépendance ?
“Le résultat est le même. Mais le peuple premier sur sa terre spoliée par une nation étrangère est un peuple souverain. Nous sommes un peuple souverain, et nous demandons au pays étranger qui a annexé notre pays de nous rendre notre pays.”
Mais comment y accéder ?
“Il faut d’abord commencer par un référendum et demander à la population son avis sur un statut, comme celui que nous proposons, d’un pays souverain associé à la France ou sur l’indépendance. Si on pose les deux questions, on va diviser le peuple et on sera tous perdants. Mais si avec Oscar Temaru, on pouvait se mettre d’accord, en dehors de toute question de propriété puisque nous sommes ouverts à toute discussion, notre souveraineté aura plus de chance de réussir que son indépendance et dans le cadre de cette association, nous discuterons directement avec la France pour les compétences et le maintien des transferts financiers.”
À votre avis, la France sera-t-elle prête à ouvrir ce type de discussion ?
“Alors, nous avons des citations, notamment du général de Gaulle de 1944 qui dit ceci : ‘Si les hommes qui vivent sous notre drapeau ne pouvaient s’élever peu à peu jusqu’au niveau où ils seront capables de participer chez eux, à la gestion de leurs propres affaires, c’est le devoir de la France de faire en sorte qu’il en soit ainsi’. Autre citation, celle de Jacques Chirac en 2003 : ‘La Polynésie française a participé de manière déterminante à la défense nationale et à la sécurité extérieure de la France, qui ne l’oubliera jamais. Sans la Polynésie, la France ne serait pas la grande puissance qu’elle est aujourd’hui. La France ne l’oublie pas, la France a une dette envers la Polynésie’, que le président Macron reconnaîtra en 2021.”
Mais dans l’hypothèse où la France ne respecterait pas ses engagements, comment allez-vous faire ?
“Jacques Chirac s’était engagé devant 20 000 personnes au stade Pater en 2003, Emanuel Macron s’était engagé devant les élus et la population en 2021. Ce sont donc des engagements de la France. Si elle brise ses engagements, nous allons aussi briser nos engagements concernant la mise à disposition des atolls de Mururoa et Fangataufa que la France devait nous restituer dès 1996. À ce moment-là, nous demanderons à la France de nous reverser des indemnités depuis 1960 à aujourd’hui et dans le cas où elle refusait, nous irons devant le tribunal international de La Haye. Je ne crois pas que la France accepte d’être traînée devant un tribunal international où l’on saura que c’est un pays qui ne tient pas ses engagements.”
À quelle échéance pensez-vous qu’il serait possible mettre en place le processus d’un référendum ?
“On pense mettre en place tout ça dans un délai de deux ans.”
Pour en venir à l’actualité économique du Pays, comment auriez-vous fait à la place de l’actuel président du gouvernement, notamment en matière de loi fiscale ?
“Les objections du Conseil d’État concernent la procédure. Malheureusement, elles suppriment les recettes du budget. Aujourd’hui, après la décision du Conseil d’État, notre budget se trouve déficitaire mais notre statut interdit ce déficit. Il faut donc trouver des crédits pour combler cette baisse des recettes et créer des impôts à prélever sur ceux qui se sont enrichis.”
Sur le plan économique, quelles sont vos préconisations ?
“Notre économie, c’est d’abord le tourisme. Or, depuis le Covid, nous avons perdu neuf hôtels. La perle était notre deuxième ressource, aujourd’hui elle est déficitaire parce qu’on a laissé faire n’importe comment. La pêche arrive en troisième position, mais on est encore loin des objectifs. La vanille pourrait être intégrée dans les ressources économiques. La Polynésie exportait 300 tonnes de vanille dans les années 50-60, aujourd’hui on en est à 42 tonnes. La priorité est évidemment notre économie pour que nous ayons nos propres ressources. Ensuite, il y a aussi les métaux rares au fond de notre océan. Nous avons le droit d’exploration et d’exploitation, mais nous n’avons pas les moyens de descendre à de telles profondeurs. Les Chinois sont intéressés, mais demandent l’exclusivité et là, nous ne sommes pas d’accord. Et pourquoi la France veut retarder, c’est parce qu’elle n’a pas les moyens de le faire non plus.”
