Teiki Kimball assaisonne le Blanc-manger Coco à la sauce locale


TAHITI, le 5 avril 2023 - Teiki Kimball finalise la conception d’un jeu intitulé Ata Roa. Simple et accessible au plus grand nombre, ce jeu compile des expressions et mots en lien avec la Polynésie, une version locale de Blanc-manger coco local. Ce projet est un parmi d’autres pour ce Polynésien, qui partage sa vie entre le fenua, les États-Unis et l’Europe.

Il est en cours de test. Ata Roa, le jeu, n’est pour l’instant qu’un prototype mais Teiki Kimball, son concepteur a bien l’intention de lancer sa production mi-avril. Il aime apprendre, il aime relever des défis, il aime surtout que les choses avancent, rapidement. “Je fais toujours les choses très vite.” Il s’est lancé dans le projet de création de jeu en septembre dernier. Il a, depuis, réussi à inventer le contenu de 500 cartes et à faire fabriquer une première version afin de pouvoir l’expérimenter avec des amis et de la famille en condition réelle.

“J’aime rire de tout”

Ata Roa est un jeu de cartes “très simple”, assure Teiki Kimball. Il est basé sur le concept du Cadavre exquis. Le Cadavre exquis est un jeu collectif inventé par les surréalistes qui consiste à composer une phrase (ou un dessin) à plusieurs sans que les joueurs aient accès aux productions de leurs voisins. Il est une version locale du jeu Blanc-manger Coco. Ata Roa compte 80 cartes contenant des phrases à trous. Par exemple : “Bienvenue en Polynésie, un lieu de rêve pour les amateurs de belles plages, de paysages à couper le souffle, et…” ou encore “Djo man, ma fesse a carrément scan quand elle a vu… sur mon vini.” Ata Roa compte également 420 cartes qui contiennent, elles, de simples mots ou expressions et qui peuvent donc compléter les phrases. Le but de ce jeu ? Gagner mais aussi et surtout, rire. “Je n’aime pas me prendre la tête, j’aime passer du bon temps, je voulais créer un jeu d’apéro qui mette un peu d’ambiance. J’aime rire de tout, surtout de moi-même”, explique Teiki Kimball qui voulait, en plus, resserrer ses liens avec Tahiti. Inutile de préciser, donc, que les mots ou expressions sont tous et toutes polynésiennes.

En septembre 2022, il a donc commencé à compiler toutes les idées qui lui passaient par la tête. Il s’est aperçu rapidement que cela ne suffirait pas. “Il a fallu que je consomme du contenu local.” S’il a des origines polynésiennes du côté maternel, il ne vit plus en permanence à Tahiti. Il a donc surfé sur internet, regardé des vidéos en ligne, lu des commentaires sur les réseaux sociaux “pour voir comment les gens parlaient”. Il avait bien en tête les expressions de son enfance “mais toutes n’existent plus”. Teiki Kimball a cherché à s’adresser au plus grand nombre. Son jeu est accessible dès 14 ans, il est accessible à toutes et tous, quels que soient l’âge, le milieu, l’origine. “Il fallait que ça fasse rire tout le monde.” Il a cherché et retenu des mots et expression réalistes, c’est-à-dire en lien avec la Polynésie d’aujourd’hui, des noms de marques sont par exemple cités. Il ne s’est fixé aucune limite. “Je n’ai pas de tabou.” Religion, politique, essais nucléaires… il aborde tous les sujets. Il s’est en revanche refusé à conserver le contenu vulgaire gratuitement, violent, grotesque.

“J’étais un très mauvais élève”

Teiki Kimball est né à Tahiti en 1986, d’une mère tahitienne et d’un père américain. “Ils se sont rencontrés à Hawaii et sont venus s’installer ici peu avant ma naissance.” Il a fait une partie de sa scolarité sur le territoire, à l’école 2 + 2 puis au collège Anne-Marie Javouhey et enfin à La Mennais. “Mais je n’y suis resté qu’un an. J’étais un très mauvais élève”, avoue-t-il. D’un commun accord, ses parents, séparés, ont envoyé le lycéen à Hawaii. “Je suis allé vivre chez mon père, j’avais 15 ans, et il semblait que cela soit une bonne chose que je vois autre chose. Je suis parti pour me booster d’une certaine manière.” Ce qui n’a pas manqué d’arriver. “Le système d’apprentissage anglosaxon me convenait mieux, je me suis mis au travail en arrivant.” Selon Teiki Kimball, il y a des inconvénients de part et d’autre. “Je ne critique aucun des deux systèmes, mais je me sentais mieux à Hawaii pour apprendre. Là-bas on encourage plutôt que l’on réprime, il y a moins d’apprentissage par cœur, plus d’échanges, plus d’encouragement.” Il raconte que l’établissement dans lequel il était inscrit lui a assigné un tuteur immédiatement après avoir constaté “que j’étais moyen”. “J’ai vite pris goût au travail et à la nécessité d’apprendre. Dès la première année j’ai bossé dur.”

