Tatau, la culture d'un art


PAPEETE, le 19 novembre 2014. Le documentaire Tatau, la culture d'un art est diffusé ce mercredi 26 novembre sur Polynésie 1ère, à 19 h 25, dans l'émission Patitifa.




« C'est un miracle que le tatouage n'ait pas disparu »,
souligne Manu Farrarons, tatoueur et fils de Jordi Farrarons, qui a eu le premier tattoo shop avec pignon sur rue à Tahiti. « Le tatouage a repris sa place. Plus personne ne le critique. Il y a 30-40 ans, il y avait plus de personnes qui n'avaient pas de tatouage que de personnes qui en avaient. Aujourd'hui, c'est l'inverse ».
Dans le documentaire Tatau, la culture d'un art, le réalisateur et anthropologue Jean-Philippe Joaquim revient sur l'histoire du tatouage polynésien : sa pratique, sa presque disparition et son retour. A travers les témoignages de nombreux de tatoueurs, archéologues et anthropologues, il guide le spectateur pour mieux connaître l'histoire du tatouage et son retour sur la scène culturelle et commerciale.


« Un des marqueurs de l'identité »


Auparavant, le tatouage répondait à des règles très strictes et indiquait la position sociale du tatoué.
Le tatouage a disparu de Tahiti vers 1858-1861 et a été interdit en 1884 aux Marquises. Il faudra attendre les années 1970 pour voir revenir progressivement le tatouage au fenua.

D'abord de retour dans les prisons et dans les fonds des quartiers, les tatouages sont alors « à l'européenne ». Mais vers « la fin des années 1980-90, le tatouage devient quelque chose de très important », témoigne dans le documentaire Bruno Saura, anthropologue. « Il va devenir un des marqueurs de l'identité ».

Le documentaire Tatau, la culture d’un art sera diffusé mercredi prochain à 19h25 sur Polynésie 1ère dans l'émission Patitifa. Il retrace « l’aventure de toute une nouvelle génération de tatoueurs qui ont su redonner du sens à une pratique trop longtemps déconsidérée voire dénigrée », explique le résumé du documentaire. «Tatau, la culture d’un art est l’histoire de la reconquête d’un nom et d’une fonction au sein d’une société qui se construit à travers les époques. C’est aussi un film qui nous montre comment un art considéré il y a à peine plus de trente ans comme une pratique répréhensible à su devenir à l’international un véritable ambassadeur de la culture polynésienne. »


« On a presque tout perdu »



Se réapproprier l'art du tatouage a été difficile. « On a presque tout perdu », rappelle Manu Farrarons. Le livre de Karl von den Steinen devient l'une des références, mais d'abord écrit en allemand, il n'est pas toujours bien compris. Dans le documentaire, un des tatoueurs cite ainsi l'anecdote d'une maman qui a vu sous des dessins de tatouages marquisiens des lettres et a cru que les dessins signifiaient ces lettres. Les lettres renvoyaient en fait à des légendes. Mais cette maman a voulu écrire le nom de son enfant avec ces dessins. « Je ne sais pas où on serait s'il n'y avait pas eu ces tatouages marquisiens », confie Roonui, tatoueur à Montréal.


Aujourd'hui, le tatouage s'ouvre à l'extérieur notamment grâce aux conventions internationales. On découvre ainsi de nombreux tatoueurs venus de différents pays dans ce reportage qui sont très intéressés par le tatouage polynésien.
Le témoignage de la jeune japonaise, professeur de ori tahiti, qui décide de se tatouer est aussi touchant. Au Japon, cet art est mal perçu. Une fois tatouée, elle ne pourra plus aller à la piscine, au spa... mais elle se lance quand même et le tatoueur commence à tracer les traits du futur tatau.

Des échanges vers l'extérieur, mais aussi des apports de l'extérieur. « On développe des influences des deux côtés », souligne Manu Farrarons.
Comme un tatoueur, Jean-Philippe Joaquim a soigné l'esthétique et le sens de son œuvre. « Le tatouage est une pratique qui est éminemment visuelle », confie-t-il. « Il fallait que les images soient en adéquation. C'est un art, il fallait le porter le transcender par les images. »



Interview

Jean-Philippe Joaquim, réalisateur de Tatau, la culture d'un art et anthropologue

« Beaucoup de choses ont été perdues »


Dans votre documentaire, Manu Farrarons, tatoueur, dit que le tatouage a retrouvé sa place. Est-ce vraiment le cas ou est-ce une nouvelle place ?

A travers la démarche par laquelle les tatoueurs et les Tahitiens se sont réappropriés cette pratique on s'aperçoit que le tatouage est comme un langage. (…) Il accompagne les sociétés humaines et se transforme au fur et à mesure que la société humaine elle-même évolue et se transforme à travers l'histoire.

Le travail de recherche sur le tatouage est-il difficile ?

Il y a très peu d'iconographies sur le tatouage tahitien. La recherche est un travail de rat de bibliothèque. Il faut aussi aller sur le terrain, rencontrer les gens, les interroger sur leur pratique et croiser cela avec ce qu'on sait historiquement. On s'aperçoit qu'il y a beaucoup de choses qui ont été perdues.


Rédigé par Mélanie Thomas le Mercredi 26 Novembre 2014 à 14:04 | Lu 5146 fois