Taxe de développement local : vers l’ « ajustement » de certains taux élevés


Article mis à jour le 7 juillet 2011 à 15H00

La charge avait été lancée par Anne Bolliet dans son rapport rendu public en octobre 2010. L’inspectrice générale des finances préconisait la suppression progressive de la TDL, la taxe de développement local. Créée en 1997 pour protéger l’industrie locale, elle rapporte environ 1,6 milliard chaque année au pays. Mais critiquée pour son impact sur la cherté de la vie, elle est devenue au fil du temps un symbole du protectionnisme polynésien.

Dans quelle mesure la TDL sera-t-elle réformée ? Probablement de manière limitée. Si la synthèse du plan de redressement qui sera étudié mardi prochain à l’assemblée de Polynésie, prévoit une révision de la liste des produits soumis à cette taxe, et l’instauration de « mesures compensatoires pour les producteurs pénalisés par l’ouverture du marché local », l’annexe qui lui est consacrée, et que Tahiti Infos a pu consulter, semble beaucoup plus mesurée. «La TDL est une taxe de niveau relativement acceptable » peut-on lire dans ce document, qui s'appuie sur une étude de 2009, et précise qu’elle ne représente en moyenne que 12,4% du prix affiché. « En l’absence d’un système alternatif sous forme d’aides directes ou de réductions de charges » pour l’industrie locale, le gouvernement préconise donc son maintien. Mais prévoit toutefois « l’ajustement de certains taux élevés qui ne se justifient plus lorsqu’une industrie a su capter une part significative du marché local ». De quoi donner des sueurs froides à certaines grosses industries locales.

LES CONSEQUENCES SERAIENT "CATASTROPHIQUES" POUR LA BRASSERIE

La TDL s’applique aujourd’hui à près de 170 codifications douanières, c’est-à-dire des produits regroupés par type. On y retrouve des biens de consommation courante aussi divers que le saumon fumé, le chocolat, les confitures, les savons, les jus de fruits, les eaux minérales, les pareu, le papier toilette etc. Des produits taxés de 9 à... 82%, ces fameux « taux élevés » qui sont aujourd’hui dans la ligne de mire du gouvernement. Parmi ces produits surtaxés figure la bière, produit phare de la Brasserie de Tahiti, qui s’assure grâce à la TDL une position dominante sur le marché, et qui emploie aujourd'hui plus de 400 salariés. Une entreprise forcément inquiète des rumeurs selon lesquelles la TDL sur la bière passerait de 82% à 50%.

"Pour l'instant, ce ne sont que des rumeurs", insiste le directeur général de la Brasserie de Tahiti, Hubert Viaris de Lesegno. "On attend la concertation que le gouvernement nous a promise sur ce sujet", explique-t-il avec prudence. Tout en reconnaissant qu'une baisse de la TDL sur la bière aurait des conséquences "catastrophiques" pour la Brasserie. "Pour l'instant, notre principale préoccupation, c'est la crise économique, qui nous touche, comme les autres", rappelle le directeur de la Brasserie, qui tente d'y faire face "sans toucher à la masse salariale".

TOILETTAGE PLUTOT QUE SUPPRESSION

Alarmé par ces rumeurs sur une baisse de la TDL, le SIPOF demande à rencontrer le ministre de l’économie, Pierre Frebault, il y a deux semaines. Yoann Lamisse, co-président du syndicat, est ressorti de l’entretien rassuré. « On a senti qu’il y avait une volonté de toiletter la TDL, mais le ministre a été attentif à nos remarques » explique-t-il. « On l’a mis en garde contre les effets pervers de la baisse de la TDL sur notre industrie, qui ne pourra pas rester compétitive. On lui a dit aussi de ne pas sombrer dans l’ultra-libéralisme quand les Etats-Unis ou la Chine eux-mêmes surtaxent les produits à l’import », précise M. Lamisse. Qui est même allé jusqu’à demander...une hausse de la TDL sur les jus de fruit notamment, pour mieux protéger l'usine de Jus de Fruits de Moorea . Pas sûr qu’il ait été entendu sur ce point.

S’il n’y aura donc pas de suppression brutale de la TDL, il y aura bien « toilettage ». Outre la baisse des « taux élevés », elle devrait être réduite progressivement, pendant 3 ans, sur certains produits qui représentent un total d’importations de moins de 15 millions de francs par an, « c’est-à-dire un montant insuffisant pour faire vivre une industrie locale », explique Denis Grellier, chef de service de la SDIM ( service du développement de l’industrie et des métiers). C’est en tout cas la proposition qu’il a faite au gouvernement, lorsqu’il a été consulté dans le cadre du plan de redressement.

« Il faut se fixer un cap, et revoir la liste produit par produit », explique M. Grellier, qui reste toutefois dubitatif sur les répercussions qu’aurait la baisse de la TDL. « Il n’est pas du tout dit qu’elle s’accompagne d’une baisse des prix », rappelle-t-il. En 2004, le gouvernement avait ainsi supprimé la TDL sur les meubles sans effet visible sur les prix. L’explication ? Le commerçant aura naturellement tendance à augmenter sa marge. Si le gouvernement opte bien pour une réduction de la TDL sur certains produits, il devra donc dans le même temps être attentif à ce que cette baisse se répercute sur les prix. Un contrôle difficile à mettre en place.

"SE PROTEGER A HAUTEUR DE 20 OU 30% N'EST PAS SCANDALEUX"

Et même ainsi, on sera encore loin de résoudre le problème de la vie chère, met en garde Denis Grellier. Tout simplement parce que la TDL ne concerne que 3,7% des produits importés. « On a des débats interminables sur le libéralisme, mais la Polynésie est un micro-marché, ce type de raisonnement ne peut pas s’y appliquer » affirme-t-il. « Certes, les abus sont détestables, mais se protéger à hauteur de 20 ou 30% de TDL n’est pas scandaleux », conclut Denis Grellier. « Oui, mais à condition de la limiter dans le temps, pour une durée de 5 ans par exemple » répond à ces arguments l'ancien président de la Fédération Générale du Commerce (et actuel président de la CCISM), Gilles Yau, qui rappelle que la TDL a empoisonné les relations entre la FGC et le SIPOF pendant des années.

Le débat sur la TDL sera-t-il tranché mardi à l'assemblée ? Rien n’est moins sûr. Pour l’heure, le ministère de l’économie ne veut pas communiquer. Quant au SIPOF, il croit savoir que le problème n’est pas une priorité. « Madame Bolliet nous a confirmé elle-même que la révision de la TDL n’était en aucun cas une condition d’obtention du prêt AFD », explique le syndicat des industriels. Le voile sera levé mardi en séance par le ministre Pierre Frébault.

Rédigé par F K le Mercredi 6 Juillet 2011 à 14:13 | Lu 2468 fois