Tech4Islands, l'avenir des îles


Papeete, le 15 octobre 2019 – À l’occasion de l’ouverture du Digital Festival Tahiti-Tech4islands, de mercredi à samedi à la présidence, le président de l’association Digital Festival Tahiti, Olivier Kressmann, détaille dans une interview à Tahiti Infos la « vision et la dynamique Tech4Islands » au cœur de cette troisième édition. Une démarche inédite élaborée depuis la Polynésie pour identifier et promouvoir des solutions innovantes adaptées au contexte insulaire.
 
Qu’est-ce qui change avec cette troisième édition du Digital Festival Tahiti et pourquoi cette appellation Tech4islands ?
 
« C’est vraiment l’héritage de ce qu’on a appris comme expérience des deux premières éditions. Des éditions qui ont été faites pour permettre à la population de mieux appréhender les domaines d’application dans lesquels la révolution digitale pouvait s’appliquer. On a parlé de robots, de traitement de données, d’images virtuelles ou encore d’intelligence artificielle. On a balayé tous les domaines dans lesquels on trouve du développement digital dans nos quotidiens... De ce travail et des invités qui sont venus, on a pris conscience que l’un des grands enjeux de l’innovation c’était de faire ce développement avec une vision respectueuse à la fois environnementale et sociétale. C’est cette démarche qui a émergé il y a deux ans au niveau international et qui s’appelle « Tech for good ». Cette dimension là étant existante, on s’est sensibilisé avec des gens comme Stéphane Distinguin, le président de la Grande école du numérique, Paul Duan, qui est plutôt dans le domaine sociétal avec ses travaux pour pôle emploi, et évidemment notre ami Christian Vanizette avec Makesense. Et on s’est fait la réflexion que c’était bien de réfléchir « Tech for good », mais que ce serait mieux que l’on s’inquiète de notre problématique ilienne. Si on ne le fait pas, ce ne sont pas les grandes nations le feront. D’où la naissance de cette vision et de cette dynamique « Tech for islands ». « Tech for good » au niveau planétaire est devenu « Tech for islands » dans le souci de l’impact de l’innovation dans nos situations insulaires, comme on les connaît en Polynésie et comme d’autres pays les connaissent. »
 
Et quel est l’objectif de cette démarche Tech4islands ?
 
« L’idée, c’est que cette troisième édition soit là pour identifier et promouvoir des solutions à l’international depuis la Polynésie. Ceci pour mettre en évidence que des évolutions technologiques qui viennent impacter les organisations insulaires peuvent être bénéfiques, notamment par exemple pour les problématiques de nos tavana. Aujourd’hui, dans la dimension Tech4islands, on va retrouver très vite le respect de l’environnement, la gestion efficace des ressources d’une façon raisonnable, le mix énergétique pour une production électrique propre et durable mais aussi l’inclusion numérique des populations dans l’outil digital et dans la solution technologique. Et ce qui est très intéressant, c’est que cette dimension qu’on avait identifié, les tavana dans leur congrès de Rikitea l’ont mis en évidence en y ajoutant : « dans le respect de la culture et des savoirs faires traditionnels ». C’est très intéressant ce rapprochement entre l’impact sur les populations, tout en veillant à ne pas venir tout casser au niveau des structures culturelles et des savoir-faire traditionnels. Enfin, le dernier point fondamental pour tout ilien quel qu’il soit, c’est évidemment de pouvoir optimiser sa résilience à la problématique de l’évolution climatique… A partir de cette vision sont nés quatre premiers grands thèmes, qu’on a appelé des « archipels » : l’économie bleu avec la mer et l’océan ; l’économie circulaire avec notamment la gestion des déchets, la production d’eau et d’énergie ; l’innovation publique pour que l’information des administrations en général soit facile d’accès ; et puis le smart tourisme pour que les solutions digitales soient vraiment un élément à utiliser pour faire de la promotion touristique intelligente. (…) »

« Tech for good » au niveau planétaire est devenu « Tech for islands »


C’est un festival qui s’adresse donc à la fois l’administration, au privé et au grand public ?
 
« C’est ça qui est très intéressant. C’est qu’on est très large. (…) Même si cette édition du Digital Festival est clairement recentrée sur l’impact positif de l’innovation, dans le sens du respect environnemental et sociétal. Et effectivement, ça se décline pour le grand public, pour les communautés, pour l’administration vis-à-vis d’elle-même et vis-à-vis du grand public… Quand on parle de ‘convergence’, on est vraiment dans du terme très à la mode. Mais là, vraiment, c’est très intéressant cette convergence vers des problématiques dans une dimension insulaire. Une dimension tellement peu connue depuis un continent. D’ailleurs, la meilleure réponse qu’on a pu avoir pour comprendre qu’on avait tapé juste, c’est le concours « tech4islands awards » qu’on a lancé. On a reçu 70 dossiers provenant de 10 pays, alors qu’on n’a lancé le concours uniquement dans des pays francophones. »

La labellisation « French Tech » obtenue en avril dernier par la Polynésie française a-t-elle aidé à donner une autre dimension au Digital Festival Tahiti ?
 
