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Te Rupe no Makatea : non à l'extraction, oui à l'écologie


Te Rupe no Makatea : non à l'extraction, oui à l'écologie
FAAONE, le 27/09/2017 - L'association "Te Rupe no Makatea" a organisé une conférence de presse ce mercredi matin à la mairie de Faaone afin de réaffirmer son opposition au projet de l'australien Colin Randall. Mais c'était également l'occasion de mettre en lumière un autre projet qui retient leur attention, il s'agit de l'avenir de Makatea 100 % écologique.

Dany Pittman était entourée de quelques membres de son association ce mercredi matin à la mairie de Faaone, pour dévoiler à la presse un projet qui serait plus favorable à mettre en place à Makatea. Il s'agit de l'avenir de Makatea 100 % écologique, un projet qui a été présenté par Roti Make, ambassadrice de l'organisation équilibrismus en Polynésie.

Ce projet justement est porté par cette organisation qui a été fondée par un alsacien Eric Bihl. "Il travaille en Allemagne, et il a fondé cette organisation parce qu'il avait une vision pour la Polynésie. Il connait notre fenua, il a fait son service militaire ici et il aime la Polynésie", raconte Roti Make.

L'idée serait de faire de Makatea une vitrine écologique pour les pays du monde entier. En clair, ce serait de mettre en place des produits qui respecteraient l'environnement et qui permettraient le développement de l'île sur le plan écologique. "Il y a par exemple, des énergies renouvelables, comme des éoliennes, mais pas comme ceux auxquelles on pense. Autre exemple, l'énergie solaire, ce ne seront pas simplement les panneaux solaires que l'on voit aujourd'hui. On peut mettre maintenant des tôles qui auront cette fonction. On aura le bois, on peut faire des briques avec les feuilles mélangées avec de la terre en utilisant des produits 100 % biologiques. Tout sera fait avec les produits de l'île", souligne l'ambassadrice de l'organisation équilibrismus en Polynésie.

D'ailleurs ce projet aurait dû se faire à Rapa, mais les problèmes de desserte maritime n'ont pas permis de le concrétiser, "alors qu'à Rapa le conseil des to'ohitu est d'accord ainsi que la commune et la population", assure Roti Make.

EXONÉRATION DES TAXES

Selon Roti Make, ce projet ne coûtera rien à la collectivité et à la population de Makatea. "Il y a des entreprises qui ont inventé des produits biologiques, biodégradables et qui peuvent durer un certain nombre d'années, et ces entreprises sponsoriseront le projet", explique-t-elle.

En revanche, "nous demanderons au gouvernement d'exonérer les taxes pour le transport des matériaux sur Makatea, parce que ce sont des produits qui vont être installés sur l'île et qui la fera développer."

"En contrepartie, ils vont utiliser l'île de Makatea comme publicité. Ça sera un projet pilote et ils vont pouvoir faire de la publicité sur Makatea avec leurs produits, et ce sera bien pour le tourisme aussi. Donc, ils vont utiliser cette image de Makatea pour proposer leurs produits au reste du monde, et nous, nous aurons de la publicité gratuite."

L'objectif de cette organisation est de faire de Makatea "un musée des produits innovants pour le développement durable". Mais cela se fera uniquement si les propriétaires de Makatea sont d'accord. "On ne fera rien sans leur aval", tient à préciser Roti Make.

"Et dans le principe de l'équilibrismus, c'est le peuple qui a son mot à dire. Le gouvernement ne va pas dire oui on le fait, alors que le peuple ne veut pas parce que pour lui ce n'est pas bon", poursuit l'écologiste.

Autre point à ne pas négliger, la mise en place d'une université sur l'île. "Pour former les jeunes. Ce projet d'université sera relié avec l'université d'Europe et du monde. Ce sera pour faire des recherches, surtout qu'il y a des espèces endémiques et faire une université dans des endroits comme celui-là, ça permettra d'apprendre non seulement l'écologie, mais aussi à construire l'écologie. Ce sera une université où on fera de la théorie, mais aussi de la pratique. Et là, les jeunes pas forcément des bacheliers, pourront être formés sur des choses bien précises qu'ils pourront maitriser, comme les énergies renouvelables, la médecine traditionnelle… comme on le fait déjà à Berkley."

Et face à cette présentation, les membres de l'association "Te Rupe no Makatea" ont été séduits. "Makatea a beaucoup souffert, maintenant, laissons le passé derrière nous et allons vers l'avenir. Et ce n'est pas SAS avenir de Makatea, c'est avenir de Makatea 100 % bio", lâche Dany Pittman, présidente de l'association.

2018, L’ANNÉE DE LA SENSIBILISATION

Et pour mieux présenter ce projet écologique, plusieurs actions seront mises en place l'an prochain.