Il a suivi l’unique filière proposée. Mais il a pu composer un programme d’apprentissage adapté car “tous les cours sont à la carte”. Bien sûr, les élèves prennent naturellement des matières comme l’histoire, les langues. Ils ajoutent ensuite des cours variés. “J’ai fait de la poterie, de la photographie, du journalisme. On encourage vraiment la polyvalence.” Après avoir obtenu son baccalauréat, Teiki Kimball a pris la direction de la Californie. “Je voulais un nouveau changement, celui que j’avais eu après la seconde avait été profitable, je cherchais la même chose, en un peu plus grand. Tout en restant non loin de ma famille.”

“Un énorme coup de chance !”

En 2004, il s’est inscrit à l’université de Santa Cruz près de San Francisco en psychologie et en économie (il a suivi les deux filières en parallèle). Il a obtenu un bachelor (bac + 4). “J’ai malheureusement terminé mon cursus en pleine crise économique, je n’ai pas trouvé de travail fixe.” Il a répondu à d’innombrables offres d’emplois mais a dû enchaîner les petits boulots. Cela a duré pendant un an et demi. “Ensuite ? J’ai eu un énorme coup de chance !

Un jour, “alors que je cherchais toujours un petit boulot”, précise Teiki Kimball, “j’ai répondu à une annonce d’Apple”. La société à l’époque était des plus attrayantes, “l’iPhone venait de sortir, les employés avaient l’air heureux, le rythme semblait intense, mais le boulot motivant”. Apple cherchait une personne francophone pour le développement de l’iTunes Store. “J’ai passé un entretien, que j’ai raté. J’ai repris les petits boulots.” Six mois plus tard, Teiki Kimball a reçu un appel d’Apple car le candidat engagé ne faisait pas l’affaire. Il a donc passé un second entretien. Il a été embauché. “Ma vie a basculé.

À partir d’août 2009, il a enchaîné les contrats à durée déterminée (CDD) de 6 mois jusqu’à obtenir un contrat à durée indéterminée (CDI) fin 2010. Il a commencé par travailler sur iTunes store, veillant à la bonne orthographe des titres, auteurs… ainsi qu’à la bonne cohérence des informations. Il a évolué jusqu’à devenir responsable d’une équipe de six personnes en Europe. Celle-ci était chargée d’intégrer du contenu extérieur dans la base de données Apple. “J’ai adoré le temps passé dans cette entreprise car une grande place est faite à l’innovation. Toutes les personnes, importantes ou non, sont écoutées, toutes les propositions sont les bienvenues”. L’aventure a duré 13 ans. “Je viens tout juste de partir.”

En janvier, il s’est laissé porter par de nouveaux vents. “Je n’ai aucune idée de ce que je vais faire. J’ai pris un risque, mais je veux être plus libre et mobile pour pouvoir revenir à Tahiti plus souvent, notamment.” Il organise sa vie entre la France, les États-Unis, Tahiti. “Je veux aussi voyager.” Il va prendre le temps qui lui est offert pour apprendre. Il s’est mis à l’espagnol. En mettant au point Ata Roa, il s’est formé au marketing, à la création de produits. “Autant de choses que je n’ai jamais faites car il y avait des équipes dédiées chez Apple.” Il n’a aucun regret. Il était pourtant sûr d’en avoir un peu, mais après trois mois il sait avoir pris la bonne décision. Pour demain, rien n’est dessiné, la suite n’est même pas esquissée, elle s’écrit au jour le jour.

Contacts

Site internet Ata Roa.
Les bénéfices des ventes de ce jeu seront remis à une association via la fondation Anavai.

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 5 Avril 2023 à 19:35 | Lu 2911 fois