Croyez-vous qu’il soit possible d’atteindre les 600 000 touristes par an comme le prétend le président Brotherson ?
“Il n’y a pas suffisamment de chambres pour les accueillir. Nous avons un petit pays, nous ne pouvons pas faire venir autant de touristes. Nous avons toujours opté pour un tourisme de luxe qui rapporte, sans pour autant négliger le petit tourisme. Que fait Moetai Brotherson ? Il arrive et il dit qu’on perd trop d’argent avec ces grands hôtels, et il veut diminuer la défiscalisation à 20% alors qu’on était à 30 voire 40%.”
Comment pensez-vous pouvoir gagner la confiance des électeurs pour la souveraineté du Pays ?
“Si nous garantissons cette association avec la France, nous pourrons avoir la confiance des électeurs. Il ne faut pas oublier qu’ils sont un peu plus de 5 000 Polynésiens fonctionnaires d’État à se poser la question de savoir ce qu’ils vont devenir en cas d’indépendance pure et dure. Est-ce que la France va continuer à nous payer ? Rien que dans le domaine de l’éducation, nous avons pu obtenir de l’État qu’il prenne en charge la rémunération de tous les professeurs, depuis la maternelle jusqu’au lycée, ce qui coûte près de 70 milliards de francs. La sécurité et la justice coûtent près de 20 milliards, les communes coûtent environ 30 milliards.”
D’après vous, en cas d’indépendance directe et sans association avec la France, qui va prendre en charge ces dépenses qui s’élèvent tout de même à plus de 120 milliards ?
“Sur ce plan-là, Oscar Temaru n’a rien décidé sinon de dire que nous avons beaucoup d’argent, mais où ? Comment le Tavini pourra-t-il payer 120 milliards ? C’est pour cette raison-là qu’Oscar Temaru n’arrivera jamais à obtenir son indépendance. Pour lui, aujourd’hui, ça semble facile, puisqu’il a trois députés, il a la présidence du Pays, la présidence de l’assemblée, et une majorité plus que confortable. C’est vraiment lui qui représente le peuple polynésien, pourquoi ne va-t-il pas discuter avec la France plutôt que d’aller à l’ONU ? Il a commencé en 2013, nous sommes en 2024 et aujourd’hui, plus de dix ans après, il n’y a toujours rien ! Les Nations unies ne peuvent pas obliger la France à nous accorder l’indépendance, puisqu’elle a été retirée de la liste des pays colonisateurs. Elle n’est plus une nation colonisatrice. Les Nations unies n’ont aucun pouvoir sinon de dire à la France d’ouvrir les discussions avec la Polynésie. Elle peut aussi répondre que ça ne vous regarde pas, la Polynésie n’est plus colonisée ! C’est la raison pour laquelle Oscar Temaru perd son temps à l’ONU.”
Quelle est la différence entre souveraineté et indépendance ?
“Le résultat est le même. Mais le peuple premier sur sa terre spoliée par une nation étrangère est un peuple souverain. Nous sommes un peuple souverain, et nous demandons au pays étranger qui a annexé notre pays de nous rendre notre pays.”
Mais comment y accéder ?
“Il faut d’abord commencer par un référendum et demander à la population son avis sur un statut, comme celui que nous proposons, d’un pays souverain associé à la France ou sur l’indépendance. Si on pose les deux questions, on va diviser le peuple et on sera tous perdants. Mais si avec Oscar Temaru, on pouvait se mettre d’accord, en dehors de toute question de propriété puisque nous sommes ouverts à toute discussion, notre souveraineté aura plus de chance de réussir que son indépendance et dans le cadre de cette association, nous discuterons directement avec la France pour les compétences et le maintien des transferts financiers.”