« Forcément. La French Tech est mondialement connue. Elle est identifiée aussi bien en Europe, qu’en Asie ou aux Etats-Unis. Elle a été créée quelque part à l’époque par Fleur Pellerin pour venir contrer la démarche des grands « Gafa » américains qui avaient tendance à tout rassembler. Donc c'est évidemment pour nous une estampille très forte, qui a donné à cet évènement une dimension internationale. Et c’est tellement vrai qu’on a vu arriver des grands médias nationaux comme BFM Business, 01.net   et ses 16 millions de lecteurs, en plus des médias qui venaient déjà comme Outremer360, le Journal du Geek et l’Usine Digitale. Mais ça s’est aussi répandu beaucoup plus loin à l’international, notamment avec le concours Tech4islands. On est le premier festival international dédié aux îles intelligentes et à l’innovation. La marque « tech for islands » a d’ailleurs été déposée par l’association Digital Festival Tahiti. »

« On est le premier festival international dédié aux îles intelligentes et à l’innovation »


Parlez-nous des grands noms de la Tech qui participent à cette édition ?
 
« On a des gens qui reviennent comme Paul Duan, dont on a déjà parlé. Des gens qui sont à la tête de BiOceanOr, qui sont déjà en Polynésie avec les bouées connectées dans les lagons. Des gens comme Salwa Toko, qui est la présidente du Conseil du Numérique. Marie Vilon, qui est la responsable de toutes les communautés French Tech dans le monde entier. Dans les grands noms de la Tech, on va avoir les Canadiens avec Ohrizon, très engagés dans tout ce qui est réalité augmentée pour l’aspect touristique. Dans le maritime, on a l’armada du Cluster Maritime de Polynésie, relayé par le Cluster France avec tout un groupe de gens qui sont du Cluster Méditerranée et qui viennent avec des solutions de production électrique éolienne. On a du transport maritime avec Zéphir&Borée qui viennent d’être retenus pour le transport d’Ariane 6 entre la France et la Guyane. On a SolarSPELL avec l’Américaine Lora Hosman qui est maintenant dans le monde entier et dans les îles du Pacifique avec sa solution de bibliothèque numérique… (…) Il y a aussi une délégation de Nouvelle-Calédonie qui vient, avec à sa tête l’un des membres du gouvernement en charge du Numérique. Ils viennent avec six startups et ils viennent sous le nom de « New Caledonian Tech ». En tout on a 80 exposants et intervenants dont près de 40 internationaux. »
 
Et du côté des exposants locaux ?
 
« On en a de tous types. On a bien sûr toutes les startups polynésienne regroupées autour de la Polynesian Tech, labellisée French Tech, qui vont avoir leur propre vallée. Il va y avoir une bonne quinzaine de sociétés. Les grands aujourd’hui qui ressortent, c’est bien sûr Hinatea Colombani. On a aussi Tahiti Va’a Event avec une personne qui propose au touristes du va’a. On a LeadBees forcément. Et tout ça gravite autour d’acteurs comme la Sofidep, qui sont là aussi pour les accompagner dans leurs démarches. Et puis on a les E-travel qui ont fait le choix de se frotter aux grands. Ils sont sortis de la vallée de la Polynesian Tech et se sont mis dans l’archipel Smart Tourism pour se retrouver à côté d’un Tahiti Tourisme, d’un Orhizon et des grands du domaine de la promotion du tourisme… »

« En terme d’image pour la Polynésie, c’est très fort »


Quelles retombées attendez-vous d’un tel évènement ?
 
« Globalement, ce qu’on constate, c’est un rayonnement de la Polynésie qui s’est fait de façon extrêmement fort et affirmé sur le fait d’être le premier à s’engager sur le sujet de la « Tech for islands ». Et ça, en terme d’image pour la Polynésie, c’est très fort. Quand j’ai rencontré l’Etat au mois de mars à l’Elysée et à Matignon, la première chose que j’ai perçu, c’est que je suis arrivé en tant que Polynésie française avec une solution novatrice, positive et en pensant aux métiers de demain. Et l’Etat nous a magnifiquement accueilli en nous disant que notre approche était parfaite dans la vision du Président de la République. Dans sa volonté, en 2020, de faire un sommet des îles et dans la problématique qu’il souhaite aborder avec tous les pays invités, il y a cette dimension « Tech for islands ». On sent qu’il y a, de la part de l’Etat, une démarche de contenu. C’est bien les câbles sous-marins, mais les câbles c’est un début. Comme l’avait dit le Secrétaire d’Etat au Numérique, Mounir Mahdjoubi, l’an dernier en clôture du Digitial Festival Tahiti : « les câbles, ce qui est important, c’est ce qu’on met dedans ». Et nous, c’est ce qu’on apporte. Des solutions parfaitement adaptées pour des régions iliennes comme on les connaît. »

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mardi 15 Octobre 2019 à 19:48 | Lu 10877 fois