"Nous avons la journée internationale de la Terre qui va se dérouler le 8 juin 2018. Donc, l'association "Te Rupe no Makatea" va être le porteur de projet durant cette période-là. Du 1er au 17 juin, il y a un déplacement qui sera prévu du 1er au 8 juin sur Makatea. Du 9 au 17, il va y avoir des expositions-débats, puis la conférence durant quatre jours sur l'écologie de Makatea, son organisation foncière, son projet de développement durable. Il y aura des projections de photos, films sur l'histoire de Makatea. Il y aura aussi des ateliers pour enfants, de l'écotourisme, le développement durable, le projet de l'université, les technologies écologiques modernes, les énergies renouvelables…", décrit Roti Make.

Même si on en est qu'à la phase de la présentation de ce projet révolutionnaire, ses instigateurs préfèrent prendre le temps qu'il faut pour informer au mieux les natifs de Makatea.


Roti Make
Ecologiste


"On ne fera rien sans leur aval"


"L'année dernière, j'ai rencontré Dany Pittman, la présidente de Te Rupe no Makatea. Et c'est là, que je lui ai parlé de ce projet 100 % écologique pour Makatea. Au début, elle n'était pas très emballée, et nous avions continué de nous voir, puis petit à petit, elle a trouvé le projet intéressant.

Le président de l'organisation Eric Bihl me disait qu'il viendrait en Polynésie, s'il y a vraiment un grand intérêt de la population, du gouvernement, des élus politiques pour ce projet.

Tout ce qui va être organisé sur cette île va être biologique, on ne mettra rien que la population ne voudra pas. Ce sont les ayants droits, les maîtres, c'est par eux que nous devons avoir l'aval pour faire quelque chose. Le gouvernement, lui, c'est son accord de principe. On ne mettra pas de choses qui vont polluer les yeux, le lagon, la nature… c'est-à-dire que si demain on fait des énergies de vagues, on montrera les modèles qui seront mis en place là-bas, et s'il faudra les enlever, on les enlèvera. Mais au moins, les gens verront.

Notre objectif est de sensibiliser la population, mais surtout de leur dire qu'on ne fera rien sans leur aval.
"



NON AU PROJET DE COLIN RANDALL

Te Rupe no Makatea : non à l'extraction, oui à l'écologie
Durant cette conférence de presse, l'association Te Rupe no Makatea a réaffirmé son opposition au projet de Colin Randall.

Selon la vice-présidente de l'association, Sabrina Birk, leur pétition a recueilli aujourd'hui "plus de 150 000 signatures, et la plupart vient du monde."

Et l'ancienne représentante indépendantiste à l'assemblée n'a pas caché sa déception vis-à-vis du gouvernement.

"Le projet de Collin Randall est une catastrophe écologique et environnementale, et les politiques ferment les yeux sur l'environnement. On accepte un développement sauvage qui est totalement inadmissible, de la part des politiques et de Colin Randall qui n'a fait aucune études des nappes phréatiques, des galeries… il s'en fout, de toute façon l'eau c'est lui qui va fournir. Nous, on veut un Plan général d'aménagement (PGA) parce que le sol de Makatea est perméable. On veut apprendre à la population ce qu'il faut faire de leurs batteries, de leurs huiles… Donc, il faut délimiter pour savoir où se trouve cette galerie. Et d'un autre côté, il y a le problème de poussières que va causer le projet de Colin, c'est terrible. À l'époque de CFPO, on parlait de poussières. Mais là, ce n'était que du sable. Avec Colin Randall ce sera un projet très bruyant avec le concassage et ça va durer pendant les 30 ans d'exploitation. Et le politique n'a pas fait son boulot parce qu'il n'a pas fait les contre-expertises. Déjà, quand ils ont délivré le permis de construire du temps de Gaston Flosse, ils auraient dû délimiter la zone où il pouvait explorer, ce qu'ils n'ont pas fait. Et en délimitant les terres, ils auraient dû obtenir la permission des propriétaires, ce qu'ils n'ont pas fait non plus, parce qu'ils sont toujours en train de chercher qui sont les propriétaires. Donc, ils sont allés sur des terres qui ne les appartiennent pas pour faire des prélèvements. Quand Jacky Bryant était ministre, il avait fait une enquête commodo incommodo. Et à l'issue de cela, il y a eu une réunion de la commission des mines, et ils ont émis un avis défavorable. Donc, ils ont clôturé la demande de Colin Randall. Normalement, ça aurait dû s'arrêter là, mais Gaston Flosse est arrivé par la suite et a annulé cela. Le gouvernement actuel était avec Gaston Flosse, et c'est eux qui ont octroyé de nouveau cette autorisation. Nous, on veut qu'ils assument leurs responsabilités et leurs actes. On veut qu'ils annulent ça. On aimerait bien qu'ils fassent les contre-expertises qui justifient qu'il y a un taux élevé de cadmium. La population ne veut pas de ce projet parce qu'il est dangereux pour l'environnement. Makatea a beaucoup plus de potentiel dans le développement écotouristique, scientifique qui va beaucoup nous apporter pour l'avenir, que les 500 millions de francs que propose Colin Randall par an", déplore-t-elle.

