Teiva LC, “surprise” et “fierté” pour ‘Āpepe


TAHITI, le 26 juillet 2023 - Le 14 juillet, à la surprise générale, le titre ‘Āpepe a été choisi pour accompagner le fameux feu d’artifice parisien. Son interprète, Teiva LC, se réjouit d’une telle surprise. Retour sur un titre né en 2016 pour le Heiva i Tahiti, et sur l’histoire de son chanteur.

On était en plein Heiva, je n’avais pas du tout la tête à ça”, se souvient Teiva LC. Quand le titre ‘Āpepe a été lancé le 14 juillet à Paris pour accompagner le feu d’artifice, le chanteur fêtait la victoire de Toakura. Le groupe de danses venait en effet d’être distingué grand gagnant du Heiva i Tahiti 2023 avec le 1er prix en catégorie Hura Tau, le prix à la discrétion du jury pour son orchestre d’accompagnement, son ‘Ōte’a vahine et un encouragement pour la jeunesse, ainsi que le 3e prix du meilleur danseur (Teiva Maino) et le 2e prix de la meilleure danseuse (Tahia Cambet). Or, Teiva LC est le compositeur des ‘aparima pour cette troupe, chanteur et responsable de la chorale. “C’était l’euphorie !

Les internautes se sont chargés d’attirer son attention sur ce qu’il considère aujourd’hui comme “une cerise sur le gâteau”. D’abord, il a posé son regard sur un résumé de l’événement réalisé par France télévisions. “Je me suis dit, à ce moment-là, que ma chanson avait été choisie en bande-son du montage de la chaîne. C’était déjà incroyable.” Rapidement, le chanteur a compris qu’elle avait en réalité été choisie pour l’événement lui-même. Bilan : plus de 200 000 vues sur YouTube en une journée, une activité de streaming en hausse de 70% et un bond de 800% sur Shazam. “J’ai été à la fois surpris, et très fier.

‘Āpepe est un titre qui a été composé par Rotui Rura pour la prestation au Heiva i Tahiti 2016 de la troupe Hitireva. La troupe avait été distinguée cette année-là du 1er prix Madeleine Moua en catégorie Hura Tau, du plus beau grand costume, 2e prix du meilleur danseur avec Tehere Tetuaiteroi et lauréate du meilleur orchestre. Les textes, signés par Jacky Bryant, avait été interprétés par Teiva LC.

'Āpepe signifie en tahitien rapiécer, réunir des morceaux. Le terme évoque la pirogue que l’on construit en assemblant plusieurs éléments, “à l’image, un peu, du tīfaifai”. Séduit, le chanteur a décidé de lui donner une seconde vie. “Kehaulani Chanquy, cheffe de Hitireva, a accepté volontiers. On est sur la même longueur d’onde pour ça. On apprécie pouvoir faire vivre la musique du Heiva dans un autre cadre.” Le titre, “arrangé à ma sauce”, précise Teiva LC peu convaincu par l’arrangement initial, a été diffusé sur les ondes radio quelques semaines plus tard. En 2017, un clip vidéo était mis en ligne. En 2019, Āpepe était intégré à un album au titre éponyme. Le 14 juillet 2023, il a commencé une 3e vie.

“Les livres et moi, ça fait deux !”

Teiva Lemoigne-Claret (Teiva LC) est né en 1978 à Montpellier. Sa mère, une Polynésienne originaire de la Presqu'île (Afaahiti) avait choisi de rejoindre son père alors étudiant en métropole. “À l’aller, j’étais dans son ventre, au retour, dans ses bras”, s’amuse-t-il. Il a grandi à Tahiti, fréquenté les établissements Viennot, Saint-Hilaire, Notre-Dame-des-Anges et Gauguin. Il s’est inscrit à l’université de Polynésie française, sans motivation profonde, ni pour les études, ni pour un cursus particulier. “Je voulais tenter.” Plus tôt, il avait pendant un temps rêvé d’être pilote d’avion. “Je voulais faire comme mon père.” Mais il l’a vu si souvent le nez dans des écrits, qu’il n’a pas insisté. “Les livres et moi, ça fait deux !

Il a commencé très tôt à travailler. “J’ai rapidement eu envie d’indépendance.” Au lycée déjà, il avait été pris sous l’aile de Michel Guillement. “C’était le père d’une amie. Il fabriquait de l’huile de Tamanu et de l’huile de Nono. Il avait besoin d’aide.” Le jeune Teiva, inscrit en seconde, jonglait entre le lycée et son job. Il allait ramasser les noix, les mettait à macérer ou à sécher… Il répondait présent en fonction des besoins. Plus tard, sa tentative à l’université n’ayant pas fait long feu, il s’est engagé à temps plein dans cette entreprise. La collaboration a duré quatre ans. Elle s’est arrêtée brutalement et de manière inattendue.