À votre avis, la France sera-t-elle prête à ouvrir ce type de discussion ?
“Alors, nous avons des citations, notamment du général de Gaulle de 1944 qui dit ceci : ‘Si les hommes qui vivent sous notre drapeau ne pouvaient s’élever peu à peu jusqu’au niveau où ils seront capables de participer chez eux, à la gestion de leurs propres affaires, c’est le devoir de la France de faire en sorte qu’il en soit ainsi’. Autre citation, celle de Jacques Chirac en 2003 : ‘La Polynésie française a participé de manière déterminante à la défense nationale et à la sécurité extérieure de la France, qui ne l’oubliera jamais. Sans la Polynésie, la France ne serait pas la grande puissance qu’elle est aujourd’hui. La France ne l’oublie pas, la France a une dette envers la Polynésie’, que le président Macron reconnaîtra en 2021.”
Mais dans l’hypothèse où la France ne respecterait pas ses engagements, comment allez-vous faire ?
“Jacques Chirac s’était engagé devant 20 000 personnes au stade Pater en 2003, Emanuel Macron s’était engagé devant les élus et la population en 2021. Ce sont donc des engagements de la France. Si elle brise ses engagements, nous allons aussi briser nos engagements concernant la mise à disposition des atolls de Mururoa et Fangataufa que la France devait nous restituer dès 1996. À ce moment-là, nous demanderons à la France de nous reverser des indemnités depuis 1960 à aujourd’hui et dans le cas où elle refusait, nous irons devant le tribunal international de La Haye. Je ne crois pas que la France accepte d’être traînée devant un tribunal international où l’on saura que c’est un pays qui ne tient pas ses engagements.”
À quelle échéance pensez-vous qu’il serait possible mettre en place le processus d’un référendum ?
“On pense mettre en place tout ça dans un délai de deux ans.”
Pour en venir à l’actualité économique du Pays, comment auriez-vous fait à la place de l’actuel président du gouvernement, notamment en matière de loi fiscale ?
“Les objections du Conseil d’État concernent la procédure. Malheureusement, elles suppriment les recettes du budget. Aujourd’hui, après la décision du Conseil d’État, notre budget se trouve déficitaire mais notre statut interdit ce déficit. Il faut donc trouver des crédits pour combler cette baisse des recettes et créer des impôts à prélever sur ceux qui se sont enrichis.”
Sur le plan économique, quelles sont vos préconisations ?
“Notre économie, c’est d’abord le tourisme. Or, depuis le Covid, nous avons perdu neuf hôtels. La perle était notre deuxième ressource, aujourd’hui elle est déficitaire parce qu’on a laissé faire n’importe comment. La pêche arrive en troisième position, mais on est encore loin des objectifs. La vanille pourrait être intégrée dans les ressources économiques. La Polynésie exportait 300 tonnes de vanille dans les années 50-60, aujourd’hui on en est à 42 tonnes. La priorité est évidemment notre économie pour que nous ayons nos propres ressources. Ensuite, il y a aussi les métaux rares au fond de notre océan. Nous avons le droit d’exploration et d’exploitation, mais nous n’avons pas les moyens de descendre à de telles profondeurs. Les Chinois sont intéressés, mais demandent l’exclusivité et là, nous ne sommes pas d’accord. Et pourquoi la France veut retarder, c’est parce qu’elle n’a pas les moyens de le faire non plus.”
Croyez-vous qu’il soit possible d’atteindre les 600 000 touristes par an comme le prétend le président Brotherson ?
“Il n’y a pas suffisamment de chambres pour les accueillir. Nous avons un petit pays, nous ne pouvons pas faire venir autant de touristes. Nous avons toujours opté pour un tourisme de luxe qui rapporte, sans pour autant négliger le petit tourisme. Que fait Moetai Brotherson ? Il arrive et il dit qu’on perd trop d’argent avec ces grands hôtels, et il veut diminuer la défiscalisation à 20% alors qu’on était à 30 voire 40%.”