"Pour moi, ce qui serait intéressant ce serait de classer Makatea en tant que patrimoine naturel, et dans le courrier que nous avons remis à Edouard Fritch au mois de novembre venant de Monsieur Lucien Montaggioni professeur Emérite de Géosciences, qui demandait si on voulait développer Makatea sur un plan écologique, touristique, scientifique. Le mieux serait de faire un parc naturel, et c'est ça qui va faire venir les touristes et les scientifiques parce qu'il y a les fossiles qui sont uniques dans le Pacifique. Sur le plan scientifique, nous avons des fossiles qui datent depuis des millions d'années, il y a aussi toute la faune. Il y a des touristes qui viennent observer les oiseaux uniques au monde, à Makatea. Il y a aussi de magnifiques grottes d'eau, il y a aussi le "rupe", un oiseau. Il y a aussi le "'areho", c'est un escargot terrestre qui existe un peu dans le Pacifique et qui a beaucoup disparu à cause de l'introduction des escargots carnivores. Mais à Makatea, il en reste encore. Ce sont des escargots très rares et très recherchés par les scientifiques pour étudier son évolution. Ces escargots ne pondent pas d'œuf, mais ils accouchent des bébés. Donc, ils en font peu et ils sont très fragiles, il faut les protéger."

Et Sabrina Birk n'a pas mâché ses mots concernant la réaction des habitants sur place qui seraient pour le projet de Colin Randall. "Il y a 80 habitants et on sait qu'ils ne sont pas tous d'accord. À la réunion, ils étaient peut-être 20 qui seraient favorables et qui se sont exprimés. Sur ces 20, il y a peut-être 12 jeunes qui cherchent du travail. Mais la plupart des jeunes des îles viennent à Tahiti chercher du boulot, on le sait. Et c'est pareil pour la plupart des propriétaires de Makatea qui sont venus à Tahiti chercher du boulot. Et vous pensez qu'ils ont envie de sacrifier Makatea pour ces jeunes là-bas, alors qu'ils ne se bougent pas pour chercher du travail et qu'ils n'ont pas d'esprit d'initiative ? C'est un peu cet esprit-là que nous entendons de la part des ayants-droits qui sont à Tahiti, qui eux, ont déplacé leurs familles pour venir chercher du boulot sur Tahiti et vivre dans des bidons villes et ils aspirent tous à rentrer chez eux durant leur retraite. Alors que ces personnes à Makatea veulent tout saccager parce qu'ils veulent leur boulot sur place ?", prévient Sabrina Birk.

De son côté, la présidente de l'association Te Rupe no Makatea se dit déçue de cette réaction. "C'est un genre de chantage, vous n'êtes pas là donc vous n'avez pas votre mot à dire. Ils devraient quand même être plus reconnaissants envers les natifs de Makatea, parce que nous bougeons beaucoup ici pour l'île. Maintenant, les jeunes qui acceptent ce projet pour du boulot, je leur dirai simplement qu'il faut arrêter l'assistanat. Dans le monde c'est l'argent qui domine et j'appelle les habitants de Makatea à la raison et de prendre le temps de réfléchir, c'est quand même un projet qui va détruire notre île".

Et pour elle, la réaction du tāvana est irrespectueuse. "Notre maire gratte de la guitare pour endormir tout le monde. Qu'il arrête sa sérénade parce qu'il a oublié qu'il y a des personnes qui se lèvent. Et je n'accepte pas qu'il détruise notre île. Quand Colin Randall annonce aux médias qu'il a reçu 30 personnes par rapport à 7 000 ayants-droits, il a du sacré boulot. Je reconnais qu'à côté des 30 personnes, nous sommes majoritaires. Je ne sais pas comment leur faire comprendre ça."

Mareva Lechat
Collaboratrice du député Moetai Brotherson


"Ce projet pour lui (Moetai Brotherson NDLR) serait une catastrophe"

"Moetai Brotherson s'est exprimé deux fois sur son compte Facebook de parlementaire, il s'est clairement exprimé avec #touchezpasàMakatea. Donc, pour avoir assisté à la présentation de Monsieur Randall, ce projet pour lui serait une catastrophe. Il voyait plus un développement de l'économie endogène basé sur l'environnement. Et ces deux associations présentent des projets qui sont dans la philosophie de Moetai.

Quand il a rencontré Monsieur Lecornu, un de ses deux points à l'ordre c'était Makatea. Dès qu'il aura son rendez-vous avec le Ministre Nicolas Hulot, il en fera de même, et dans le dossier environnement c'est important. Il y a le dossier nucléaire, la montée des eaux, mais il y a aussi Makatea. Toutes les extractions minières font partie de l'environnement.

Moetai Brotherson peut parler directement avec le ministre Nicolas Hulot puisqu'on sait que les décisions se prennent directement à Paris. Donc, il a un poids à ce niveau-là. Après, tout le monde a un poids qui est différent, mais Moetai va tout faire de son côté pour défendre les associations de propriétaires et les associations de défense de l'environnement.
"



le Mercredi 27 Septembre 2017 à 18:16 | Lu 2496 fois