“Je suis passé de tout À rien en quelques secondes”

En 1998, en pleine coupe du monde de football, Teiva LC est en effet victime d’un accident de moto. Un événement dramatique qui l’a plongé dans le coma, et l’a immobilisé des mois. “J’ai vu les deux premiers matchs”, se rappelle-t-il. “Puis je me suis réveillé pour la finale.” Sportif, musicien, employé… “Je suis passé de tout à rien en quelques secondes.” Il pratiquait le surf et le cross, il jouait de la guitare depuis les cours de récréation et du piano appris pendant près de dix ans. Il s’est retrouvé alité et sans mobilité. “J’ai perdu beaucoup de ma dextérité, malgré la rééducation je n’ai pas tout récupéré.” Mais sa connaissance et sa pratique des instruments lui servent aujourd’hui à composer ; il a mis de côté guitare et piano pour chanter.

Voler de ses propres ailes

En 2001, en sortant du centre Te Tiare, il a postulé pour Air Tahiti. Il voulait entrer dans le monde de l’aéronautique, envisageant de se former en interne pour évoluer. Il est entré comme agent commercial, est sorti de l’entreprise en 2006 comme agent des opérations aériennes. À ce poste, il était notamment chargé de l’exploitation et du traitement des informations liées à la régularité des vols, de l’utilisation des moyens nécessaires à leurs activités, de la rédaction, l’acheminement et l’exploitation des plans de vol ainsi que des messages aéronautiques associés. “Mais finalement, j’ai démissionné pour voler de mes propres ailes.”

Pendant un an et demi Teiva LC a chanté sur diverses scènes et dans différents bars, restaurants, hôtels polynésiens. Petit à petit, il s’est mis en tête d’ouvrir son propre établissement pour devenir entrepreneur mais aussi pour pouvoir disposer de sa propre scène. En avril 2008, il a repris le Pink Coconut. L’initiative a payé. “Un jour sont arrivés Toru et sa femme Kyoka. Ils sont Japonais et après m’avoir entendu ont proposé de me produire”, raconte l’artiste. Son premier album, intitulé Hui Mana, est sorti en 2005. Depuis 2012, ses albums sont tous enregistrés à Tahiti dans le studio Harmonie Prod de Eremoana Ebb. Ils sont mixés et arrangés au Pays du soleil levant. Grâce à Toru et Kyoka, la notoriété de l’artiste a connu un premier élan.

Le deuxième élan a eu lieu grâce au concours The Voice en 2014 (3e édition). “J’ai participé à trois présélections via Skype, puis j’ai fait des allers-retours entre Tahiti et Paris pour participer aux différentes émissions.” Il a intégré l’équipe de Florent Pagny a été éliminé au cours de l’épreuve ultime face à deux autres candidats : Juliette et Wesley.

Teiva LC, poursuit sa route semée d’obstacles et d’adversités mais aussi d’heureuses surprises et d’engageantes rencontres. Ce chef d’entreprise, a ouvert le Be You en 2019 pour prendre le relai du Pink Coconut. Une semaine avant le confinement en 2020, judicieusement inspiré, il a mis le Pink Coconut en sommeil, puis la société a été placée en liquidation. Le bail avec le Port autonome se terminait fin 2020. Chanteur et compositeur, il a enregistré six autres albums après Hui Mana. Il a été invité à chanter au Japon, mais également en France, au Mexique, en Nouvelle-Calédonie. Il continue à monter sur scène et à créer. “J’ai longtemps interprété les chansons des autres, comme celles de Raimana Teriierooiterai à qui je dois beaucoup. Maintenant c’est moi qui compose.” En attendant la suite, il savoure ses récents succès, et se délecte de la cerise et de son gâteau. Il prépare également avec d’autres artistes une soirée en hommage à Bobby Holcomb. Elle est prévue le 26 août prochain au village de Outuaraea. Le rendez-vous est donné. The show will go one.


Rendez-vous

Pē’ue Party le 26 août à partir de 18 heures au village de Outuaraea. Teiva LC, Raumata Tetuanui, Taloo St-Val, Reva Juventin, Natihei Lysing Sao et Guillaume Matarere interprèteront Bobby Holcomb avec un orchestre.
Dress code : Full local.
Tarif : 2 500 Fcfp.

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 26 Juillet 2023 à 18:14 | Lu 2835 fois